Examen accéléré du
Plan 2014, phase 1 :

Éclairer les décisions de dévier du Plan 2014 en période de conditions extrêmes

Rapport adressé au Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et à la Commission mixte internationale

Consultez le rapport
1

Introduction

1.0

Introduction

Après deux années de niveaux records du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, la Commission mixte internationale (CMI) a chargé le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) d’effectuer un examen accéléré du Plan 2014 qui encadre la gestion du débit sortant du lac Ontario (voir l’annexe 2).

Le présent rapport traite de la phase 1 de cet examen accéléré qui a eu essentiellement pour objet de déterminer rapidement s’il n’y aurait pas de nouvelles et meilleures façons pour le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (le Conseil) de faire face à une répétition des conditions hydrologiques exceptionnelles de 2017 et 2019-2020 qui ont été marquées par des crues extrêmes du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent assorties de graves impacts. Pour cela, le Comité GAGL s’est appuyé sur l’information existante et a compilé un grand nombre de données nouvelles sur l’impact de telles crues extrêmes. Le Comité GAGL a également travaillé en étroite collaboration avec le Conseil pour en apprendre davantage sur ses pratiques de déviations par rapport aux dispositions du Plan 2014 en cas de crues extrêmes du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent par le biais d’un ajustement du débit sortant selon des valeurs qui vont au-delà des dispositions du Plan 2014 (application de déviations). Cette information a servi à produire un outil interactif novateur qui donnera désormais au Conseil un précieux aperçu des risques et des avantages potentiels se présentant à lui ai moment de réagir à de futurs événements hydrologiques extrêmes.

1.1

But

Le Comité GAGL a été établi par la CMI en janvier 2015 pour examiner systématiquement les plans de gestion des débits sortants du lac Ontario et du lac Supérieur (CMI, 2015). Il devait réaliser ces examens selon un échéancier de 15 ans. Toutefois, la CMI a accéléré le calendrier dans le cas du Plan de régularisation du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, connu sous le nom de Plan 2014, parce que certains membres du public et certains élus se demandaient si le Conseil avait réagi de façon appropriée lors des vagues successives de crues extrêmes (GAGL, 2018; Global News, 2020; Auburn Citizen, 2020) et si le Plan était adapté.

La décision prise en février 2020 d’axer la phase 1 de l’examen accéléré sur la recherche de moyens plus efficaces devant permettre au Conseil de dévier des prescriptions du Plan afin de réduire l’ampleur des inondations tient au souvenir qu’ont laissé les deux années de crues du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. De plus, les niveaux d’eau des Grands Lacs d’amont, y compris du lac Érié, qui s’écoulent directement dans le lac Ontario par la rivière Niagara et le canal Welland, ont atteint des records ou presque (ECCC, 2020). Il n’y a pas de barrages à l’exutoire du lac Érié ni sur la rivière Niagara pour contrôler le débit entrant dans le lac Ontario (INBC, 2021). Compte tenu de ces apports d’eau élevés et non contrôlés en provenance du lac Érié, le niveau d’eau du lac Ontario risquait fort de demeurer extrême dans les années à venir. Cela étant, la CMI a estimé qu’il fallait d’abord aider le Conseil à peaufiner son processus décisionnel dans les plus brefs délais pour pouvoir faire face à un éventuel retour prochain de crues extrêmes.

Comme ils l’ont indiqué au Comité GAGL à l’étape de la préparation de ce rapport, les membres du Conseil auraient aimé, lors des dernières années de crue, pouvoir se faire une meilleure idée des répercussions possibles de leurs décisions de déviation, et ils ont trouvé difficile de prendre ces décisions sans avoir une idée précise des risques et des incertitudes en découlant (Comité GAGL, 2020a). Ces préoccupations des membres du Conseil suscitées par le manque de données prévisionnelles ont retenu l’attention de la CMI et des divers acteurs du bassin (modes d’utilisation et intérêts divers), surtout compte tenu de la nature sans précédent des récents épisodes de crue et des impacts que pourraient avoir les changements climatiques dans l’avenir.

1.2

La recherche à l’origine de l’outil d’aide à la décision

Même avant que le niveau du lac Ontario ne commence à diminuer par rapport à ses pics de 2017 et de 2019, le Comité GAGL et ses partenaires avaient commencé à recueillir des données au sujet de l’impact des crues sur six modes d’utilisation et intérêts dans l’ensemble du réseau du lac Ontario et du Saint-Laurent, tels que définis par la CMI dans le rapport sur le Plan 2014 (CMI, 2014). C’est ainsi que le Comité GAGL a recueilli des renseignements détaillés sur l’endommagement des berges, sur les effets ressentis par le transport maritime et l’écosystème du fleuve, ainsi que sur les impacts constatés au niveau de la production d’hydroélectricité, des prises d’eau municipales et de la navigation de plaisance (Comité GAGL, 2018).

Le Comité GAGL a plus particulièrement commencé à recueillir des données sur les impacts subis par les communautés autochtones riveraines du Saint-Laurent et du lac Ontario. Le Comité GAGL a invité les membres du Conseil à préciser quels renseignements leur étaient nécessaires pour les aider dans leurs prises de décisions. Le Comité et ses associés se sont penchés sur le cadre de régularisation et ont exploré d’autres stratégies de déviation à appliquer éventuellement. Un Groupe consultatif public (GCP) — composé de représentants d’un large éventail de secteurs d’activités et d’intérêts (tableau 1) riverains du lac Ontario et du Saint-Laurent — a prodigué des conseils et fait part au Comité GAGL de commentaires utiles sur les impacts des crues extrêmes ressentis par les secteurs représentés au sein du GCP (CMI, 2020b). Ces données et points de vue nouveaux ont permis au Comité GAGL de mettre au point un outil interactif destiné à synthétiser et à présenter au Conseil tout un ensemble de données objectives sur les compromis à faire entre les intérêts et les régions géographiques concernés, compromis qui sont inhérents à de nombreuses décisions de déviation. L’Outil d’aide à la décision (OAD) fournira donc systématiquement aux membres du Conseil un ensemble d’informations qui les aideront à comparer les impacts des déviations envisagées sur les divers modes d’utilisation et intérêts. La possibilité de tester les stratégies de déviation en fonction de différents scénarios d’apports d’eau permettra de lever une partie des incertitudes relatives aux conditions hydrologiques futures.

Tableau 1

Liste des six modes d’utilisation et intérêts identifiés par le GEILOFSL, 2006 et la CMI, 2014
Réseaux d’aqueducs municipaux et industriels
Navigation commerciale
Production d’hydroélectricité
Propriétés riveraines du lac et du fleuve (y compris les terres agricoles)
Écosystème du lac et du fleuve
Navigation de plaisance et tourisme
*Le Comité GAGL tient compte des nations autochtones dans le processus de gestion adaptative

Liste des six modes d’utilisation et intérêts identifiés par le GEILOFSL, 2006 et la CMI, 2014

En situation de crue extrême du lac Ontario et du Saint-Laurent, le réglage des vannes des ouvrages compensateurs peut ne pas respecter le Plan de régulation, mais demeurer conforme à l’Ordonnance de 2016. Le Conseil est autorisé à exercer son pouvoir discrétionnaire consistant à  fixer le débit dans de telles conditions et à dévier des règles et des limites habituelles énoncées dans le Plan, cela afin d’alléger, autant que faire se peut, les impacts en amont et en aval. Les déviations appliquées peuvent consister à modifier les niveaux d’eau — à raison de quelques centimètres ou pouces, mais pas de quelques mètres ou pieds — par l’ajustement du débit sortant du lac Ontario et donc du débit du Saint-Laurent. À cause des conditions d’apports d’eau lors de la dernière crue extrême, le Conseil a dû appliquer maintes déviations par rapport à ce que prévoit le Plan. D’ailleurs des décisions de déviation discrétionnaires ont été prises près de la moitié du temps entre janvier 2017 et décembre 2020 (Figure 1, voir plus de détails à la section 3.0).

Figure 1

Pourcentage du temps où ont été appliquées les règles d’exploitation ou les limites du Plan 2014 par rapport au pourcentage de temps où des déviations ont été appliquées entre 2017 et 2020

  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Limites du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations (condition J)
  • Déviations mineures

L’OAD devrait se révéler d’une aide efficace, mais il ne prendra pas de décisions de déviation à la place du Conseil et il ne lui donnera pas non plus de nouveaux pouvoirs pour faire face à des niveaux d’eau extrêmes. Il arrive souvent que le Conseil soit appelé à intervenir après que des impacts graves ont été ressentis (figure 2). Le Conseil dispose d’une marge d’action limitée; il peut prendre des mesures pour atténuer légèrement ces impacts, mais il ne peut pas les contrer complétement.

Figure 2

Exemples d’impacts riverains en 2017 et 2019.

A) Inondation d’une marina, lac Ontario (New York) (Source : Marina d’Arney), B) Inondation des berges du cours supérieur du Saint-Laurent (Ontario) (Source : CMI), C) Action mécanique des vagues sur la berge, Grèce (New York) (Source : Rutz) , D) Débordement du lac Saint-Louis (Québec) (Source : CMI)

Selon des études1 menées par le Conseil (CILOFSL, 2017), le Comité GAGL (GAGL, 2018), la CMI et d’autres parties prenantes, les précipitations extraordinairement abondantes et persistantes ainsi que d’autres événements naturels ont été à l’origine des niveaux de crue de 2017, 2019 et du début de 2020 (figure 3). Ces études ont démontré que ni le Plan 2014 ni aucun autre plan de régularisation n’aurait pu permettre d’éviter les dommages causés par les inondations.

Cependant, les préoccupations persistantes suscitées par l’impact des crues extrêmes de 2017 et de 2019 ont amené la CMI et les deux gouvernements nationaux à décider de déclencher sans tarder l’examen du Plan 2014, en fonction de quoi le Canada et les États-Unis ont financé la tenue de l’examen accéléré.

Figure 3

Niveaux d’eau 2 du lac Ontario, 2017-2020

(Source : Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent)

  • 2017
  • 2018
  • 2019
  • 2020
  • Min.
  • Max.
  • Moyenne

Au cours de l’hiver 2019-2020, les apports d’eau élevés en provenance du lac Érié ainsi que du bassin du lac Ontario et du Saint-Laurent ont maintenu le niveau du lac Ontario au-dessus de son maximum, ou presque, et au-dessus du point où le Conseil est autorisé à dévier des prescriptions du Plan 2014. Compte tenu de conditions météorologiques favorables à la formation de la couverture de glace sur le fleuve, le Conseil a pu dévier du Plan et appliquer des débits sortants exceptionnellement élevés pour la période hivernale, évitant ainsi que le niveau du lac ne monte davantage durant la saison. Le niveau a commencé à baisser en mars 2020 et, principalement sous l’effet de faibles précipitations et du ruissellement modéré suivant la fonte des neiges dans le bassin au printemps, les niveaux du lac et du fleuve sont alors passés sous le seuil de niveau élevé.

Les fluctuations du niveau du lac Ontario tout au long de 2021 sont un parfait exemple du genre d’incertitudes auxquelles le Conseil est confronté relativement aux futurs apports d’eau. Le niveau du lac est rapidement tombé sous la moyenne à long terme au début de l’année et une sécheresse printanière inhabituelle s’est installée dans certaines parties du bassin du lac et du fleuve. Quelques mois à peine après que l’on eut craint des crues, le niveau du lac Ontario a diminué au point où le Conseil a été autorisé à appliquer des déviations destinées à corriger le faible niveau d’eau. À la fin mai 2021, le Conseil a commencé à réduire le débit sortant du lac Ontario pour le faire passer sous la cote précisée dans le Plan de 2014 de sorte à atténuer les impacts possibles des niveaux d’étiage sur les prises d’eau municipales, la navigation et la production d’électricité, en amont et en aval. Toutefois, les niveaux des lacs Michigan-Huron et Érié sont demeurés bien au-dessus de la moyenne durant l’été 2021, et la sécheresse dans le bassin du lac Ontario a cédé la place à plusieurs mois de précipitations supérieures à la moyenne. Au début octobre, le niveau du lac Ontario était repassé au-dessus de sa cote moyenne à long terme (ECCC, 2021).

Cela étant, et compte tenu de la variabilité des apports d’eau dans le lac Ontario, de l’incertitude qu’ils suscitent ainsi que d’autres facteurs hydrologiques, il était tout à fait justifié que la phase 1 soit axée sur la capacité du Conseil à gérer des niveaux d’eau extrêmement élevés par l’application de déviations. Les faibles niveaux d’eau du printemps et du début de l’été 2021 et la correction rapide de ces conditions n’en soulignent pas moins l’importance de recourir aux techniques de gestion adaptative pour faire face aux conditions changeantes à court et à long terme. L’objectif de la phase 1 n’était pas d’aboutir à une recommandation globale sur la façon de dévier du Plan, ni d’optimiser le système. Il s’agissait plutôt de recueillir, de traiter et de présenter l’information dont le Conseil a besoin pour l’aider dans sa prise de décisions.

Le rapport de la phase 2 de l’examen accéléré du Plan comportera une analyse plus poussée de ce que donne le Plan 2014 en situation de niveaux d’eau extrêmes (hauts et bas), ainsi que de la nécessité de modifier ce plan. Les travaux de la phase 2 de l’examen accéléré devraient se terminer au quatrième trimestre de 2024.

Pour en savoir plus sur l’examen accéléré du Plan 2014, voir : https://ijc.org/fr/gagl/examen-accelere

2

Le réseau, les principaux acteurs, et la régularisation du débit sortant

2.0

Le réseau, les principaux acteurs, et la régularisation du débit sortant

Le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent constituent un réseau complexe, dynamique et interconnecté présentant de nombreuses caractéristiques naturelles uniques et des structures artificielles qui servent à réguler les débits dans ce réseau lacustre et fluvial interconnecté. La Commission mixte internationale (CMI) et son Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (Conseil) gèrent le débit sortant du lac Ontario conformément aux ordonnances d’approbation émises par la CMI. Le débit sortant est contrôlé dans des conditions hydrologiques et climatiques très variables sous l’effet des fluctuations du régime de précipitations et des variations de température, qui sont les deux principaux déterminants des niveaux d’eau dans le réseau. La gestion du débit sortant vise à atteindre les résultats escomptés compte tenu d’un large éventail d’intérêts, au Canada et aux États-Unis.

2.1

Le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent

Considéré du point de vue de la régularisation du débit sortant, le réseau du lac Ontario et du Saint-Laurent s’étend du cours inférieur de la rivière Niagara, englobe le lac Ontario et va aussi loin que Trois-Rivières (Québec) le long du Saint-Laurent, à quelque 140 km (87 mi) en aval de Montréal (figure 4).

Le lac Ontario est le plus à l’est et le plus au sud des cinq Grands Lacs (figure 5). Toute l’eau provenant des quatre Grands Lacs d’amont pénètre dans le lac Ontario par la rivière Niagara et le canal Welland. Par sa superficie, le lac Ontario est le 12e plan d’eau douce en importance sur Terre (19 011 km2 ou 7 340 mi2), mais il est le plus petit des cinq Grands Lacs. En volume, il se classe au quatrième rang, devant le lac Érié. Le lac Ontario mesure 311 km de long et 85 km de large dans sa plus grande largeur. La frontière canado-américaine le traverse à peu près son centre, 54 % de ses rives étant du côté canadien (Comité de coordination des données hydrologiques et hydrauliques de base des Grands Lacs, 1977).

Les Grands Lacs représentent le plus grand système d’eau douce au monde. Forts d’une biodiversité abondante, ils abritent environ 3 500 espèces de plantes et d’animaux et fournissent 20 % de l’approvisionnement mondial en eau douce (NOAA, https://www.noaa.gov/education/resource-collections/freshwater/great-lakes-ecoregion)

Figure 4

Carte du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent

  • Bassin hydrographique des Grands Lacs d’amont
  • Bassin du lac Ontario
  • Bassin du fleuve Saint-Laurent
  • Sous-bassin versant du Saint-Laurent
  • Barrage Moses-Saunders
  • Frontière provinciale
  • Frontière internationale

Les Grands Lacs, qui sont un territoire traditionnel visé par un traité signé avec divers peuples autochtones, dont les Anishinaabe, les Haudenosaunee, les Wendat, les Métis et d’autres, sont depuis toujours un centre résidentiel et commercial.

Aujourd’hui, environ 8,75 millions de personnes vivent dans les municipalités qui bordent le lac Ontario, et des dizaines de milliers de ménages sont installés sur les berges du lac ou à proximité. La plus grande concentration d’aménagement du littoral se trouve dans la région fortement urbanisée de la grande région du Golden Horseshoe, qui s’étend des chutes Niagara à l’extrémité ouest du lac jusqu’à Toronto, la plus grande ville du Canada. Rochester, dans l’État de New York, compte la plus forte concentration de riverains du côté américain (figure 4).

Le lac Ontario se déverse dans le fleuve Saint-Laurent qui, par son débit, est le 13e plus important fleuve au monde (Benke et al., 2005). Le Saint-Laurent s’écoule sur 1 191 km (740 mi) avant de se jeter dans l’océan Atlantique; les 450 premiers kilomètres (280 mi), de la tête du fleuve, à Cape Vincent (New York) et Kingston (Ontario), jusqu’à Trois-Rivières (Québec), en aval, sont influencés par les variations du débit sortant du lac Ontario, comme le prévoit le Plan 2014. Le tronçon du fleuve situé tout de suite en amont du barrage hydroélectrique Moses-Saunders (à Cornwall du côté ontarien et à Massena du côté new yorkais), est connu sous le nom de lac Saint-Laurent; il a été formé lors de la mise en service du barrage Moses-Saunders, en 1958. Le lac Saint-Laurent fait office de réservoir du barrage.

Figure 5

Vue en coupe du réseau des Grands Lacs

(Source : IUGLS, 2012)

À Montréal, le fleuve Saint-Laurent est rejoint par son plus grand affluent, la rivière des Outaouais, qui draine un bassin deux fois plus vaste que celui du lac Ontario. Au printemps, à la fonte des neiges, les énormes volumes d’eau emmagasinés dans le manteau neigeux sont libérés et se combinent éventuellement à la pluie pour donner lieu à de forts débits et à des inondations. On parle alors de crue printanière. Il se produit généralement deux pointes de crue printanière distinctes dans la rivière des Outaouais, à environ trois semaines d’intervalle. La première est due à des débits non régulés des affluents situés plus au sud. La deuxième pointe de crue, qui est partiellement régulé, résulte de la combinaison des débits élevés des affluents du nord et du débit du cours supérieur. Les crues printanières peuvent avoir une grande incidence sur le niveau et le débit du cours inférieur du Saint-Laurent, mais la CMI n’est pas habilitée à superviser la régularisation du débit de la rivière des Outaouais et elle n’intervient donc par dans les l’exploitation des barrages du bassin de ce cours d’eau (https://rivieredesoutaouais.ca/).

Quelque 4,7 millions de personnes vivent dans les municipalités bordant le Saint-Laurent entre Cape Vincent et Trois-Rivières. La plus grande partie du littoral se trouve au Québec, le principal centre urbain étant Montréal, la deuxième ville en importance au Canada. Entre Cape Vincent et Montréal, le fleuve descend d’environ 69 m (226 pi). Avant les travaux d’aménagement de la Voie maritime, plusieurs rapides dans cette partie du fleuve le rendaient impraticable pour les grands navires. Toutefois, cette forte dénivellation présentait un intéressant potentiel sur le plan de la production hydroélectrique. C’est ainsi qu’après des décennies de discussions entre représentants du Canada et des États-Unis, en 1952, les deux pays ont demandé à la CMI d’approuver un projet de construction d’un premier barrage hydroélectrique, conformément au Traité des eaux limitrophes de 1909. Sa construction sur le Saint-Laurent, non loin de Cornwall (Ontario) et de Massena (New York), était également nécessaire pour faciliter l’aménagement futur de la Voie maritime, sur lequel les deux gouvernements allaient s’entendre peu après. En octobre 1952, ce vaste projet qui allait durer sept ans était approuvé (CMI, 1952).

Toujours en 1952, alors que le lac Ontario venait de déborder, les deux gouvernements nationaux ont demandé à la CMI de déterminer si, « compte tenu de tous les autres intérêts en jeu », des mesures pourraient être prises en vue de régulariser le niveau du lac Ontario pour le bénéfice des propriétaires riverains « dans le respect de l’ordre de préséance à observer dans l’utilisation des eaux limitrophes comme le prévoit l’article VIII du Traité des eaux limitrophes de 1909 » (CIILO, 1957). Le lac Ontario a atteint son niveau mensuel moyen record historique de 75,76 m (248,6 pi) en juin 1952. Après plusieurs années d’étude et avec l’accord des gouvernements, la CMI a approuvé une fourchette de la réduction du niveau maximal du lac qui allait permettre un abaissement de 0,24 m (0,8 pi), à condition que les apports naturels d’eau ne soient pas supérieurs aux extrêmes passés (CIILO, 1957). Afin de permettre cette réduction du niveau du lac Ontario au bénéfice des propriétaires riverains, il a fallu procéder à d’autres travaux de dragage dans des sections du cours supérieur du Saint-Laurent de sorte à en augmenter la capacité d’écoulement tout en permettant le maintien de vitesses sûres pour la navigation. Cette augmentation de la capacité d’écoulement du chenal allait permettre de « réduire considérablement » les dommages futurs causés aux propriétés riveraines du lac Ontario, sans tous les éliminer (CIILO, 1957), ni empêcher des dommages riverains plus graves advenant que les apports d’eau dans le lac soient nettement plus élevés que par le passé.

Ce projet hydroélectrique, d’une durée de 7 ans, prévoyait la construction des barrages Moses-Saunders, Long Sault et Iroquois, la Massena Intake (prise d’eau de Massena) et 18 km (11,2 mi) de digues (Macfarlane, 2014). Les travaux d’élargissement du chenal dans le fleuve ont nécessité l’enlèvement de plus de 53 500 000 mètres cubes (70 000 000 verges cubes) de matériaux (Bryce, 1982). La construction du projet a permis de produire 1 957 mégawatts d’hydroélectricité, soit suffisamment pour alimenter quelque deux millions de foyers. Le projet, ainsi que les écluses et le dragage supplémentaire du chenal de la Voie maritime, ont permis à des navires à fort tirant d’eau d’emprunter le fleuve, ce qui a mis les Grands Lacs à la portée des cargos transocéaniques. La régularisation du débit sortant a naturellement découlé du projet hydroélectrique du Saint-Laurent. L’augmentation de la capacité du chenal dans le cours supérieur du Saint-Laurent ainsi que des barrages a permis de moduler le débit sortant du lac Ontario (à la hausse comme à la baisse) et d’atténuer les crues. 

Visite virtuelle du réseau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (en anglais seulement) : https://ijc.org/fr/clofsl/bassin/storymap-tour

2.2

La Commission mixte internationale

La CMI a été créée par le Traité des eaux limitrophes de 1909 entre le Canada et les États-Unis et elle est maintenant considérée comme l’un des plus anciens organismes internationaux au monde.

La CMI a pour mission de prévenir ou de résoudre les différends concernant l’utilisation des eaux des plans et cours d’eau qui chevauchent ou franchissent la frontière canado-américaine. Il est souvent arrivé que les gouvernements nationaux demandent à la CMI de fixer les critères de construction, d’exploitation et d’entretien d’un barrage ou d’une dérivation susceptible d’avoir une incidence sur le niveau et le débit des eaux à hauteur de la frontière internationale. La CMI a établi des conditions pour encadrer les usages, dérivations et obstructions des eaux frontalières et à recommander des mesures de répartitions des eaux de nombreux plans d’eau qui s’écoulent le long de la frontière entre les États-Unis et le Canada ou qui la franchissent; très souvent, la CMI assure la surveillance des débits sortants et de l’utilisation des eaux.

Dans les Grands Lacs, le débit sortant du lac Supérieur est régulé par des barrages sur la rivière St. Marys et le débit sortant du lac Ontario est régulé par des barrages installés sur le Saint-Laurent, cela sous la supervision de la CMI. La Commission a d’ailleurs établi des conseils pour superviser la régularisation à chacun de ces emplacements. La CMI a également pour mission de gérer les glaces, le débit et le niveau d’eau dans le Chippawa-Grass Island Pool, sur la rivière Niagara, ainsi que tout ce qui touche à la qualité de l’eau des Grands Lacs.

La Commission est composée de trois membres de chaque pays qui sont nommés par leur gouvernement fédéral respectif. Elle s’appuie sur un personnel professionnel aux États-Unis et au Canada, qui compte un peu moins d’une quarantaine d’employés, et sur des organismes gouvernementaux partenaires dans les deux pays.

La liste des membres de la CMI est consultable sur le site Web de la CMI. https://ijc.org/fr/qui/personnes/commissaires

Pour en savoir plus sur la Commission, voir : https://ijc.org/fr

Barrage Moses-Saunders

2.3

Le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent

Le Conseil supervise les opérations du Plan 2014 sur le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent. Le présent rapport a été préparé à l’intention du Conseil pour l’aider à s’acquitter de sa mission et à respecter ses obligations en vertu de l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 (https://ijc.org/fr/68d) et des directives connexes.

Le Conseil est composé de six membres nommés par la CMI. Chaque gouvernement national y est représenté, tout comme le Québec, l’Ontario et l’État de New York. Au nom de la parité, la CMI désigne un sixième membre américain. Toutes les personnes nommées sont des professionnels spécialisés dans les questions liées à l’eau. Le Conseil est assisté d’un groupe consultatif intérimaire qui a pour but de veiller à ce que les membres du Conseil bénéficient des commentaires d’un vaste groupe de parties prenantes. Ce groupe consultatif est actuellement composé de six personnes, trois des États-Unis et trois du Canada, qui ont siégé au Conseil même jusqu’à la restructuration de décembre 2020.

Le Conseil supervise l’application régulière du Plan 2014, lequel vise à répondre automatiquement aux fluctuations d’apports d’eau par une augmentation ou une diminution du débit sortant du lac Ontario à hauteur du barrage hydroélectrique Moses-Saunders ou (en période d’entretien de ce barrage ou encore quand il faut corriger davantage le débit) à hauteur du barrage Long Sault, toujours sur le Saint-Laurent (voir la figure 10 de la section 2.7.3). Le Conseil rend compte semestriellement à la CMI de ses activités et des niveaux d’eau relevés. Il est par ailleurs appuyé par un certain nombre de sous-comités et de membres du personnel dont les rôles et responsabilités sont présentés à la figure 6 et, de façon plus détaillée, sur le site Web du Conseil. (https://ijc.org/fr/clofsl/regularisation-du-lac-ontario-et-du-fleuve-saint-laurent)

La plupart du temps, le rôle du Conseil consiste à surveiller le débit sortant et les niveaux d’eau à mesure qu’ils fluctuent à la hausse ou à la baisse en réponse aux apports du lac Érié et aux apports d’origine météorologique. Il doit aussi veiller à ce que le débit sortant du lac Ontario soit établi conformément au Plan 2014. Quand les apports d’eau sont tels que le niveau du lac Ontario passe au-dessus ou au-dessous de certains « seuils de déclenchement » établis dans la Directive sur les ajustements opérationnels, les écarts et les conditions extrêmes (https://ijc.org/fr/clofsl/qui/directives/ajustements), les ouvrages compensateurs doivent être exploités de manière à apporter tout le soulagement possible en amont et en aval. Le Conseil est autorisé à recourir à son pouvoir discrétionnaire pour fixer le débit comme il se doit dans des conditions extrêmes et à dévier du Plan afin d’atténuer l’impact de niveaux d’eau extrêmes. (Le Conseil qui était en place sous le Plan de régularisation antérieur avait un pouvoir similaire, mais non identique.)

En cas de déviation quand les niveaux d’eau sont particulièrement bas, comme ce fut le cas au printemps et au début de l’été 2021, l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 exige que le Conseil accorde la priorité à la protection des prises d’eau municipales et industrielles, à la navigation commerciale et à la production d’hydroélectricité. En cas de déviation en période de crue extrême, l’ordonnance de 2016 exige plutôt que le Conseil accorde la priorité à la protection des propriétés riveraines, en tenant compte de celles qui se situent en amont, sur les bords du lac Ontario et du cours supérieur du Saint-Laurent, au-dessus des barrages, de même qu’en aval, le long du cours inférieur du fleuve. Il est prévu que le seuil de déclenchement dit « haut » (voir la figure 3) soit dépassé 2 % du temps et que le niveau d’eau passe en dessous du seuil dit « bas » 10 % du temps.

Figure 6

Rôles et responsabilités du Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent

Les mesures prises une fois les seuils de déclenchement atteints constituent ce qui est qualifié de déviations majeures par rapport au Plan. Celles-ci modifient le débit de sortie pour tenter d’obtenir les changements de niveau d’eau souhaités dans le lac Ontario ou le Saint-Laurent. Le Conseil dispose du pouvoir de dévier du Plan si le niveau du lac Ontario demeure au-dessus du « seuil de crue » ou au-dessous du « seuil d’étiage ».

Une fois que les niveaux d’eau extrêmes sont corrigés et qu’il n’est plus nécessaire d’appliquer de déviations majeures, le Conseil doit soumettre à la CMI sa stratégie de retour aux débits sortants du Plan 2014. Il doit également déterminer s’il sera avantageux de corriger ensuite le débit sortant afin de compenser ou de rétablir le volume d’eau relâché du lac Ontario au-delà de ce que prévoyait éventuellement le Plan 2014. (En période d’étiage, la même règle s’appliquerait au volume d’eau « supplémentaire » retenu dans le lac Ontario.) La CMI décide, au cas par cas et selon les recommandations du Conseil, si des déviations de compensation sont nécessaires. Cette décision est le plus souvent fondée sur les conditions du moment et les prévisions. Par exemple, à compter d’octobre 2021 et pendant huit semaines, le Conseil a augmenté le débit sortant du lac Ontario de 200 m3/s (7 100 pi3/s) par rapport à la valeur fixée dans le Plan 2014 afin de ramener le niveau du lac Ontario à ce qu’il aurait été si le débit sortant n’avait pas été modifié plus tôt au printemps ou au début de l’été de cette année-là (de la fin mai à la mi-juillet) et si le Conseil avait plutôt suivi strictement les prescriptions du Plan 2014. Cette mesure a visé à réduire le niveau du lac Ontario de 4 cm avant la mi-décembre 2021 afin de compenser les volumes d’eau qui avaient été ajoutés au lac en raison de la déviation antérieure, laquelle avait donné lieu à un dépassement du seuil de déclenchement du critère H14.

Le Conseil peut également prendre des mesures « mineures » à court terme destinées à favoriser un mode d’utilisation ou un intérêt particulier sans pour autant nuire indûment aux autres. Par exemple, si les conditions le justifient, le Conseil augmente temporairement le niveau du réservoir du barrage pendant quelques jours à l’automne afin que les bateaux sur le lac Saint-Laurent puissent être facilement sortis de l’eau avant la saison hivernale.

Sous réserve des exigences de l’ordonnance de 2016, la CMI peut également autoriser le Conseil à apporter temporairement des modifications mineures à la régularisation du débit sortant en vertu d‘une disposition l’Ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 appelée condition J. Ce genre d’autorisation permet au Conseil d’effectuer des modifications temporaires ou des changements mineurs au débit sortant du lac Ontario afin de déterminer : les modifications ou changements souhaitables par rapport au Plan de régularisation. Le Conseil doit faire rapport à la CMI du résultat de ces changements ou modifications temporaires, ainsi que de ses recommandations en la matière que la Commission peut ensuite accepter ou rejeter.

À l’hiver 2019-2020 et 2020-2021, la CMI a autorisé le Conseil, aux termes de la condition J, à vérifier la viabilité de débits sortants supérieurs aux limites opérationnelles hivernales du Plan, à condition que cela n’ait que peu ou pas d’incidence négative sur d’autres aspects, comme la formation de glace.

Il peut toutefois être difficile d’appliquer des déviations dans tous les cas de figure à cause de la complexité du réseau hydrographique et des incertitudes qu’il soulève. Par exemple, une augmentation du débit sortant pour réduire l’impact des inondations sur les rives du lac Ontario peut augmenter le risque d’inondation dans certaines parties riveraines du Saint-Laurent, en aval des barrages. Par ailleurs, une augmentation du débit sortant peut aussi entraîner une baisse du niveau d’eau dans d’autres parties du Saint-Laurent, comme le lac Saint-Laurent. À l’inverse, une forte réduction du débit entraîne une hausse marquée et rapide du niveau du lac Saint-Laurent et une baisse correspondante de niveau en aval des barrages (voir la figure 27 et l’analyse à la section 3.2.2).

Le processus de déviation est donc un exercice d’équilibre lors duquel le Conseil doit tenir compte des répercussions de ses décisions non seulement sur les propriétés riveraines, mais aussi sur d’autres modes d’utilisation et intérêts, comme la navigation commerciale et les écosystèmes du lac et du fleuve. Il doit aussi tenir compte de la nécessité de maintenir une couverture de glace stable sur les parties sensibles du fleuve, comme l’indique l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 et la Directive sur les ajustements opérationnels, les écarts et les conditions extrêmes. Ce compromis délicat peut entraîner des divergences d’opinion entre parties estimant que leur région ou leurs intérêts ont été lésés par une décision de déviation.

Comme l’expérience de 2017 et de 2019-2020 l’a clairement démontré, aucune stratégie de déviation ni aucune autre mesure de régularisation ne permettra jamais d’éviter des inondations extrêmes en cas de précipitations excessives et imprévisibles, de fonte tardive des neiges ou d’autres inconnues comme un fort débit de la rivière des Outaouais au printemps. (Voir la section 3.2.2 pour plus de détails sur les facteurs qui compliquent les décisions de déviation).

Pour en savoir plus sur le Conseil : https://ijc.org/fr/clofsl

2.4

Le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent

Le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) a été créé par la CMI en janvier 2015. La directive qui le vise (https://ijc.org/fr/gagl/qui/directive) précise que le Comité est chargé d’évaluer et d’appuyer les plans de régularisation des débits sortants du lac Ontario et du lac Supérieur, ainsi que la gestion du niveau et du débit de la rivière Niagara (plus précisément du bassin de l’île Chippawa-Grass). Le Comité GAGL rend compte aux conseils responsables de ces opérations. Le présent examen accéléré du plan de gestion du lac Ontario est le premier de ce genre à être réalisé par le Comité GAGL. Le Comité GAGL est composé de neuf experts techniques de chaque pays nommés par la CMI, en plus des secrétaires assurant le soutien administratif.

Comme son nom l’indique, le Comité GAGL a recours à la gestion adaptative – technique qui remplace la surveillance statique par un processus dynamique. Le Comité utilise la surveillance, la modélisation et l’analyse des nouvelles données probantes de façon itérative et continue pour recommander des façons d’améliorer les plans de régularisation des débits sortants et pour les adapter aux circonstances changeantes, notamment aux changements climatiques. Le Comité GAGL a élaboré un document de stratégie à court et à long terme (GAGL, 2020b) destiné à guider le processus de gestion adaptative et l’examen accéléré du Plan 2014. La stratégie décrit les composantes essentielles du processus de gestion adaptative ainsi que les priorités pour les phases 1 et 2 de l’examen accéléré du Plan 2014. La stratégie a été modifiée pour tenir compte des commentaires fournis à la CMI dans le rapport du Government Accountability Office américain (GAO-20-529, juillet 2020).

Pour en savoir plus sur le Comité GAGL : https://ijc.org/fr/gagl

2.5

Le Groupe consultatif public pour la phase 1 de l’examen accéléré du Plan 2014

En mai 2020, la CMI a mis sur pied un Groupe consultatif public (GCP) de 18 membres pour aider le Comité GAGL durant la phase 1 de l’examen accéléré du Plan 2014. Les 18 membres du Groupe, issus de Premières Nations, d’associations de citoyens, de groupements d’affaires et de loisirs, d’organismes de défense de l’environnement et d’entités gouvernementales locales, représentent les modes d’utilisation et les intérêts du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. Ils ont commencé à tenir des réunions virtuelles deux fois par mois en juin 2020.

Les membres, tous des bénévoles, ont consacré beaucoup de temps à assister à une vingtaine de réunions virtuelles, le plus souvent conjointement avec le Comité GAGL et le personnel du Conseil, et d’autres fois séparément. Le GCP a été chargé de conseiller le Comité GAGL sur les informations, les outils et les critères utilisés pour aider le Conseil à prendre des décisions de déviation. Le GCP a apporté de la transparence au processus et veillé à ce que le Conseil dispose des renseignements les plus pertinents possibles pour prendre ses décisions, ce que le Government Accountability Office des États-Unis a encouragé dans son rapport de juillet 2020 (GAO-20-529, 2020). Le GCP n’a pas eu un accès direct au Conseil, et n’a pas exercé d’influence directe sur les décisions de ce dernier, mais ses membres ont fourni des commentaires précieux relativement aux impacts des crues sur les secteurs et les intérêts qu’ils représentent et ont grandement contribué à l’élaboration de l’outil d’aide à la décision (OAD). Ce faisant, ils ont acquis une compréhension et une sensibilité accrues des enjeux et des expériences des autres régions et des autres intérêts ainsi que de la complexité du réseau hydrographique du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.

Le GCP était composé de personnes représentant les parties ou organismes suivants : résidents de l’île Ault (Ontario); Club nautique de Beaconsfield (Québec); Boating Ontario Association; Communauté métropolitaine de Montréal; Assemblée législative du comté de Jefferson (New York); Conseil des Mohawks d’Akwesasne; Administration portuaire de Montréal/RUSL; New York Power Authority; gouvernement du comté de Niagara (New York); résidents riverains de la région de Rochester (New York); Association des pilotes de la Voie maritime du Saint-Laurent; Save our Sodus (New York); Save the River/Upper St. Lawrence Riverkeeper; The Nature Conservancy; Conseil touristique international des Mille-Îles; Union des producteurs agricoles; United Shoreline Ontario; Université du Québec à Trois-Rivières.

Voir la section 6.0 du présent rapport pour plus de détails et consulter : https://ijc.org/fr/gagl/examen-accelere/participation

2.6

Régularisation des débits sortants du Plan 2014

Dans son ordonnance d’approbation supplémentaire du 8 décembre 2016, émise à la suite de l’approbation des gouvernements du Canada et des États-Unis, la CMI a adopté le nouveau plan de régularisation pour le lac Ontario et la section adjacente du fleuve Saint-Laurent, connu sous le nom de Plan 2014. Les premières lâchures conformes à l’ordonnance de 2016 et au Plan 2014 ont eu lieu à la fin janvier 2017 en remplacement de ce que prévoyait le plan de régularisation précédent (plan 1958-D) qui était en vigueur depuis 1963. Le Plan 2014, conçu pour tenir compte d’un plus large éventail de conditions hydrologiques que son prédécesseur, est l’aboutissement de plus de 16 ans d’études, de consultations publiques et de révisions (CMI, 2014).

Fondamentalement, ce plan fixe les volumes d’eau devant être relâchés au niveau du barrage Moses-Saunders et du barrage déversoir de Long Sault, situé à environ 160 km en aval de la pointe est du lac Ontario. Le Plan 2014 doit normalement permettre de maintenir les niveaux du lac Ontario et du Saint-Laurent dans la fourchette des niveaux d’eau du siècle dernier, et cela la majeure partie du temps. Toutefois, ni ce plan ni aucune autre mesure de gestion du débit ne peuvent contrôler les niveaux d’eau et prévenir les graves impacts de précipitations excessives, de débits entrants élevés et d’autres facteurs naturels imprévisibles à l’origine de niveaux extrêmes, qu’ils soient hauts ou même bas, comme en période de sécheresse.

Le Plan 2014 prescrit normalement le débit sortant du lac Ontario de semaine en semaine. Selon ce plan, la quantité d’eau en provenance du lac est en grande partie régie par une courbe mobile d’exploitation fondée sur la relation hauteur-débit antérieure aux travaux d’aménagement, si bien que, quand les apports d’eau dans le lac Ontario ou le niveau de ce dernier augmentent, le débit augmente et, quand les apports d’eau ou le niveau diminuent, le débit diminue également. La courbe d’exploitation tient compte du niveau du lac sur le moment ainsi que des apports d’eau récents et estimés (à court terme) dans le lac Ontario. En général, dans des conditions d’apports d’eau semblables à celles d’un passé connu, le Plan permet de maintenir le lac et le fleuve dans la fourchette historique des niveaux saisonniers. Le Plan a également été conçu pour atteindre certains objectifs socioéconomiques et environnementaux précis, comme fournir des conditions favorables aux terres humides riveraines et à la navigation de plaisance, tout en respectant l’ordre de priorité des utilisations énoncées dans le traité et en appuyant d’autres modes d’utilisation et d’autres intérêts (CMI, 2014)3.

Le Plan énonce une série de limites en fonction desquelles le débit sortant du lac est restreint ou augmenté dans certaines conditions afin de tenir compte des modes d’utilisation et des intérêts particuliers susceptibles d’être touchés par le niveau et le débit d’eau (CMI, 2014 – Annexe B). Ces limites de débit ont été élaborées à partir de celles du Plan 1958-D, qui est l’ancien plan de régularisation, et de ce qui a été appris au fil de décennies d’expérience en matière de déviations par rapport à ce Plan.

Tableau 2

Niveau du lac Ontario (Srigl, 1985)Niveau à Pointe-Claire (SRIGL 1985)
< 75,30 m (247,05 pi) 22,10 m (72,51 pi)
≥ 75,30 m (247,05 pi) and < 75,37 m (247,28 pi) 22,20 m (72,83 pi)
≥ 75,37 m (247,28 pi) and < 75,50 m (247,70 pi) 22,33 m (73,26 pi)
≥ 75,50 m (247,70 pi) and < 75,60 m (248,03 pi) 22,40 m (73,49 pi)
≥ 75,60 m (248,03 pi)22,48 m (73,75 pi)

Divers niveaux du lac Saint-Louis (à Pointe-Claire) correspondant aux niveaux du lac Ontario en vue de limiter les dommages causés par les inondations dans le cours inférieur du Saint-Laurent (limite F).

Limites du Plan 2014 :

  • La limite F vise à établir – par le biais d’un ajustement du débit sortant du lac Ontario – le meilleur équilibre possible entre les risques et les effets associés aux inondations et à l’érosion en amont (lac Ontario) et en aval (fleuve Saint-Laurent) du barrage Moses-Saunders. Cet ajustement est destiné à accroître progressivement le niveau d’eau en aval du lac Saint-Louis, près de Montréal, tandis que le niveau du lac Ontario augmente également (tableau 2).
  • La limite I fixe le débit maximal pendant les mois d’hiver pour faciliter la formation d’un couvert de glace stable sur certaines parties du fleuve Saint-Laurent. Une couverture de glace stable empêche en effet la formation d’embâcles susceptibles de causer des inondations localisées et de restreindre l’écoulement dans certaines zones au point où les prises d’eau municipales pourraient devenir inutilisables.
  • La limite L est destinée à maintenir le niveau et le débit du fleuve Saint-Laurent à l’intérieur d’une plage de valeurs garantissant une navigation commerciale sécuritaire (voir la figure 23 à la section 3.1.2).
  • La limite J définit la variation maximale du débit sortant du lac Ontario d’une semaine à l’autre, à moins qu’une autre limite ne soit prioritaire. Cette limite vise à prévenir les changements trop rapides de débit ou de niveau dans le Saint-Laurent.
  • La limite M définit le débit maximal à appliquer en période d’étiage par l’équilibrage des niveaux entre le lac Ontario et le lac Saint-Louis, un peu comme le fait la limite F quand les niveaux sont élevés. La limite M protège la navigation commerciale, la production d’hydroélectricité et les réseaux hydrographiques.

Les limites doivent être analysées collectivement. Si deux limites s’appliquent en même temps, la régularisation doit respecter les deux limites dans toute la mesure du possible.

Comme il est indiqué à la section 2.3, il est possible de dévier de la courbe d’exploitation et des limites du Plan 2014 dans certaines conditions, conformément à l’ordonnance d’approbation supplémentaire et à la Directive sur les ajustements opérationnels, les écarts et les conditions extrêmes de 2016. Quand le niveau du lac Ontario atteint ou dépasse le seuil de déclenchement supérieur ou atteint ou passe sous le seuil de déclenchement inférieur, il devient possible d’appliquer des déviations majeures. D’autres circonstances peuvent nécessiter des ajustements opérationnels ou des déviations mineures. Comme nous le verrons à la prochaine section, quand il prend des décisions de déviation, le Conseil est tenu de respecter les conditions énoncées dans l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016.

Comparativement au débit sortant régularisé du lac Ontario, les apports de la rivière des Outaouais peuvent avoir un effet marquant sur les conditions régnant dans le cours inférieur du Saint-Laurent. Comme nous l’avons vu, la CMI et le Conseil n’ont pas le pouvoir de régulariser le débit de la rivière des Outaouais et ils ne contrôlent pas les barrages situés dans le bassin de ce cours d’eau. Toutefois, le Conseil travaille en étroite collaboration avec la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais (https://rivieredesoutaouais.ca/) pour intégrer les débits actuels et prévus du bassin de la rivière des Outaouais dans la stratégie du Conseil relative au débit sortant du lac Ontario.

Bien que la capacité de stockage des réservoirs dans le bassin de la rivière des Outaouais soit relativement faible comparativement au volume d’eau présent en période de crue, la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais prend toutes les mesures possibles en vue d’optimiser les débits sortants des réservoirs en amont de sorte à réduire les niveaux et débits de pointe de la rivière. Ce faisant, les débits de pointe du Saint-Laurent sont également laminés dans une certaine mesure. Bien que ces deux réseaux fassent l’objet d’une coordination et de communications suivies, ils sont indépendants l’un de l’autre.

Pour en savoir plus sur le Plan 2014 :
https://ijc.org/sites/default/files/2018-10/Plan2014_Recueil_dinformation.pdf
https://ijc.org/sites/default/files/2019-04/Plan2014FR.pdf

Pour consulter la foire aux questions sur les activités du Conseil : https://ijc.org/fr/clofsl/causes-de-levenement-de-niveau-deau-eleve-en-2017

Pour en savoir plus sur la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais : https://rivieredesoutaouais.ca/

2.7

Les modes d’utilisation et les intérêts dans le lac Ontario et dans le fleuve Saint-Laurent

Le Plan de 2014, tout comme sa version antérieure, tient compte des besoins des groupes de personnes et des secteurs commerciaux qui dépendent du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et qui s’intéressent donc de très près aux niveaux d’eau dans cette région. La courbe d’exploitation du Plan et les limites fixées ont été en partie conçues pour soutenir et protéger ces modes d’utilisation et ces intérêts. Le Plan 2014 a également été conçu pour permettre des variations plus naturelles des niveaux du lac Ontario et du Saint-Laurent par rapport au plan de régularisation précédent, variations qui sont nécessaires pour rétablir la santé de l’écosystème tout en continuant de modérer les niveaux extrêmes, hauts comme bas. (CILOFSL, 2006; CMI, 2014).

Le rapport du Groupe d’étude du LOFSL (GEILOFSL, 2006) pointe dans le sens de six modes d’utilisation/intérêts représentatifs d’activités privées ou commerciales à la surface du lac ou au fil du fleuve (à des fins récréatives ou commerciales), qui pourraient être touchés par les nouvelles règles de régularisation : 1) le développement riverain, 2) la navigation commerciale, 3), les écosystèmes, 4) la production d’hydroélectricité, 5) les utilisations municipales et industrielles de l’eau et 6) la navigation de plaisance. Des études antérieures de la CMI (GEILOFSL, 2006; CMI, 2014) ont permis d’élaborer des paramètres de performance pour mesurer l’impact des fluctuations du régime d’écoulement sur chacun des six modes d’utilisation/intérêts, et d’élaborer des modèles pour tester les impacts suivant divers scénarios possibles, tant en fonction de niveaux extrêmes (bas ou hauts) que des changements climatiques.

Comme le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent forment un système dynamique dont les niveaux sont en fait déterminés par des apports d’eau naturels, les modes d’utilisation et les intérêts peuvent être menacés dès que ces niveaux d’eau sont trop hauts ou trop bas. Les niveaux et les débits d’eau qui profitent à un intérêt peuvent parfois constituer un désavantage pour un autre. Par exemple, les baigneurs apprécieront un faible niveau d’eau et de vastes plages de sable, mais les plaisanciers, de leur côté, auront de la difficulté à accéder aux quais ou à naviguer en eaux libres et d’une marina à l’autre. De telles situations peuvent entraîner des tensions entre les divers intérêts et les différentes régions.

L’ordre de préséance relatif aux conditions d’utilisation, d’obstruction et de dérivation des eaux limitrophes remonte au Traité des eaux limitrophes (1909) (https://www.ijc.org/fr/qui/mission/tel) conclu entre les États-Unis et le Royaume-Unis – lequel agissait au nom du Canada – qui a créé la CMI. L’article VIII du traité fixe l’ordre de préséance de trois modes d’utilisation, soit : les usages domestiques et sanitaires; la navigation, la production d’électricité et l’irrigation. Le Traité précise qu’ « il ne sera permis aucun usage qui tend substantiellement à entraver ou restreindre tout autre usage auquel il est donné une préférence dans cet ordre de préséance ». Dans un paragraphe distinct de l’article VIII, le traité indique que l’approbation des projets par la CMI est subordonnée à la prise de dispositions appropriées et adéquates pour assurer la protection et l’indemnisation de tous les intérêts se situant dans une zone où ils pourraient être lésés par un projet.

L’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 de la CMI et les directives qui en découlent fournissent les directives et les critères que le Conseil doit suivre quand il prend des décisions relatives au débit sortant. L’ordonnance de 2016 respecte l’ordre de préséance des divers modes d’utilisation et assure la protection des intérêts comme l’exige le traité, notamment en ce qui a trait à l’obligation d’assurer une protection contre les inondations, comme l’énonce l’ordonnance de 1956.

Pour en savoir plus sur l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 : https://ijc.org/fr/clofsl/qui/ordonnance

2.7.1

Les réseaux hydrauliques municipaux et industriels

De nombreuses municipalités, installations industrielles ainsi que des particuliers tirent leur eau du Saint-Laurent et du lac Ontario. Les prises d’eau submergées qui leur permettent de s’approvisionner sont des actifs essentiels qui sont vulnérables quand les niveaux sont très bas. Certaines infrastructures hydrauliques municipales et industrielles situées près de la rive, comme les stations de pompage et les conduites d’eau principales, subissent également les impacts des niveaux d’eau extrêmes (figure 7).

L’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 ne mentionne pas spécifiquement les usines de traitement des eaux usées, mais celles-ci font bien partie de cette catégorie. Ces dernières et les points de rejet des eaux usées peuvent également être vulnérables aux niveaux d’eau extrêmes, hauts comme bas.

Il est prévu, dans le Plan 2014, que les prises d’eau et les points de rejet des eaux usées demeurent bien submergés. En hiver, la limite I, qui vise principalement à favoriser la formation d’une couverture de glace stable sur le Saint-Laurent et à empêcher que le niveau d’eau ne descende sous un seuil que l’on a toujours cru néfaste à l’efficacité des prises d’eau. La limite M prescrit les débits pour équilibrer les bas niveaux du lac Ontario et du lac Saint-Louis en sorte d’atténuer les impacts sur certains intérêts, comme les systèmes municipaux d’adduction d’eau et d’égout.

Si le Conseil est autorisé à s’écarter du Plan 2014 parce que le niveau du lac a atteint les seuils de déclenchement les plus bas, l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 exige que l’ouvrage compensateur soit exploité de manière à protéger les installations municipales d’adduction d’eau, la navigation commerciale et la production d’hydroélectricité, en amont comme en aval, dans toute la mesure du possible. Dans ce contexte, le Conseil doit faire tout en son pouvoir pour maintenir des niveaux suffisamment élevés dans le fleuve et dans le lac pour que les prises d’eau demeurent efficaces.

Si le niveau du lac atteint ou dépasse le seuil de déclenchement haut, comme ce fut le cas en 2017 et en 2019-2020, le Conseil est conscient que les infrastructures hydrauliques riveraines risquent d’être exposées à des inondations. Le Conseil sait par ailleurs que, si le débit sortant au barrage Moses-Saunders, élevé en partant, augmente davantage, le niveau du lac Saint-Laurent, juste en amont du barrage, peut chuter rapidement. Le cas échéant, il faut prendre soin de protéger les prises d’eau dans cette partie du fleuve Saint-Laurent.

Figure 7

Exemples d’inondation d’infrastructures municipales.

À gauche - Inondation à proximité de la station de pompage d’eau, Edwardsburg-Cardinal (Ontario) (source : Edwardsburg-Cardinal). À droite - Route et égouts inondés, Greece (New York), mai 2019 (source : CMI)

2.7.2

La navigation commerciale

Les navires transocéaniques et les navires fluviaux croisent régulièrement dans le Saint-Laurent et dans le lac Ontario à partir d’où, ils peuvent emprunter le canal Welland pour se rendre dans le lac Érié, puis dans les Grands Lacs d’amont. Montréal est un grand port sur le fleuve Saint-Laurent (figure 8), et Hamilton et Toronto sont d’autres ports importants sur le lac Ontario. Oswego à New York, Oshawa et Picton en Ontario sont au nombre des autres ports du lac et du fleuve qui reçoivent également des navires commerciaux (Chambre de commerce maritime, https://www.marinedelivers.com/fr/transport-maritime-sur-les-grands-lacs-et-le-saint-laurent/)

Pour les navires commerciaux, le niveau d’eau ne doit être ni trop bas ni trop haut et le débit du fleuve doit être modéré pour éviter la création de courants dangereux. Un niveau trop bas pourrait restreindre le franchissement de certaines parties du Saint-Laurent. Les règles du Plan 2014 visent à maintenir des conditions fluviales permettant la navigation commerciale. Autrement dit, si le niveau d’eau tend vers un maximum ou un minimum, les limites L et M du Plan sont censées maintenir un niveau d’eau susceptible de permettre la poursuite de la navigation dans le fleuve.

Si le Conseil dévie du Plan parce que le niveau du lac a atteint le seuil bas, l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016 exige que les ouvrages compensateurs soient exploités de sorte que le niveau demeure suffisamment élevé afin de protéger les prises d’eau municipales, la navigation commerciale et la production d’hydroélectricité.

Si le Conseil est autorisé à dévier des prescriptions du Plan parce que le niveau d’eau a atteint ou dépassé le seuil de déclenchement supérieur, il peut ordonner une augmentation du débit sortant au barrage Moses-Saunders au-delà de ce que prévoient le Plan et la limite L. Il cherche ainsi à abaisser le niveau du lac Ontario et donc à apporter tout le secours qu’il peut en amont et en aval. Quand il fixe ainsi le débit en période de crise, le Conseil doit être sensible à la nature et à l’ampleur de l’effet négatif potentiel de sa décision. En outre, il doit tenir compte de la nature et de l’ampleur de l’aide qu’il tente d’apporter. Toutefois, le Conseil doit alors tenir compte du fait qu’un débit sortant très élevé crée des courants qui risquent de rendre la navigation des grands navires difficile, voire impossible sur certaines parties du fleuve.

Figure 8

Montréal est un grand port sur le fleuve Saint-Laurent

2.7.3

La production d’hydroélectricité

Trois grandes centrales hydroélectriques du Saint-Laurent dépendent directement du débit sortant du lac Ontario. Le barrage hydroélectrique Moses-Saunders (figure 9), qui est situé au pied du lac Saint-Laurent (figure 10), est en fait constitué de deux centrales électriques adjacentes : la centrale Saunders, en Ontario, et la centrale St. Lawrence-FDR, dans l’État de New York. C’est au niveau de cette double centrale électrique et du barrage déversoir Long Saul, situé légèrement en amont, que le débit sortant du lac Ontario peut être augmenté ou diminué et que le débit sortant spécifié par la Commission est établi. La limite I vise à limiter le débit sortant pour favoriser la formation d’une couverture de glace stable dans le lac Saint-Laurent et dans d’autres parties critiques du fleuve. Une fois cette couverture stabilisée, il devient possible d’augmenter le débit à loisir et d’empêcher ainsi la formation d’embâcles qui peuvent causer des inondations. Le Conseil sait qu’il doit éventuellement appliquer de telles déviations en période hivernale parce qu’un embâcle persistant peut toujours endommager la couverture de glace, entraver la production d’hydroélectricité et occasionner des dégâts à d’autres intérêts riverains du fleuve et du lac Ontario.

Figure 9

Barrage hydroélectrique Moses-Saunders sur le fleuve Saint-Laurent, utilisé pour réguler le débit sortant du lac Ontario

Plus loin en aval, deux autres installations, Beauharnois et Coteau-Les Cèdres, sont situées près de la tête du lac Saint-Louis, un tronçon du fleuve Saint-Laurent situé tout juste en amont de Montréal (figure 10). Il s’agit de deux centrales au fil de l’eau, ce qui signifie qu’elles ne retiennent pas l’eau en amont et que le volume d’eau qui les traverse est habituellement établi en fonction du débit décidé plus loin en amont, au barrage Moses-Saunders. La glace se forme sur le fleuve en amont des deux usines et la limite I a été conçue pour tenir compte de la nécessité de favoriser la formation et le maintien de la couverture de glace à cet endroit ainsi que sur le lac Saint-Laurent. De plus, la limite L vise à protéger les deux installations. En effet, le débit maximal permis selon la limite L en dehors de la saison de navigation correspond à la capacité physique combinée de Beauharnois et de Coteau-Les Cèdres.

Si le Conseil est appelé à dévier du Plan 2014 parce que le niveau du lac a atteint le seuil de niveau bas, il doit se conformer à l’exigence qui lui est faite de faire tout en son pouvoir pour protéger les prises d’eau municipales, la navigation commerciale et la production d’hydroélectricité.

Figure 10

Carte du Saint-Laurent entre Iroquois (Ontario) et le lac Saint-Louis (Québec), avec les principales installations

  • Barrage
  • Écluse
  • Frontière provinciale
  • Frontière internationale

2.7.4

Propriétés riveraines du fleuve et du lac

Des milliers de parcelles de terre longent les rives du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. Bon nombre d’entre elles appartiennent à des particuliers et sont utilisées toute l’année ou de façon saisonnière par des particuliers, des familles ou des entreprises. Leur taille varie de celle d’une petite marina à celle d’une centrale nucléaire. Dans certains secteurs, surtout en aval du lac Saint-Pierre au Québec, les terres riveraines sont utilisées à des fins agricoles. Les municipalités, les offices de protection de la nature, les provinces du Québec et de l’Ontario, l’État de New York et les deux gouvernements fédéraux possèdent également de vastes étendues de terres, dont une grande partie est réservée à des fins récréatives (figure 11).

Les berges sont vulnérables aux niveaux d’eau très élevés et très bas. Les règles du Plan visent à réduire la fréquence et la durée des hauts et des bas extrêmes par rapport aux conditions qui régnaient dans le chenal avant son aménagement (c.-à-d. si le débit sortant n’était pas régulé). Si les apports d’eau augmentent et que le niveau d’eau augmente suffisamment, la limite F régit le débit sortant du lac Ontario de façon à équilibrer le risque d’inondation entre l’amont et l’aval. Si le niveau est suffisamment bas, la limite M fait de même pour contrer le risque d’étiage. Le Conseil est autorisé à déroger à ces règles et limites dès qu’un seuil de déclenchement haut ou bas est atteint.

Figure 11

Parc provincial Sandbanks, comté de Prince Edward (Ontario)

Quand le niveau atteint ou dépasse le seuil de déclenchement haut, le Conseil applique des déviations principalement en vue de limiter les impacts sur les rives. Il doit également équilibrer les risques qui pèsent sur les propriétés riveraines du lac et du fleuve, en amont et en aval, comme le définit l’ordonnance de 2016, d’autant qu’il peut exister des intérêts divergents quant à l’importance du débit à appliquer.

Les parcelles riveraines ne sont pas toutes aussi vulnérables aux crues extrêmes. Des parties du lac Ontario et du Saint-Laurent, mais pas toutes, sont très vulnérables aux inondations ou à l’érosion en raison de leur emplacement et de la géologie locale. Un grand nombre de parcelles aménagées sont revêtues, cloisonnées ou autrement protégées contre l’impact des inondations et de l’érosion, bien que l’efficacité de ces aménagements varient en cas de crues extrêmes ou de grosses vagues. La planification et la réglementation des projets immobiliers en zones vulnérables relèvent de la compétence des États ou des provinces, ainsi que de celle des autorités locales.

2.7.5

Écosystèmes du fleuve Saint-Laurent et du lac Ontario

Une foule de mammifères, de poissons, d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens, d’invertébrés, de microbes, de plantes terrestres et aquatiques, d’algues et d’autres organismes, tous interconnectés, vivent dans les écosystèmes du lac Ontario et du Saint-Laurent (figure 12).

Les écosystèmes semblent avoir été négligés dans les ordonnances de 1952 et de 1956, car ils peuvent être touchés par la gestion des régimes d’écoulement du lac Ontario et du fleuve. Les nombreux organismes qui vivent dans l’eau et à proximité de l’eau n’avaient pas été pris en compte dans les ordonnances de 1952 et de 1956 (CMI, 2014).

Avec le temps, les scientifiques ont appris que la régularisation du débit sortant du lac Ontario nuisait aux écosystèmes du lac Ontario et du Saint-Laurent, principalement sous l’effet d’une réduction de l’amplitude des fluctuations naturelles des niveaux d’eau du lac et du cours supérieur du fleuve d’une année à l’autre (GEILOFSL, 2006).

Les recherches effectuées avant l’élaboration du Plan 2014 ont révélé qu’environ 26 000 hectares (64 250 acres) de milieux humides riverains avaient perdu leur diversité et que des monocultures indésirables de quenouilles étaient devenues plus courantes en raison de la régularisation qui a éliminé la récurrence naturelle de périodes d’étiage prolongées (Wilcox, et al., 2005). La situation peut être exacerbée par la régularisation qui favorise la baisse de niveau dans le lac Ontario et dans le cours supérieur du Saint-Laurent en hiver et au début du printemps. Cette baisse nuit à un certain nombre d’espèces animales indigènes, dont le rat musqué, qui contribue naturellement à limiter la propagation des quenouilles (GEILOFSL, 2006).

Figure 12

Grande aigrette en train de chasser dans un marais du fleuve Saint-Laurent

Dans certaines parties de l’écosystème du lac Saint-Laurent, le problème est différent : de fortes baisses rapides du niveau d’eau peuvent occasionner des dommages immédiats aux organismes aquatiques, surtout s’ils sont exposés au gel en hiver. L’augmentation rapide du débit sortant au barrage Moses-Saunders ou à celui de Long Sault peut être la cause de telles baisses marquées du niveau d’eau, tout comme les restrictions soudaines de débit attribuables à l’état changeant des glaces en amont. La limite I, qui modère le débit et le niveau du Saint-Laurent afin de favoriser la formation d’une couverture de glace stable, permet de maintenir le lac Saint-Laurent à des niveaux très bas en hiver. En période de crue extrême du lac Ontario, quand il a donc le pouvoir de dévier de la limite I, le Conseil tient compte des torts qu’un niveau trop bas pourrait faire à l’écosystème du lac Saint-Laurent.

En aval du cours inférieur du fleuve Saint-Laurent, le printemps et le début de l’été sont des moments critiques pour la reproduction de plusieurs espèces d’oiseaux, de poissons et de tortues. L’augmentation du débit sortant qui modifie rapidement le niveau d’eau (de plus de 20 cm (8 po)) pendant les stades critiques de la nidification peut avoir des effets néfastes sur la reproduction de plusieurs groupes, en particulier de plusieurs espèces menacées (Talbot, 2006).

Quand le niveau du lac Ontario est très bas, le Conseil peut être soumis à des pressions pour réduire davantage le débit sortant afin de favoriser une augmentation du niveau du lac Saint-Laurent, mais cela pourrait perpétuer les dommages causés aux milieux humides riverains. Cette situation – à l’instar du scénario hivernal pour le lac Saint-Laurent qui suppose de bien choisir le réglage du débit du cours inférieur du Saint-Laurent comme nous venons de le voir, met en lumière la difficulté qu’il y a à évaluer les impacts sur les écosystèmes : le plus souvent, les changements positifs ou négatifs imprimés aux milieux humides riverains et à d’autres indicateurs écosystémiques se manifestent des mois voire des années plus tard, soit longtemps après l’application d’une quelconque déviation. Le Conseil a reçu peu d’informations sur l’incidence qu’une telle déviation peut avoir sur un écosystème.

Le Plan 2014 a été rédigé en partie pour s’attaquer au problème de la dégradation des écosystèmes en permettant plus de fluctuations naturelles des niveaux d’eau. Comme nous l’avons vu plus haut, les écosystèmes du lac Ontario et du Saint-Laurent sont mentionnés dans l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016.

2.7.6

La navigation de plaisance et le tourisme

Un niveau d’eau élevé ou bas peut avoir un impact négatif sur la navigation de plaisance et le tourisme riverain. Un niveau d’eau extrêmement élevé peut forcer la fermeture des marinas, des plages et des parcs et submerger les quais et les rampes de mise à l’eau.

À l’inverse, un niveau trop bas peut rendre inaccessibles ou inutilisables les quais et les rampes de mise à l’eau. Il peut aussi compliquer voire, rendre impossible la navigation dans les chenaux qui relient les quais au lac ou au fleuve. Ces problèmes ne sont pas rares dans les cours supérieur et inférieur du Saint-Laurent. Le lac Saint-Laurent, dont le niveau baisse quand le débit est réduit au barrage Moses-Saunders, a été particulièrement touché ces dernières années.

Des déviations majeures par rapport aux limites F ou L, consistant à augmenter un débit sortant élevé en partant, risquent de provoquer une baisse du niveau du lac Saint-Laurent au point de poser des problèmes aux plaisanciers. Le Conseil est souvent confronté à des compromis difficiles comme, par exemple, le fait de donner un coup de pouce aux plaisanciers et à l’activité touristique sur le lac Ontario par un abaissement du niveau. Comme nous l’avons vu, la navigation de plaisance a été reconnue pour la première fois dans l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016.

2.8

Les peuples autochtones

Les membres des Premières Nations, des nations tribales et de la nation métisse vivent aux abords du lac Ontario et du Saint-Laurent depuis des millénaires. À cause de leurs liens étroits avec la nature, envers qui ils éprouvent un sentiment de parenté couplé à un sens des responsabilités, les peuples autochtones sont très proches des terres et de l’eau de la région. Gardiens de la nature, ils dépendent des berges, des cours d’eau et des milieux humides de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent pour leur subsistance qui repose sur des pratiques traditionnelles comme la chasse, la cueillette, l’agriculture et la pêche de subsistance4. Le lac Ontario et la section du Saint-Laurent comprise entre l’exutoire du lac et Trois-Rivières forment un réseau hydrographique dynamique, au patrimoine culturel et à l’activité économique très riches.

Le Comité GAGL a recensé en tout vingt-deux nations autochtones qui trouvent un intérêt dans les berges du lac Ontario et du Saint-Laurent. De ce nombre, six communautés se trouvent directement au bord de l’eau et 15 autres dépendent de ressources riveraines (tableau 3).

Tableau 3

Nation autochtoneBassin hydrographique/voie navigable
Résidant sur les berges
Mohawks de la Baie de QuinteLac Ontario
Conseil des chefs de la Nation MohawkFleuve Saint-Laurent
Conseil Mohawk d’AkwesasneFleuve Saint-Laurent, CAN
Tribu Mohawk de Saint RégisFleuve Saint-Laurent, É.-U.
Mohawks de KahnawakeFleuve Saint-Laurent
Mohawks de KanesatakeRivière des Outaouais / Fleuve Saint-Laurent
Intérêt pour les berges
Première Nation des Mississaugas de CreditLac Ontario (berges et plan d’eau)
Premières Nations visées par le Traité WilliamsLac Ontario
Première Nation d’Alderville Bassin versant du lac Ontario
Première Nation de HiawathaBassin versant du lac Ontario
Première Nation de Curve LakeBassin versant du lac Ontario
Première Nation de Scugog IslandBassin versant du lac Ontario
Première Nation algonquine de PikwakanaganRivière des Outaouais et fleuve Saint-Laurent
Conseil des Abénakis d’OdanakFleuve St-Laurent
Conseil des Abénakis de WôlinakFleuve St-Laurent
La Nation Huron Wendat Lac Ontario et fleuve Saint-Laurent
Nation Métis de l’OntarioLac Ontario, rivière des Outaouais et fleuve Saint-Laurent
Nation Métis QuébecRivière des Outaouais et fleuve Saint-Laurent
Nation tribaleLieu
Nation TuscaroraÉtats-Unis, bassin versant du lac Ontario
Nation SenecaÉtats-Unis, bassin versant du lac Ontario
Nation OnondagaÉtats-Unis, bassin versant du lac Ontario
Nation OneidaÉtats-Unis, bassin versant du lac Ontario

Nations autochtones et principaux bassins hydrographiques/voies navigables

La fluctuation des niveaux d’eau du lac Ontario et du Saint-Laurent est ressentie de différentes façons par les Premières Nations, les nations tribales et la nation métisse, notamment en ce qui concerne leurs droits autochtones et leurs pratiques traditionnelles et culturelles. Par exemple, les décisions relatives à la gestion du débit sortant intéressent directement les Mohawks d’Akwesasne, car les barrages Moses-Saunders et de Long Sault sont immédiatement en amont de leurs terres. Cette communauté mohawk est représentée par la Tribu Mohawk de Saint-Régis dans la partie sud, par le Conseil Mohawk de la Première Nation d‘Akwesasne dans la partie nord et par la structure dirigeante traditionnelle qu‘est le Conseil des chefs de la Nation Mohawk.

D’autres communautés mohawks comme celle de la baie de Quinte (territoire mohawk de Tyendinaga sur les bords du lac Ontario) (figure 13), de Kahnawake (lac Saint-Louis – fleuve Saint-Laurent) et de Kanesatake (Lac des Deux-Montagnes, où la rivière des Outaouais se jette dans le Saint-Laurent) sont géographiquement situées sur les rives du lac Ontario et du Saint-Laurent (figure 14). Elles sont toutes plus ou moins touchées par les variations de niveau et de débit d’eau, selon leur emplacement dans le réseau.

Figure 13

Territoires autochtones reconnus par le gouvernement fédéral situés sur les rives du lac Ontario ou du fleuve Saint-Laurent

  • Territoires autochtones reconnus par le gouvernement fédéral
  • Barrage Moses-Saunders
  • Frontière provinciale
  • Frontière internationale

Signé entre le Canada et les États-Unis en 1909, le Traité des eaux limitrophes ne fait pas explicitement référence aux Nations autochtones ni à leur rapport avec la CMI, mais il exige que, dans toute procédure, enquête ou affaire dont la CMI est saisie, toutes les parties intéressées aient la possibilité de se faire entendre. Toutefois, dans ses débuts et pendant assez longtemps, la CMI n’a pas directement invité les Nations autochtones à prendre part à ses travaux, s’en remettant plutôt aux gouvernements du Canada et des États-Unis pour assumer ce rôle. 

Figure 14

Inondation de maisons dans le secteur riverain du territoire mohawk de Tyendinaga, mai 2017

Au cours des dernières décennies, et à la demande des gouvernements, la CMI a cherché à inclure plus officiellement les points de vue autochtones dans ses activités. C’est ainsi que, de part et d’autre de la frontière canado-américaine, la CMI collabore activement avec les Premières Nations, les Nations tribales et la Nation métisse pour intégrer dans ses travaux leurs points de vue uniques et leurs savoirs traditionnels. Dans le cadre de l’examen accéléré du Plan 2014, le Comité GAGL collabore avec les Premières Nations, les Nations tribales et les Nations métisses du réseau du lac Ontario et du Saint-Laurent afin de dialoguer sur la façon dont ces Nations autochtones vivent les variations de niveau du lac et de débit du fleuve. Ce travail est considéré comme étant la première étape d’un effort à plus long terme devant servir à intégrer les connaissances autochtones dans le travail du Comité GAGL à l’appui de l’examen des plans de régularisation du débit sortant.

Aperçu :

La sensibilisation et l’inclusion des peuples autochtones sont des dimensions non négligeables de l’examen continu du Plan de régularisation.

3

Pouvoir de déviation du Conseil

3.0

Pouvoir de déviation du Conseil

Le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) a examiné l’historique récent des déviations pour recenser les situations où des mesures différentes auraient pu être possibles. Des représentants du Comité ont interviewé des membres, actuels et anciens, du Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et documenté les lacunes en matière d’information qui ont contribué à créer une certaine incertitude. Le Comité GAGL a pris note du désir du Conseil d’obtenir davantage de données sur les risques et les avantages des options de déviation. Sachant que le Conseil se demande souvent quand il convient de s’écarter des limites du Plan 2014, qui plafonnent le débit sortant dans certaines circonstances, le Comité GAGL a étudié les applications de ces limites dans le passé et leur fonction afin de déterminer si d’autres déviations auraient été possibles.

L’objectif était de fournir au Conseil des renseignements objectifs et pertinents à l’appui de ses décisions. Ce travail, auquel le Groupe consultatif public (GCP) a également participé, a fait partie intégrante de la création de l’Outil d’aide à la décision (OAD) par le Comité GAGL. L’outil en question illustre les avantages et les inconvénients que les déviations peuvent causer à divers modes d’utilisation et intérêts et aide le Conseil à mieux cerner les résultats possibles au vu des apports d’eau futurs qui demeurent a priori inconnus.

3.1

Le Conseil face aux crues extrêmes de 2017 et de 2019-2020

Les quatre premières années d’application du Plan 2014, soit de janvier 2017 à décembre 2020, ont été parmi les plus actives des 61 années d’existence du Conseil. En raison d’apports d’eau extrêmes en 2017, puis de nouveau en 2019 et au début de 2020, le Conseil a appliqué des déviations durant 103 semaines, ce qui représente près de la moitié des quatre années en question (voir la figure 1 à la section 1.2).

Le Conseil a eu recours à plusieurs stratégies afin d’équilibrer les intérêts des différents secteurs du réseau hydrographique du lac et du fleuve. En 2017 et en 2019, confronté aux crues catastrophiques du lac Ontario et du cours inférieur du Saint-Laurent, le Conseil a choisi de respecter la limite F en vue d’équilibrer les impacts de ces crues en amont et en aval, bien qu’il lui aurait été possible de dévier de cette limite. Face à un risque plus appréciable de crue au printemps 2020, le Conseil, qui avait encore là le pouvoir de dévier des prescriptions du Plan, a alors décidé de passer outre les niveaux inférieurs de la limite F en mars.

De plus, les déviations par rapport à la limite L ont eu des impacts marqués sur le secteur de la navigation commerciale lors des deux épisodes de crue. Au cours des étés 2017 et 2019, lorsque le débit sortant a été établi au-dessus de la limite L, les forts courants dans le Saint-Laurent ont amené les autorités maritimes à instaurer certaines limitations dans le cas, par exemple, de la vitesse de croisière, des règles de dépassement et d’autres restrictions provisoires, afin d’assurer une navigation sécuritaire (Comité GAGL, 2018). En mars 2020, les deux entités de gestion de la Voie maritime ont choisi de retarder l’ouverture de la saison de navigation, donnant ainsi au Conseil l’occasion de maximiser le débit sortant du lac Ontario afin de réduire les risques de crue.

Pour prendre ces décisions de déviation, le Conseil s’est fondé sur les meilleurs renseignements disponibles à l’époque, ainsi que sur son expérience et son jugement. Comme il fallait s’y attendre, ces décisions de déviation ont suscité la controverse parmi les riverains du lac Ontario et du Saint-Laurent, et de la part du secteur de la navigation, beaucoup étant d’avis que le Conseil aurait dû faire davantage pour les aider ou pour soutenir les régions pendant ces périodes de crise.

3.1.1

Crues de 2017

En 2017, le niveau du lac a, pour la première fois, atteint le seuil H14 le 28 avril, cela principalement en raison des pluies printanières records dans les bassins du lac Ontario, du Saint-Laurent, de la rivière des Outaouais et du lac Érié (voir les figures 15 et 16). Quand le niveau du lac dépasse l’un des « seuils de déclenchement », le Conseil est tenu de gérer le débit sortant de manière à atténuer les niveaux extrêmes en amont et en aval. C’est ce qui lui aurait permis de dévier de la limite F du Plan, qui régissait le débit sortant à l’époque, mais il a décidé de continuer à respecter cette limite F pour équilibrer les niveaux de crue en amont et en aval. Il ne disposait alors pas de suffisamment d’informations pour savoir s’il lui serait possible d’atteindre un meilleur équilibre.

Figure 15

Écarts, exprimés en pourcentage, entre les précipitations totales accumulées en avril et en mai 2017, et la moyenne de 2002 à 2016.

(Source : ECCC - Service météorologique du Canada)

Figure 16

Apports totaux nets hebdomadaires du bassin du lac Ontario en 2017, comparativement aux niveaux records, aux niveaux les plus bas et à la moyenne à long terme.

(Source : Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent)

Le niveau du lac Ontario a atteint un sommet à la fin mai, avec 75,88 m (248,95 pi), soit le niveau le plus élevé observé depuis que des données fiables sont recueillies (1918). Par ailleurs, le niveau du Saint-Laurent en aval a atteint ou dépassé les records établis, en partie sous l’effet du débit extrême de la rivière des Outaouais.

Les collectivités riveraines de la région de Montréal et en aval sur le lac Saint-Pierre ont subi de graves inondations qui ont forcé des évacuations et endommagé des centaines de maisons (Ministère de la Sécurité publique, 2017). Des milliers de résidences privés, d’entreprises et d’installations publiques sur les deux rives du lac Ontario et du cours supérieur du fleuve ont été lourdement touchées, de nombreux bâtiments et structures de protection des rives ayant été endommagés par les eaux et par les vagues qui ont accompagné une série de tempêtes de vent modérées.

La limite F a été appliquée du 5 avril à la fin mai, car le niveau d’eau n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre des sommets inégalés. Cette limite vise à faire en sorte qu’à mesure où le niveau du lac Ontario augmente, celui du lac Saint-Louis (qui, rappelons-le, est une section du Saint-Laurent près de Montréal), ne baisse pas trop. Les figures 17 et 18 illustrent les débits sortants et les niveaux d’eau du lac Ontario de 2017 et indiquent quand différentes limites de débit ont été appliquées et quand des déviations majeures ou mineures ont eu lieu.

Figure 17

Débits sortants du lac Ontario en 2017, avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

Figure 18

Niveaux d’eau du lac Ontario en 2017 avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

La limite F établit à 22,48 m (73,75 pi) le niveau maximal du lac Saint-Louis quand le lac Ontario atteint 75,60 m (248,03 pi), point auquel le Conseil a normalement le loisir de dévier de ce niveau dans le lac Saint-Louis.

Or, le Conseil n’a pas dévié de la limite F parce qu’il a estimé que celle-ci lui permettait d’équilibrer les crues en amont et en aval, et qu’il avait l’impression de ne pas disposer de suffisamment d’informations sur les répercussions d’éventuelles améliorations en amont (sur le lac Ontario et le cours supérieur du fleuve Saint-Laurent) sous la forme de déviations qui ne nuiraient pas de façon marquée aux intérêts en aval (fleuve Saint-Laurent au Québec), ou vice versa. Le Conseil était au courant des dégâts causés aux propriétés en amont et en aval. Il ne savait pas combien de propriétés seraient touchées en amont ou en aval par une modification graduelle du débit par rapport à la limite F. Il savait toutefois qu’un écart consistant à augmenter les niveaux en aval de 8 à 14 centimètres (3 à 5 ½ po) pendant une semaine permettrait de retirer un centimètre supplémentaire d’eau du lac Ontario à la fin de cette semaine, sans être pour autant certain du genre de dégâts qu’un tel changement allait entraîner à cause des crues.

Le 24 mai, après une légère amélioration de la situation dans le cours inférieur du Saint-Laurent, sous l’effet d’une diminution continue du débit printanier de la rivière des Outaouais, le Conseil a commencé à dévier du débit prévu dans le Plan pour favoriser une amélioration sur les rives du lac Ontario également. Dans le même temps, le débit sortant selon la Limite F a augmenté au point où c’est la Limite L qui s’est désormais appliquée. Cette dernière fixe le débit sortant pour permettre aux gros navires de charge commerciaux de naviguer en toute sécurité dans le Saint-Laurent en amont de Montréal. Le Conseil a fixé le débit sortant à 10 200 m3/s (360 000 pi3/s), ce qui est le maximum indiqué selon la limite L quand le niveau du lac Ontario se situe entre 75,7 m et 76,0 m (248,36 pi et 249,34 pi). Un tel débit sortant élevé, maintenu pendant un temps prolongé, n’avait été utilisé que deux fois depuis les débuts de la régularisation en 1960. Les navires commerciaux ont continué de naviguer dans la Voie maritime, mais à des vitesses et selon des règles de dépassement restreintes.

Le 14 juin, alors que le lac Ontario débordait de façon catastrophique, le Conseil a porté le débit sortant au-delà de la limite L à 10 400 m3/s (367 000 pi3/s), soit à une valeur la plus élevée jamais enregistrée. Les corporations de la Voie maritime ont imposé des restrictions supplémentaires aux navires commerciaux et fait appel à des remorqueurs pour aider ces derniers à franchir des points critiques où les courants étaient forts, ce qui a permis aux navires de poursuivre leurs routes. Le débit sortant record a été maintenu jusqu’au 8 août, date à laquelle le niveau du lac Ontario a diminué à 75,50 m (247,70 pi) et que le Conseil a commencé à réduire le débit conformément à la limite L du plan. L’autorisation de déviation majeure du Conseil a expiré le 2 septembre 2017, lorsque le niveau du lac est descendu sous le seuil de déclenchement du critère H14.

Pour en savoir plus sur les crues de 2017 :
https://ijc.org/fr/clofsl/conditions-observees-et-regularisation-du-debit-en-2017-0
https://ijc.org/fr/clofsl/lac-ontario-et-fleuve-saint-laurent-niveau-deau-eleve-en-2017-questions-et-reponses

3.1.2

Crues de 2019-2020

Deux ans plus tard, le scénario n’était guère différent. Le niveau du lac Ontario avait baissé jusqu’à correspondre à sa moyenne à long terme, ou à peu près, pendant une bonne partie de 2018. Après une légère augmentation en hiver, à la fin d’avril 2019, les apports et les niveaux d’eau se sont mis à croître rapidement. De fortes précipitations sont tombées de façon persistante sur le bassin du lac Ontario de la fin avril jusqu’au mois de juin, et les apports du lac Érié n’ont jamais diminué, les niveaux et les apports d’eau ayant atteint des cotes records.


C’est peut-être dans la partie aval du Saint-Laurent, du côté canadien, et dans la rivière des Outaouais que la situation a été la plus exceptionnelle. La rivière des Outaouais, qui draine une vaste région du Québec et de l’Ontario, a été gonflée par la fonte tardive du couvert neigeux et par les pluies printanières. Elle est sortie de son lit et son débit a éclipsé des records établis deux ans plus tôt. Elle a ainsi déversé un grand volume d’eau, et pendant une longue période, dans le Saint-Laurent près de Montréal (figure 19). Pour la deuxième fois en trois ans, de graves inondations ont frappé des collectivités riveraines du Saint-Laurent (comme à l’exemple de la figure 20).

Figure 19

Débit de la rivière des Outaouais dans le fleuve Saint-Laurent, 2017-2020

(Source : Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent)

  • Min.
  • Max.
  • Moy. (1963-2019)
  • 2017
  • 2018
  • 2019
  • 2020

Figure 20

Inondations de zones résidentielles et agricoles riveraines du Saint-Laurent, près de Maskinongé (Québec)

Comme le seuil de déclenchement du critère H14 avait été atteint au début mai 2019, le Conseil avait la possibilité de dévier des prescriptions du Plan. Tout comme en 2017, il a cependant décidé de respecter la limite F et de ne pas augmenter le débit sortant au-delà de cette limite parce qu’il ne disposait pas de suffisamment de données pour savoir si de telles déviations permettraient de réduire sensiblement les niveaux d’eau et d’atténuer suffisamment les impacts en amont sans risquer d’accroître indûment les préjudices occasionnés aux riverains en aval, notamment à ceux du lac Saint-Pierre. À l’inverse, la question était de savoir si une réduction temporaire du débit sortant aurait pu réduire sensiblement les impacts sans accroître de manière injuste les dommages en amont. Les figures 21 et 22 illustrent les niveaux et les débits sortants du lac Ontario, et précisent quand les différentes limites de débit et les déviations majeures ou mineures ont été appliquées.

Figure 21

Débits sortants du lac Ontario en 2019, avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

Figure 22

Niveaux d’eau du lac Ontario en 2019, avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

La décrue dans le cours inférieur du Saint-Laurent a commencé au mois de juin, et la limite L fixant le débit sortant à 10 200 m3/s (360 000 pi³/s), soit le maximum permis en vertu de l’échelle mobile intégrée, s’est alors appliquée.

Le 10 juin 2019, le Conseil a commencé à dévier du Plan en demandant que le débit sortant soit porté à 10 400 m3/s (367 000 pi3/s), comme il l’avait fait en 2017. Le débit est demeuré élevé jusqu’au 21 août, date à laquelle le niveau du lac était descendu à 75,50 m (247,7 pi). Le Conseil a toutefois poursuivi ses déviations en maintenant le débit sortant à 200 m3/s (7 100 pi3/s) au-dessus du maximum autorisé selon la limite L du Plan 2014 (figure 23).

Figure 23

Limite L maximale du Plan 2014 au vu des débits réels de 2019 qui ont été maintenus au-dessus de la limite haute de 200 m3/s (7 100 pi3/s) tandis que le niveau du lac Ontario baissait.

En octobre 2019, s’attendant à ce que le niveau du lac Ontario passe prochainement sous le seuil de déclenchement bas du critère H14, ce qui aurait mis un terme au pouvoir du Conseil d’appliquer des déviations d’envergure, la CMI a accordé à ce dernier l’autorisation spéciale de continuer à déroger à la condition J de l’ordonnance d’approbation supplémentaire de 2016. La condition J permet l’application de déviations pour tester les modifications apportées aux règles du Plan, à condition que celles-ci soient conformes aux autres conditions de l’ordonnance de 2016. La CMI a autorisé le Conseil à tester les règles du Plan en raison des préoccupations que continuaient de susciter les apports extrêmement élevés du lac Érié et le risque d’un nouveau débordement extrême du lac Ontario en 2020.

Tout au long de l’hiver, le Conseil a continué de commander des débits élevés se situant souvent au-dessus de la courbe d’exploitation prescrite par le Plan, jusqu’au point d’atteindre des débits sortants records en janvier, février et mars. En mars et en avril 2020, jugeant probable que le troisième palier de la limite F serait atteint ce printemps-là, le Conseil a décidé de ne pas tenir compte des deux premiers paliers et d’opter pour un débit sortant qui permettrait au Saint-Louis d’atteindre 22,33 m (73,26 pi), même si le lac Ontario n’avait pas encore atteint son niveau correspondant de 75,37 m (247,28 pi) selon la limite F. De plus, le Conseil a convenu qu’en raison du risque de dommages dus au mouvement des glaces sur le lac Saint-Louis, à des niveaux aussi élevés, il allait viser le deuxième palier de la limite F, soit 22,20 m (72,83 pi), tandis que le couvert de glace serait encore appréciable.

Le Conseil a décidé de surveiller le niveau du fleuve Saint-Laurent en aval du lac Saint-Louis et de ramener le débit sortant à des niveaux inférieurs à la limite F en cas de crue majeure éclair du lac Saint-Pierre. Il s’est avéré que les précipitations modérées et le ruissellement attribuable à la fonte des neiges du printemps n’ont pas nécessité le dépassement de la cote de 22,33 m (73,26 pi) dans le lac Saint-Louis, car le lac Ontario a atteint un pic de 75,40 m (247,38 pi) se situant dans la fourchette du troisième palier.

Figure 24

Débits sortants du lac Ontario en 2020, avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

Figure 25

Niveaux d’eau du lac Ontario en 2020, avec indication des moments où le Conseil a appliqué des limites et des déviations

  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Courbe d’exploitation du Plan 2014
  • Déviations majeures (critère H14)
  • Déviations mineures
  • Déviations (condition J)
  • Limites du Plan 2014
  • Actuels
  • Moyenne

Au début du printemps 2020, le Conseil a également consulté les corporations de la Voie maritime au sujet du report de 12 jours du début de la saison de navigation, soit jusqu’au 1er avril, afin de permettre l’optimisation des débits sortants printaniers. Le Conseil a continué de maximiser le débit sortant tout au long du mois de mai et, en consultation avec les corporations de la Voie maritime qui étaient à l’écoute des navigateurs, il a fixé ce débit à 70 m3/s au-dessus de la limite L jusqu’à la fin du mois, et d’aller jusqu’à 180 m3/s de plus que cette limite. Bien que le niveau du lac Ontario ait été élevé au printemps 2020, son pic s’est situé à 51 cm (20 po) de moins que l’année précédente et il n’y a pas eu d’inondation notoire. Les figures 24 et 25 illustrent les débits sortants et les niveaux d’eau du lac Ontario en 2020, avec indication des moments où les différentes limites de débit ont été appliquées et où des déviations majeures et mineures ont eu lieu.

En plus de la construction du barrage Moses-Saunders, le projet hydroélectrique du Saint-Laurent a nécessité d’ambitieux travaux de dragage du cours supérieur. Il est donc maintenant physiquement possible de libérer un plus grand volume d’eau du lac Ontario qu’avant la construction du projet. Il est possible de simuler les conditions d’écoulement antérieures au projet d’aménagement à partir de la relation entre les niveaux et les débits antérieurs au projet (on parle aussi de relation préprojet). Comme le montre la figure 26, en 2017 et en 2019, le projet a permis des débits sortants extrêmement élevés, ce qui a réduit le pic et la durée des inondations.

Figure 26

Conditions observées par rapport aux conditions antérieures au projet (simulées) de 2017 à 2020

  • Actuels
  • Avant régularisation
  • Plan 2014
  • Moyenne
  • Max./Min.

Pour en savoir plus sur les crues de 2017 et de 2019-2020 :
https://ijc.org/fr/clofsl/questions
https://ijc.org/fr/clofsl/bassin/2019-crue-questions-reponses

Aperçu :

Le Conseil ne disposait pas de suffisamment de données sur les impacts cumulatifs de ses décisions de déviation et sur la question de savoir s’il pouvait dévier sans nuire indûment aux intérêts du lac Ontario ou à ceux du fleuve Saint-Laurent.

3.2

Collaboration entre le Conseil et le Comité GAGL

En 2017 et en 2019-2020, le Conseil a pris à quelques reprises la décision de ne pas dévier des limites intégrées du Plan parce que les membres n’étaient pas convaincus de pouvoir s’écarter du Plan sans nuire de façon disproportionnée aux intérêts du lac Ontario ou du fleuve Saint-Laurent.

Par définition, les limites F, L et I s’appliquent plutôt quand le débit sortant est assez élevé, ce qui amène souvent le Conseil à envisager de dévier d’une limite. Toutefois, comme les impacts de ce genre de déviations ne sont pas connus a priori, il est difficile pour le Conseil d’élaborer une stratégie de déviation. C’est ce qui a amené le Comité GAGL à étudier les limites du Plan 2014 et à recueillir davantage d’informations sur les impacts des déviations, dans l’espoir de trouver d’autres tactiques que le Conseil pourra un jour appliquer quand il envisagera de s’écarter des limites.

Travaillant de concert, le Comité GAGL et le Conseil ont analysé les déviations appliquées dans le passé. L’analyse a porté non seulement sur les déviations effectives, mais aussi sur les raisons pour lesquelles les décisions de déviation ont été prises et sur la façon elles l’ont été; elle a consisté à examiner les facteurs régularisation qui sont intervenus dans ces prises de décisions. L’objectif était d’apprendre quels indicateurs et autres informations devraient être inclus dans l’OAD. Ces discussions ont pris place entre les membres du Comité GAGL et leurs associés professionnels, les six membres actuels du Conseil, les six membres du Groupe consultatif intérimaire du Conseil et les 18 membres du GCP, qui représentent bon nombre des modes d’utilisation et des intérêts dans les réseaux du lac Ontario et du Saint-Laurent. L’exercice de planification a consisté à appliquer une vision commune, l’approche de collaboration en matière de gestion de l’eau qui a été élaborée par le US Army Corps of Engineers (USACE) et qui a été utilisée par la CMI et le Comité GAGL dans le passé.

3.2.1

Fonctionnement du Conseil

Quand le Conseil se réunit pour examiner les déviations, les représentants des entités responsables de la régularisation (experts techniques des organismes gouvernementaux qui appuient le Conseil) informent les membres du Conseil et du Groupe consultatif intérimaire de la situation actuelle et des prévisions météorologiques, ainsi que des apports d’eau et des niveaux d’eau à court terme. Après discussion et orientation du Conseil, les représentants des entités responsables de la régularisation élaborent et présentent aux membres du Conseil un éventail de stratégies de déviation envisageables.

Les représentants des entités responsables de la régularisation ont testé ces stratégies de déviation proposées et elles se sont révélées physiquement réalisables. Chaque stratégie est accompagnée d’une estimation des changements qu’elle aura sur l’amplitude prévue du niveau du lac et de la rivière au cours des prochains mois. Ces deux dernières années, les dirigeants du Comité GAGL ont également fourni au Conseil des renseignements utiles, quoique limités, sur les impacts possibles des déviations sur les divers modes d’utilisation et intérêts.

Les membres du Conseil se fondent sur ce qu’ils apprennent lors de la séance d’information, ainsi que sur leurs propres connaissances des impacts actuels et potentiels et leur propre expérience. Conformément à une directive stratégique de la CMI, les membres du Conseil sont choisis par la CMI en fonction de leur capacité d’agir de façon impartiale et efficace, avec un bon jugement et avec le désir de travailler à l’atteinte d’un consensus. Après discussion et débat sur les options disponibles, les coprésidents du Conseil sondent leurs membres pour obtenir leur accord sur une stratégie particulière. Dans les rares cas où le Conseil n’arrive pas à dégager un consensus, il doit s’en remettre à la CMI pour obtenir des précisions ou des conseils.

Les membres du Conseil sont réalistes au sujet des améliorations que les déviations peuvent apporter. Ils savent qu’une fois que le lac Érié a atteint un niveau d’eau élevé dommageable, sous l’effet de précipitations excessives, d’un fort ruissellement dû à la fonte des neiges et/ou d’un débit sortant élevé du lac Érié, il n’existe pas de moyen rapide de réduire le niveau d’eau. Comme ce fut le cas en 2017 et en 2019-2020, il faut des mois de gestion prudente du débit sortant ainsi que des conditions météorologiques favorables pour réduire ou éliminer les impacts sur les berges et les propriétés riveraines du lac Ontario et du Saint-Laurent, sur les plaisanciers, sur la navigation commerciale et sur d’autres intérêts.

En règle générale, les déviations appliquées par le Conseil ne permettent pas plus que de réduire (ou d’augmenter) progressivement le niveau du lac, en raison des limites du système et parce que les règles du Plan de régularisation fonctionnent également pour prévenir les extrêmes. À l’été 2017, par exemple, il a fallu plus de deux mois et demi de déviations destinées à augmenter le débit pour finalement abaisser le niveau du lac Ontario de 15 cm (6 po) de plus que ce qui aurait été le cas si les règles de régularisation du Plan 2014 avaient été strictement suivies. En mai de la même année, le lac Ontario avait atteint un pic d’environ 80 cm (31 po) au-dessus de la moyenne à long terme.

Le Conseil est également confronté aux incertitudes que posent les conditions futures. En raison de la variabilité et de l’imprévisibilité des apports d’eau du lac Ontario dues aux conditions météorologiques incertaines, ce ne sont pas que les niveaux d’eau à venir qui sont incertains, mais aussi les effets de ces niveaux sur divers intérêts, modes d’utilisation et régions.

3.2.2

Facteurs qui compliquent les décisions de déviation

Le Comité GAGL et les membres du Conseil ont re censé les facteurs à cause desquels il est difficile pour le Conseil de prendre des décisions de déviation. Certains sont évidents et d’autres pas, et les changements climatiques risquent d’exacerber un certain nombre de ces facteurs.

Les conditions futures qui détermineront les apports d’eau sont inconnues :
Les précipitations sur les bassins du lac Ontario et du Saint-Laurent, ainsi que sur les bassins du lac Érié et de la rivière des Outaouais sont les principales causes de fluctuation des niveaux d’eaux. Or, les prévisions de précipitations fiables ne sont disponibles qu’à terme de quelques jours. En règle générale, l’essentiel de l’eau qui aboutit dans le lac Ontario provient du lac Érié. Cet apport est prévisible jusqu’à un certain point, mais les précipitations variables dans le bassin du lac Érié peuvent modifier cet apport relativement rapidement. La pluie et la neige dans le bassin du lac Ontario contribuent également, et de façon appréciable, au niveau du lac, et cela non plus n’est pas prévisible. Les avantages ressentis par les intérêts et les régions, à la suite des décisions de déviation du Conseil, dépendent des apports d’eau dans les semaines et les mois suivant ces décisions. Une période de fortes pluies ou de sécheresse peut facilement gommer les bénéfices d’une déviation. Les changements climatiques ne font qu’exacerber cette incertitude.

Les déviations relatives au débit sortant ne peuvent occasionner que des améliorations graduelles pour un seul intérêt ou une seule région, mais elles ont des répercussions plus marquées ailleurs :
Par définition, les apports d’eau naturels et les niveaux qui en résultent sont extrêmement élevés ou bas quand intervient le pouvoir de déviation majeure découlant du critère H14 (seuil de déclenchement) et que les impacts se produisent en divers endroits du réseau. Toute déviation appliquée par la Commission n’entraîne que de petits changements dans le niveau du lac Ontario et des améliorations progressives pour certains modes d’utilisation et intérêts. Dans certaines circonstances, un changement graduel du niveau du lac peut avoir des impacts notoires, mais dans d’autres cas, il peut être difficile de dire quel effet il a eu. Entre-temps, de telles déviations de débit ont un effet plus sensible sur les niveaux d’eau ailleurs dans le réseau en raison de la relation asymétrique entre le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent. Comme nous l’avons vu, le lac Ontario, d’une superficie énorme, se déverse dans le Saint-Laurent qui est relativement étroit. Cela étant toute variation du débit sortant à hauteur du barrage, qui cause un changement à peine perceptible du niveau du lac, peut occasionner un changement dix fois plus grand du niveau de l’eau en divers endroits le long du Saint-Laurent (Figure 27).

Figure 27

Impacts des débits sortants sur les niveaux d’eau dans le réseau du lac Ontario et du Saint-Laurent

(Source : Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent)

Le bassin du lac Ontario présente des aspects socioéconomiques complexes :
Certains intérêts ou certaines régions géographiques sont plus vulnérables que d’autres à des niveaux d’eau extrêmement élevés ou bas. Certains, ont les moyens et les occasions d’être plus résilients ou de se remettre des conséquences de niveaux d’eau extrêmes. Les impacts peuvent être éphémères pour certains intérêts ou durer des semaines ou des mois pour d’autres. Les zones urbaines densément peuplées sont touchées par les inondations de façon très différente des petites villes, des regroupements de maisons rurales, des plages touristiques et des parcs publics.

Compte tenu de la grande variété de modes d’utilisations et d’intérêts dans le bassin, il est naturellement difficile de quantifier et de comparer pleinement les impacts subis :
Les coûts d’un arrêt temporaire de la navigation commerciale, qui se répercutent sur les chaînes d’approvisionnement et sur les industries qui dépendent des marchandises transportées sur la Voie maritime, sont considérables mais peuvent être estimés. En revanche, l’impact des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, des pertes d’emplois et des retombées sur les économies locales sont difficiles à évaluer. Les impacts des crues extrêmes sur les municipalités et sur les riverains, le tourisme, les petites entreprises, l’agriculture et les plaisanciers sont encore plus difficiles à quantifier. Ces impacts ne se limitent pas aux dommages matériels ou à la perte de revenus, qui peuvent être calculés, mais s’étendent à la perte d’accès et de possibilités et aux effets sur la santé physique et émotionnelle qui peuvent être profonds et durables, mais difficile à estimer. De même, s’il est possible de quantifier les impacts environnementaux , il est difficile de les comparer à des impacts socioéconomiques qui sont plus importants.

Les impacts peuvent être ressentis dans le temps :
Certains impacts comme l’érosion des berges ou la dégradation des écosystèmes du lac Ontario et du Saint-Laurent, sont ressentis sur des mois ou des années et ne sont pas mesurables à court terme. Là encore, tout est question de comparaison, c’est-à-dire de la façon dont on évalue l’impact d’un changement du niveau d’eau quand il touche immédiatement certains modes d’utilisation et intérêts, et pas d’autres, et sur une certaine période?

Le Conseil ne fonctionne pas en vase clos :
Les membres du Conseil sont conscients que leurs décisions peuvent se répercuter sur d’innombrables dimensions culturelles, sociales, politiques, juridiques, réglementaires, financières et naturelles, et ils savent que de nombreuses personnes ont des opinions bien arrêtées sur les actions du Conseil. Il est difficile pour le Conseil de comprendre les impacts sur un ensemble aussi diffus de modes d’utilisations et d’intérêts, sans parler de tous les objectifs potentiellement concurrents.

Aperçu :

Le Conseil fait face à des problèmes complexes qui ont une incidence sur ses décisions, y compris les changements climatiques.

3.2.3

Renseignements que le Conseil souhaite obtenir et dont il a besoin

Au printemps 2020, dans la foulée des épisodes de crue de 2017 et de 2019-2020, les représentants du Comité GAGL ont mené des entrevues d’une heure avec chacun des membres du Conseil (avant la restructuration). Ils leur ont demandé comment ils prenaient leurs décisions et quelles lacunes ils constataient sur le plan des connaissances nécessaires pour délibérer.

En réponse, les membres du Conseil ont indiqué clairement qu’ils souhaitaient disposer de renseignements plus détaillés et plus complets sur les impacts réels des déviations envisagées, car ils ont précisé n’avoir très souvent que des renseignements anecdotiques sur les conséquences de leurs décisions. Les membres du Conseil voulaient savoir avec une plus grande certitude quels étaient les risques pour les intérêts en amont et en aval pendant des crues et en quoi ces risques seraient modifiés par leurs déviations. Ils voulaient connaître : le risque réel des tempêtes saisonnières; quels dommages des courants très forts occasionnent aux infrastructures riveraines; les coûts potentiels d’une suspension temporaire de la saison de navigation en raison de débits élevés; et les dommages environnementaux possibles en cas d’échouement d’un navire causant un déversement de pétrole. Ils voulaient disposer d’une façon juste et précise de comparer les impacts et ont demandé comment repérer les déviations susceptibles d’aider vraiment un intérêt sans nuire indûment aux autres. Ils ont réclamé des données objectives et normalisées pour les aider à comparer les impacts d’une région et d’un intérêt à l’autre.

Le Conseil voulait plus d’informations sur les déviations par rapport aux limites — les éléments du Plan 2014 qui plafonnent les débits sortants pour protéger les modes d’utilisation et les intérêts sur le fleuve Saint-Laurent. Certaines des questions relatives aux limites auxquelles le Conseil est confronté ont été abordées dans une étude des limites menée par les membres du Comité GAGL; ce travail est résumé à la section suivante (voir la section 3.3).

Voici quelques-unes des questions particulières concernant les limites :

  • Il existe un manque de directives sur les déviations à appliquer par rapport à la limite F, celle qui concerne le niveau du lac Saint-Louis afin d’équilibrer le risque de crue du lac Ontario et du cours inférieur du Saint-Laurent. Les membres du Conseil veulent savoir s’il n’y a pas plus d’informations disponibles sur l’équilibre du risque entre les intérêts en amont et en aval.
  • Si le Conseil envisage d’augmenter le débit sortant au-delà de la limite L, comment peut-il évaluer l’avantage pour les intérêts riverains du lac Ontario par rapport aux impacts potentiels sur la navigation commerciale, la navigation de plaisance et l’écosystème du fleuve?
  • Combien d’eau en plus une déviation de la limite I peut-elle permettre de retirer du lac Ontario en hiver, en regard du risque d’endommager le frasil, de voir se former des embâcles en amont ou en aval, de porter éventuellement atteintes à l’écosystème du Saint-Laurent et de la possibilité que la déviation enlève trop d’eau du lac?
  • Y a-t-il des moments où le Conseil peut et doit dévier de la limite J, qui limite le changement de débit sortant au cours d’une semaine donnée pour protéger les intérêts sur le fleuve Saint-Laurent?

Le Conseil et le Comité GAGL ont également déterminé ce que les membres du Conseil considèrent comme les principales périodes de risque auxquelles ils font face quand ils appliquent des déviations.

Principales périodes de risque quand une déviation est appliquée

Icon 8.png

Lors d’une crue printanière : Il peut se produire de graves inondations dans le cours inférieur du Saint-Laurent à la suite d’une augmentation même modeste du débit sortant du lac Ontario.

Icon 9.png

Pendant et après la formation de glaces : Des dommages écologiques peuvent survenir dans le lac Saint-Laurent sous l’effet de débits sortants hivernaux anormalement élevés, de même que de l’affaiblissement de la couverture de glace et des inondations locales qui en résultent.

Icon 10.png

Pendant la saison de navigation dans la Voie maritime : La fermeture de la Voie maritime, qui a porté tort à l’industrie du transport maritime et à ses clients, peut résulter de déviations supérieures à la limite L, mais entraîner de petites améliorations, souvent difficiles à mesurer, découlant de niveaux réduits sur le lac Ontario.

De plus, il est ressorti clairement des discussions que le Conseil se demande souvent comment équilibrer les impacts quand ceux-ci peuvent passer d’un groupe d’intérêt à un autre en raison de changements dans les apports d’eau et d’autres variables. Quand les impacts devraient-ils être transférés d’un groupe d’intérêt à un autre, dans quelle mesure et comment le Conseil évalue-t-il les impacts comme les dommages à l’environnement ou le niveau d’anxiété de toute une collectivité, qui est bien réel, mais difficile voire impossible à mesurer? Comment le Conseil peut-il évaluer le risque d’impacts durables qu’il ne peut prévoir, ou encore comment peut-il faire la part entre une issue quasiment certaine et une autre qui n’est que spéculative?

Le Conseil a également dû composer avec toute l’incertitude entourant les prévisions relatives aux apports d’eau au printemps. Le fait d’augmenter les débits
sortants plusieurs mois à l’avance, au-delà des limites, dans l’espoir de réduire le risque que le lac Ontario atteigne un niveau très élevé, pourrait s’avérer inutile
et dommageable pour de nombreux intérêts si le printemps devait être sec et caractérisé par un ruissellement faible. La création de l’OAD est notamment le fruit des discussions qui ont eu lieu lors de nombreuses réunions entre le Comité GAGL et le Conseil, discussions qui ont porté sur les préoccupations exprimées.

Aperçu :

Le Conseil a besoin de plus de renseignements sur les risques et les incertitudes lorsqu’il s’écarte des limites du Plan.

3.3

Le Comité GAGL examine les limites du Plan 2014 pour déterminer les possibilités de déviation

Le Plan 2014 énonce trois limites — les limites F, L et I — qui régissent le plus souvent les débits sortants afin de protéger les intérêts contre les effets d’un débit excessif en période de crue extrême. Quand les seuils de déclenchement du critère H14 sont atteints, comme en 2017 et en 2019-2020 (voir la figure 3), et que le Conseil a le pouvoir de dévier, les membres du Conseil doivent décider s’il y a lieu de dévier de l’une de ces limites malgré la grande incertitude que soulèvent les conditions futures et sans avoir beaucoup d’informations sur les résultats possibles de leurs décisions.

Le Comité GAGL a examiné et documenté les déviations effectives ou envisagées par rapport aux limites au cours des dernières années. Le Comité a aussi examiné l’origine et la fonction des limites, et dégagé plusieurs options possibles (tableau 4) qu’il est recommandé de prendre en compte dans l’évaluation de la situation avant tout épisode de niveau de crue ou d’étiage. De plus amples détails sont fournis ci-dessous et aux sections 3.3.1, 3.3.2 et 3.3.3. Ces examens et évaluations interviendront lors de la phase 2 de l’examen accéléré du Plan 2014 (Comité GAGL, 2021a).

Tableau 4

LimiteAspects à approfondir
Limite maximale JModification ou suppression de la limite J dans certaines conditions
Limite maximale IAbaissement du niveau minimal hivernal du lac Saint-Laurent de 71,8 m (235,6 pi)
Débits supérieurs à 9 430 m3/s (333 000 pi3/s) quand les conditions le permettent
Limite maximale LModification du niveau minimum du lac Saint-Laurent en été de 72,6 m (238,2 pi)
Débits sortants supérieurs à la limite L dans certaines conditions et avec des mesures d’atténuation
Débit sortant maximal du chenal
Limites de débit de 10 200 m3/s (360 200 pi3/s) et de 10 700 m3/s (377 900 pi3/s)
Limite maximale F Opérations liées au lac Saint-Laurent et au lac Saint-François
Solutions de rechange à la limite F maximale en fonction de l’évaluation des impact

Limites et aspects à approfondir

(Comité GAGL, 2021a)

L’importance des limites en période de crues extrêmes a été illustrée par une analyse du Comité GAGL. On a constaté que, de 2017 à 2020, si le Conseil avait choisi de ne pas dévier du Plan 2014, les règles du Plan 2014 auraient servi à fixer le débit sortant durant seulement 32 des 208 semaines, soit 15 % de cette période de quatre ans (tableau 5). Chacune des trois principales limites maximales de débit aurait été appliquée pour des périodes plus longues; la limite L aurait contrôlé les débits sortants pendant 110 semaines, la limite I pendant 34 semaines et la limite F pendant 30 semaines. Ensemble, les limites maximales de débit auraient été appliquées à raison de 85 % de cette période de quatre ans.

Tableau 5

Règle ou limite prescrite par le Plan 2014 Nombre de semainesFréquence
Courbe d’exploitation (R/R+)3215 %
Limites17685 %
Limite I (glace)3416 %
Limite F (inondation)3014 %
Limite L (navigation)11053 %
Limite J (changement de débit)21 %
Limite M (minimum)00 %
Total208100 %

Débits prescrits du Plan 2014, de 2017 à 2020

(Nombre de semaines et fréquence selon laquelle chaque règle ou limite a été prescrite par le Plan 2014 pendant la période de 208 semaines du 7 janvier 2017 au 31 décembre 2020)

Toutefois, le Conseil a choisi de dévier par rapport aux règles et aux limites du Plan 2014 dans 103 de ces 208 semaines. Le tableau 6 montre les différentes applications des règles ou des déviations dans les semaines où le débit sortant a été régi de la sorte.

Le Comité GAGL a constaté que, même si l’objet de chacune des limites était bien compris, le Conseil disposait de peu de renseignements précis sur l’impact d’un dépassement de ces limites sur le fleuve Saint-Laurent et le lac Ontario. Il est ressorti d’un examen détaillé que des renseignements supplémentaires pourraient être utiles aux délibérations futures du Conseil. La section 4.0 traite plus en détail des recherches entreprises.

Tableau 6

Règle, limite ou déviation applicable  Nbre de semaines*Fréquence
Débits selon le Plan 2014Courbe d’exploitation (R/R+)178 %
Limites max/min8842 %
TypeLimite I (glace)3014 %
Limite F (inondation)2211 %
Limite L (navigation)3416 %
Limite J (changement de débit)21 %
Limite M (minimum)00 %
Total Plan 201410550.5 %
DéviationsDéviations majeurs (critère H14)6531 %
TypeSelon la courbe d’exploitation178 %
Limite L (navigation)2311 %
Compensation (récupération)**2512 %
Déviations selon condition J84 %
TypeCourbe d’exploitation1<1 %
Limite L (navigation)21 %
Limite F (inondation)52 %
Déviations mineures3014 %
TypeSortie des embarcations du lac Saint-Laurent94 %
Échouements1<1 %
Installation d’estacades de sécurité52 %
Entretien des centrales hydroélectriques1<1 %
Compensation (récupération)147 %
Déviations totales
10349.5 %
Total (tous)208100 %

Débits réels, 2017 à 2020

(Nombre de semaines et fréquence d’application de chaque règle ou limite du Plan 2014 par rapport au nombre de semaines et à la fréquence à laquelle des déviations par rapport au Plan 2014 ont été effectuées au cours de la période de 208 semaines du 7 janvier 2017 au 31 décembre 2020. *Déterminé en fonction de la majorité des jours pendant les semaines où plus d’une règle, limite ou déviation a été appliquée en des jours différents. **Comprend les déviations compensatoires (récupérations) des déviations majeures (critère H14) et les déviations de la condition J, car il n’était pas possible de les différencier)

3.3.1

Possibilités associées à la limite I

La limite I, qui prescrit le débit maximal hivernal, a régi le débit sortant environ 14 % du temps, soit 30 semaines par an entre janvier 2017 et décembre 2020. La limite I est conçue pour faire en sorte que la vitesse du courant du Saint-Laurent soit suffisamment faible pour permettre la formation et le maintien d’une couverture de glace stable et pour que le niveau d’eau minimum soit maintenu dans le lac Saint-Laurent après la formation de glace. Un débit plus élevé au barrage Moses-Saunders a pour effet d’abaisser le niveau du réservoir naturel qu’est le lac Saint-Laurent.

À la suite d’un examen des limites I, il a été conclu que celles-ci pourraient faire l’objet de trois changements possibles, dont deux qui pourraient également être prises en considération par le Conseil quand il décide d’appliquer des déviations en hiver. Les changements pourraient permettre d’augmenter le débit sortant en hiver, soit en modifiant les limites, soit en donnant au Conseil une plus grande latitude relativement aux déviations hivernales.

La limite I exige que le lac Saint-Laurent soit maintenu à un niveau moyen hebdomadaire de 71,8 m (235,56 pi) ou plus, mesuré au barrage Long Sault. Cette valeur était précisée dans la limite parce qu’on croyait qu’il s’agissait du niveau minimal nécessaire pour assurer l’efficacité des prises d’eau municipales.

Les recherches du Comité GAGL ont révélé que ce niveau minimal n’est peut-être plus approprié parce que l’usine de traitement des eaux d’Ingleside (Ontario) a dû être déplacée après que sa prise d’eau fut compromise, il y a des années, quand le niveau est tombé en dessous de 71,8 m (235,56 pi). Il s’agit du seul problème de ce genre à avoir été signalé et, quand le niveau est descendu en dessous de 71,8 m (235,56 pi) ces dernières années, aucun problème n’a été déclaré par les exploitants des réseaux d’adduction d’eau.

Il est possible que le Conseil puisse dévier en hiver et augmenter progressivement le débit sortant sans compromettre les prises d’eau, bien que l’étude du Comité GAGL ait souligné qu’une faible quantité d’eau dans le lac Saint-Laurent risque de se répercuter sur la vie aquatique et sur la production d’électricité. Toute augmentation du débit sortant doit mettre en balance les avantages potentiels pour les intérêts riverains du lac Ontario et du cours inférieur du Saint-Laurent et les effets potentiels sur les intérêts du lac Saint-Laurent.

Couvert de glace sur le lac Saint-Pierre (Québec) au Canada.

Une étude préliminaire menée par l’Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent (River Institute, 2020) a permis de conclure que de vastes parties du lit du lac Saint-Laurent sont exposées à mesure que le niveau d’eau diminue en hiver, mais qu’une diminution excessive risque d’exposer beaucoup plus de zones, laissant des piscines isolées, ce qui aurait des impacts non négligeables sur les organismes aquatiques, en particulier les amphibiens, les reptiles et les petits poissons. D’autres études ont été recommandées (voir la section 4.5 pour en savoir plus).

Il pourrait ne pas être possible d’augmenter le débit à la centrale hydroélectrique Moses-Saunders à cause d’un niveau trop bas du lac Saint-Laurent. Tout fonctionnement avec des hauteurs de retenu trop faibles (moins de 22,0 m (72,2 pi) à la centrale de Moses et de 21,95 m (72 pi) à la centrale de Saunders), exigerait le démarrage et le fonctionnement manuels des unités, car les abaques de rendement des centrales ne prévoient pas les situations où la hauteur de retenue est trop faible6. Comme le travail se fait hors épure, on ne peut connaître avec certitude le débit qui en découlera. À de si faibles niveaux, l’efficacité de la production d’électricité est également réduite.

Le Comité GAGL a noté que le débit sortant hivernal maximal de 9 430 m3/s (333 000 pi3/s) permis sous la limite I quand une couverture de glace s’est formée est basé sur l’expérience. Il se peut que, dans certaines circonstances, le Conseil puisse dévier pour augmenter le débit sortant en hiver et aller au-delà de ce point, mais la prudence s’impose, car le débit sortant peut devoir être limité pendant une grande partie de l’hiver en cas d’effondrement d’une couverture de glace qui serait faible ou instable, ce qui donnerait lieu à la formation d’un embâcle. Il faut approfondir ces questions, et les opérations réelles dépendent beaucoup de l’état des glaces dans le canal de Beauharnois et le lac Saint-Laurent.

Aperçu :

Il peut être possible d’appliquer des déviations différentes de la limite I à partir de nouvelles informations.

3.3.2

Possibilités associées à la limite L

Entre janvier 2017 et décembre 2020, la limite L, qui concerne la navigation commerciale le long de la Voie maritime, a fixé les débits sortants à raison de quelque 16 % du temps, soit durant 34 semaines. De plus, des déviations au-dessus de la limite L, mais dans les limites des exigences de sécurité de la navigation, ont été appliquées durant au moins 23 semaines.

De façon générale, la limite L restreint le débit sortant du barrage Moses-Saunders au maximum possible sans causer de courants trop forts au point de rendre la navigation dangereuse dans certaines parties du fleuve (voir la figure 23 à la section 3.1.2 pour une représentation graphique de la limite L). Une autre partie de la limite L permet également de s’assurer que le niveau du lac Saint-Laurent demeure suffisamment élevé pour que les navires chargés puissent emprunter le chenal. À l’instar des autres limites, il existe une échelle mobile en vertu de laquelle il est possible de fixer des débits sortants plus élevés à mesure que le niveau du lac Ontario augmente.

Le deuxième débit sortant le plus élevé permis en vertu de la limite L, soit 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) quand le lac Ontario atteint 75,5 m (248,36 pi), est considéré comme le débit sortant le plus élevé permettant une navigation normale. Le débit sortant maximal permis par la limite L pendant la saison de navigation dans la Voie maritime, soit 10 700 m3/s (378 000 pi3/s), s’applique quand le lac Ontario atteint le niveau extrême de 76,0 m (249,34 pi) (voir la figure 23). Pendant des périodes de près de deux mois en 2017 et en 2019, le Conseil a choisi de s’écarter de la limite L en portant le débit sortant à 10 400 m3/s (367 000 pi3/s) jusqu’à ce que le niveau du lac Ontario tombe sous les 75,50 m (248,36 pi).

Entre Montréal et le lac Ontario, la Voie maritime est gérée conjointement par une société canadienne sans but lucratif connue sous le nom de Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et par un organisme gouvernemental américain connu sous le nom de Great Lakes St. Lawrence Seaway Development Corporation (figure 28). Ces deux corporations de la Voie maritime ont signalé que les navires peuvent naviguer en toute sécurité dans la Voie maritime du Saint-Laurent en été, même quand le débit est élevé, sous réserve que des mesures d’atténuation soient prises et que le niveau du lac Ontario soit supérieur à 75,50 m (248,36 pi). Elles ont signalé que ce sont surtout les navires commerciaux qui ont de la difficulté quand le débit sortant dépasse la limite L à l’automne, quand le courant est fort et que le niveau d’eau dans le fleuve diminue. L’automne est aussi caractérisé par plus de tempêtes et de vents en rafales qui rendent la navigation périlleuse.

Figure 28

Navires dans la Voie maritime

Les corporations de la Voie maritime ont déclaré qu’il n’est pas possible de maintenir la sécurité de la navigation à 10 700 m3/s (378 000 pi3/s). Cependant, les navires peuvent tolérer un débit sortant supérieur à 10 400 m3/s (367 000 pi3/s) au début et au milieu de l’été si le niveau du lac Ontario est plus élevé et si des mesures d’atténuation sont en place. Ils ont également constaté que des débits de 10 400 m3/s (367 000 pi3/s) ou supérieurs à la limite L sont dangereux à la fin de l’été et à l’automne. Cela donne à penser que le Conseil pourrait occasionnellement être en mesure de dévier plus ou moins de la limite L par rapport à ce qu’il a fait jusqu’à maintenant. Les corporations de la Voie maritime ont commandé de nouvelles recherches et modélisations après 2019 afin de fournir des renseignements en temps réel aux pilotes sur les conditions du fleuve, et ainsi de les aider à mieux naviguer à des vitesses et dans des courants critiques. Ces nouveaux renseignements seront pris en compte dans le cadre de futures évaluations de la limite L.

Le Comité GAGL a également constaté qu’il convient de mieux étudier le fondement de la règle des deux débits sortants supérieurs à 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) et à 10 700 m3/s (378 000 pi3/s), selon la limite L du Plan 2014. Le débit de 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) a été établi à l’occasion d’une stratégie expérimentale appliquée lors des crues extrêmes de 1993, lorsque le Conseil et la Voie maritime ont fixé des débits différents par intermittence, trois semaines durant. Autrement dit, dans les périodes où le débit était très élevé, les navires ne s’aventuraient pas dans la Voie maritime, mais ils pouvaient naviguer dans les périodes où le débit était plus faible. La valeur de 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) retenue pour la limite L du Plan 2014 était, quant à elle, fondée sur le débit sortant moyen relevé au cours de la période de trois semaines, et non sur un débit sortant réel constant. Enfin, la valeur de 10 700 m3/s (378 000 pi3/s) est dérivée d’un scénario hypothétique de débits sortants intermittents envisagés par les rédacteurs du Plan 2014.

Le concept de débits intermittents n’a pas été repris en 2017 et 2019-2020. Le secteur de la Voie maritime a indiqué qu’un tel scénario aujourd’hui ne serait plus possible et entraînerait un arrêt complet en pleine saison. La voie maritime a plutôt mis en œuvre des mesures d’atténuation pour permettre une navigation sécuritaire à un débit constant de 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) pouvant atteindre 10 400 m3/s (367 000 pi3/s).

La limite L est par ailleurs destinée à plafonner le débit sortant pendant la saison de navigation afin d’éviter que le niveau du lac Saint-Laurent ne tombe sous un seuil moyen hebdomadaire minimal de 72,6 m (238,2 pi) mesuré au limnimètre de Long Sault. Ce niveau est nécessaire pour que les navires à fort tirant d’eau puissent naviguer en toute sécurité. Le Comité GAGL a constaté que de nombreux riverains, plaisanciers et autres acteurs du secteur récréatif du lac Saint-Laurent préfèrent des niveaux supérieurs à 72,60 m (238,2 pi) et demandent que le niveau minimal soit de 73 m (239,5 pi) environ en été. Au cours de l’été 2020, le Conseil a décidé de compenser l’effet des déviations passées en réduisant le débit sortant pour maintenir un niveau minimal supérieur à 73 m (239,50 pi) mesuré au limnimètre de Long Sault, ce qui a permis de soulager quelque peu les intérêts du lac Saint-Laurent. Dans certaines circonstances, le Conseil pourrait être en mesure de s’écarter de la limite L en été et de libérer moins d’eau pour maintenir le lac Saint-Laurent à un niveau supérieur élevé. Cela revient à dire qu’il faudrait retenir plus d’eau dans le lac Ontario, mais cette augmentation du niveau du lac Ontario autoriserait l’application de débits sortants un peu plus élevés en automne et en hiver pour compenser cet excédent.

Aperçu :

L’expérience a démontré qu’une certaine souplesse est possible à l’égard de la limite L en été à partir des mesures d’atténuation en place, mais que cette souplesse est moins grande en automne quand les tempêtes automnales et les rafales de vent rendent la navigation périlleuse.

3.3.3

Possibilités associées à la limite F

Entre janvier 2017 et décembre 2020, la limite F, qui vise à équilibrer les débordements du lac Saint-Louis et du lac Ontario, a permis de régir le débit sortant à raison de 11 % du temps environ, soit durant 22 semaines. De plus, des déviations supérieures à la limite F ont été appliquées durant 5 semaines environ.

La limite F a pour objet fondamental de limiter les crues et les inondations possibles, notamment les inondations causées ou exacerbées par la crue nivale de la rivière des Outaouais, ou par le ruissellement printanier. Même si elle vise à équilibrer l’incidence des débordements du lac Ontario et des crues du Saint-Laurent (dans son cours supérieur et son cours inférieur, en aval de Trois-Rivières), la limite F est spécifiquement associée aux niveaux du lac Ontario et du lac Saint-Louis (qui est formé par le fleuve en amont de l’île de Montréal). À mesure que le lac Ontario gonfle jusqu’à atteindre des niveaux extrêmement élevés, la limite F dicte des augmentations répétées du niveau du lac Saint-Louis (voir le tableau 2 à la section 2.6) qui permettent d’augmenter le débit sortant du lac Ontario, selon les conditions du moment. Étant donné que le lac Saint-Louis n’est qu’un modeste élargissement du fleuve Saint-Laurent dont le régime hydraulique s’apparente à celui d’un cours d’eau, une augmentation du débit sortant qui n’a qu’un effet minime sur le niveau du lac Ontario peut entraîner une hausse marquée du niveau du lac Saint-Louis (voir la figure 29). Comme nous l’avons vu, le plafond de la limite F correspond au niveau maximal du lac Saint-Louis, de 22,48 m (73,75 pi), quand le lac Ontario atteint 75,60 m (248,03 pi).

Figure 29

Carte du fleuve Saint-Laurent, du lac Ontario à Montréal, avec les centrales hydroélectriques

  • Limite provinciale
  • Frontière internationale
  • Barrage Moses-Saunders
  • Beauhamois
  • Beauhamois
  • Les Cedres
  • Coteau
  • Carillion

Toutefois, le Conseil peut dévier de la limite F quand le niveau de l’eau augmente. Les seuils de déclenchement « hauts » du critère H14, qui autorisent le Conseil à agir, s’appliquent à la fin mai et au début juin quand les niveaux d’eau sont souvent à leur maximum, et ils ne dépassent que de 3 cm (1,1 po) la limite F la plus élevée.

C’est surtout en 2017 et 2019 que le Conseil a choisi de respecter la limite F. Il lui aurait été difficile d’en dévier dans de telles circonstances parce que, s’ils était au courant que des inondations majeures avaient lieu dans tout le réseau du lac Ontario et du Saint-Laurent, il ne disposait que de très peu d’informations sur l’ampleur de l’impact qu’une déviation quelconque aurait pu avoir en amont et en aval.

Cet épisode montre que le Conseil a besoin de plus de données sur les effets des crues extrêmes sur les sections amont et aval afin d’être plus confiant envers toute stratégie destinée à lui permettre de dévier des limites F en situation de crise. L’analyse du Comité GAGL donne à penser que les différentes limites F pourraient elles-mêmes être modifiées, ce qui fera l’objet d’un examen plus détaillé lors de la phase 2.

L’analyse du Comité GAGL a permis de dégager différentes façons d’ajuster la limite F ou, pour le Conseil, de s’adapter à cette limite, ce qui sera développé davantage au cours de la phase 2. Il s’agissait notamment de hausser les niveaux cibles par paliers, tant pour le lac Ontario au-dessus du seuil actuel de 75,60 m (248,03 pi) que pour le lac Saint-Louis au-dessus de 22,48 m (73,75 pi). Les paliers inférieurs des niveaux cibles seraient omis dans le cas du lac Saint-Louis si le lac Ontario était susceptible de s’élever au-dessus de paliers correspondants (le Conseil l’a fait au printemps 2020, voir la section 3.1.2). Le moment où les cibles s’appliqueraient correspondrait à la crue nivale, ces niveaux cibles étant liés aux apports des quatre Grands Lacs d’amont ou de la rivière des Outaouais, et une composante distincte étant ensuite ajoutée à la limite F pour isoler le niveau du lac Saint-Pierre. Toutes ces options nécessiteraient un examen et une évaluation plus approfondis avant que le Conseil puisse envisager ces options de déviation ou les modifications proposées au Plan lui-même à la phase 2.

L’analyse du Comité GAGL confirme également que le Conseil devrait disposer de plus d’informations sur l’impact des niveaux d’eau extrêmement élevés dans le lac Ontario, le cours supérieur du fleuve, le lac Saint-Louis et les secteurs en aval, cela pour que les membres du Conseil puissent élaborer une stratégie de déviation en période de crue extrême. Il convient de noter que des variations importantes du débit sous le régime de la limite F pourraient avoir des impacts imprévus sur le lac Saint-Laurent et le lac Saint-François, impacts qu’il faut prendre en compte. 

De plus, le Comité GAGL a indiqué qu’il faudra peut-être obtenir plus de données sur l’impact des décisions concernant la régularisation et les niveaux d’eau élevés, dans le cas du lac Saint-Pierre. Cette partie du fleuve en aval de Montréal se trouve à l’extrémité est de la région où les niveaux sont influencés par le Plan 2014 ou par les déviations appliquées par le Conseil. Le Conseil a tenté de tenir compte des impacts sur le lac Saint-Pierre, car, lors des déviations du printemps 2020, il a constaté qu’il ne disposait pas de suffisamment de données fiables en temps réel ni de modélisations pour les nombreuses variables qui influent sur les niveaux d’eau dans ce secteur.

Aperçu :

La limite F pourrait être ajustée de différentes façons, mais un examen plus poussé s’imposera à l’étape de la phase 2.

4

Données utiles au Conseil qui alimentent l’outil d’aide à la décision

4.0

Données utiles au Conseil qui alimentent l’outil d’aide à la décision

Partant du principe que le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (le Conseil) avait besoin de plus de données comparatives sur les impacts des niveaux d’eau (hauts et bas) sur les divers modes d’utilisation et intérêts du réseau afin de permettre la prise de meilleures décisions de déviation, le Comité du Programme de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) a recueilli des données sur les différents impacts lors de la phase 1 et a ainsi fait de grands progrès pour répondre à ce besoin. Les renseignements recueillis par le Comité GAGL auprès d’une grande variété de sources brossent un tableau plus complet de la nature et de l’étendue des différents impacts de ces inondations sur de nombreux modes d’utilisation et intérêts du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.

Des milliers de riverains — particuliers, propriétaires d’entreprises, représentants municipaux, représentants de collectivités autochtones, exploitants de marinas, représentants de sociétés de transport maritime et d’autres parties prenantes — ont fourni des renseignements directement ou indirectement à l’appui de cet effort. Ce faisant, le Comité GAGL et la CMI sont parvenus à forger ou à cimenter des relations avec bon nombre de ces personnes et de ces groupes. Ces relations et les données recueillies contribueront non seulement aux travaux de la phase 1, mais appuieront également les travaux futurs, y compris lors de la phase 2 de l’examen accéléré du Plan 2014. Les sections suivantes mettent en lumière certains des travaux qui ont été entrepris pour chacun des modes d’utilisation et intérêts décrits précédemment aux sections 2.7 et 2.8.

4.1

Réseaux d’aqueducs et d’égouts municipaux et industriels : impacts sur le service

Les réseaux d’aqueducs et d’égouts municipaux, industriels et privés le long du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent peuvent être touchés par des niveaux d’eau extrêmes (hauts ou bas). La nature et l’étendue des impacts dépendent étroitement de l’emplacement et des caractéristiques propres à l’installation visée, ce qui complique la réalisation d’une évaluation globale. Les impacts des inondations sur les réseaux d’aqueducs et d’égouts municipaux et industriels ont fait l’objet de signalements pour des emplacements le long des rives du lac Ontario et du Saint-Laurent en 2017 (GAGL, 2018) et en 2019. De 2017 à 2020, ce sont surtout les faibles niveaux du lac Saint-Laurent qui ont été préoccupants, comme nous l’avons déjà mentionné, puisqu’un débit sortant élevé du barrage Moses-Saunders peut faire baisser le niveau d’eau en amont, dans le lac Saint-Laurent. Des impacts peuvent être ressentis dans d’autres parties du réseau dans les périodes où les niveaux sont extrêmement bas, particulièrement dans certaines sections du cours inférieur du Saint-Laurent. Toutefois, ces impacts dus aux faibles niveaux d’eau n’ont pas été un facteur déterminant dans les décisions de déviation étudiées dans le cadre de la phase 1.

La limite I a été notamment conçue pour protéger les prises d’eau du lac Saint-Laurent en empêchant que le niveau d’eau dans ce secteur ne descende trop bas pendant les mois d’hiver. La limite F entre en jeu quand il convient de protéger des constructions riveraines. Les déviations appliquées par le Conseil pourraient avoir de nombreux impacts sur les réseaux d’aqueducs et d’égouts, et la priorité de la phase 1 était de collecter des données précises afin de mieux comprendre les impacts des inondations dans le réseau hydrographique du lac Ontario et du Saint-Laurent, ainsi que la sensibilité du lac Saint-Laurent aux faibles niveaux d’eau.

4.1.1

Enquête sur les réseaux d’aqueducs et d’égouts municipaux et industriels

Le rapport sommaire du Comité GAGL à la suite des crues de 2017 a souligné la nécessité de recueillir des données plus ciblées auprès des utilisateurs d’eau municipaux et industriels (Comité GAGL, 2018). Le Comité a retenu les services de LURA Consulting pour accomplir ce travail et les conclusions sont disponibles dans le rapport de projet (LURA Consulting, 2019b).

LURA Consulting a obtenu des renseignements auprès de 73 exploitants de stations de traitement des eaux, municipales et industrielles, sur les bords du lac Ontario et du Saint-Laurent relativement aux impacts des crues de 2017 (figure 30). Il s’agit notamment d’installations qui puisent de l’eau pour la consommation humaine, pour des industries ou pour le refroidissement des centrales électriques ou encore qui traitent les eaux usées.

Seulement 30 % des répondants ont déclaré avoir été touchés par les crues de 2017. Les deux impacts les plus fréquents ont été l’inondation des regards et des stations de pompage et l’érosion des berges avec ses répercussion sur les canalisations, bien que des problèmes plus graves aient été signalés pour un petit nombre d’installations, comme l’inondation de bâtiments, la pénétration des embruns dans les puits de décantation (servant à la rétention de l’eau potable traitée avant sa distribution), et l’endommagement de pompes ou de canalisations.

Dans son analyse des impacts de 2017, LURA Consulting fait état de 15 installations ayant eu des problèmes de qualité de l’eau et de 10 autres (six dans le lac Ontario et quatre dans le Saint-Laurent) qui ont signalé des interruptions de service. Tous ces problèmes étaient attribuables à des inondations et il n’y a eu aucun signalement de problèmes causés par un faible niveau d’eau dans le lac Saint-Laurent.

Seize installations sur le lac Ontario et six sur le fleuve Saint-Laurent ont fourni ce qu’elles considéraient comme leurs seuils de crue critiques. Dix installations situées en bordure du lac et sept sur les bords du fleuve ont rendu compte de seuils critiques de faible niveau d’eau. L’information fournie par LURA Consulting est fondée sur la rétroaction directe des exploitants.

Figure 30

Installations ayant participé à l’enquête LURA

(LURA Consulting, 2019b)

  • Installation industrielle
  • Usine municipale de traitement des eaux usées
  • Usine municipale de traitement des eaux usées
  • Centrale électrique
  • Limite provinciale
  • Frontière internationale

4.1.2

Évaluation de la vulnérabilité des prises d’eau du lac Saint-Laurent

Le Comité GAGL a retenu les services de chercheurs de Polytechnique de Montréal pour examiner spécifiquement la vulnérabilité des installations municipales de traitement des eaux dans les périodes de faible niveau d’eau du lac Saint-Laurent, pendant des opérations hivernales et quand la glace recouvre la surface, notamment en regard des spécifications de conception du système (Polytechnique de Montréal, 2020). L’analyse a révélé que, ces dernières années, aucune des prises d’eau municipales et industrielles du lac Saint-Laurent ni aucun puit riverain n’a été vulnérable et que les seuils critiques de faible niveau d’eau à chacune des installations ont été d’un mètre plus bas que les niveaux minimums observés sur le lac Saint-Laurent, voire davantage. Il a été jugé que la prise d’eau potable de Cornwall devrait, entre toutes, faire l’objet d’un suivi en raison de sa conception particulière.

4.1.3

Autres activités et prochaines étapes

L’information provenant des deux principales études de collecte de données municipales et industrielles sur l’utilisation de l’eau de la phase 1, ainsi que les commentaires reçus directement des exploitants municipaux dans le cadre d’un effort de consultation-sensibilisation des municipalités, a été résumée à l’appui de la création de l’Outil d’aide à la décision (OAD). Bien que l’information recueillie à ce jour permette de comprendre généralement la vulnérabilité des installations municipales et industrielles aux niveaux d’eau, force est de reconnaître que chaque installation est unique et que le Comité GAGL n’a pas appréhendé la situation ou la conception de sites particuliers en dehors de l’examen concernant le lac Saint-Laurent.

Pour la phase 1 de l’examen accéléré, le Comité GAGL s’est surtout intéressé aux déviations d’envergure, et il s’est efforcé de recueillir des données en conséquence. Compte tenu des récentes conditions d’étiage du printemps 2021, surtout dans certaines parties du cours inférieur du Saint-Laurent, il pourrait être nécessaire de recueillir d’autres données lors de la phase 2 de l’examen accéléré pour appuyer les déviations sous les seuils de déclenchement de bas niveau et/ou lorsque la limite M s’applique.

Aperçu :

D’autres données sont nécessaires à propos des répercussions d’un faible niveau d’eau sur le lac Saint-Laurent et le cours inférieur du Saint-Laurent.

4.2

Navigation commerciale : impacts financiers et logistiques

La navigation commerciale est une industrie de taille dans la région des Grands Lacs, avec 3 000 navires transportant en moyenne 38 millions de tonnes de marchandises par année dans la Voie maritime (Martin Associates, 2020). Le tronçon de Montréal au lac Ontario — soit la partie de la Voie maritime considérée dans cette étude — est habituellement ouvert du début du printemps à la fin de décembre. La Voie maritime est fermée à la navigation pendant les mois d’hiver en raison de l’état des glaces et pour en permettre l’entretien. Le Saint-Laurent est normalement maintenu à des niveaux assurant des profondeurs suffisantes pour permettre le passage des gros navires marchands et moyennant des courants assez lents qui autorisent des manœuvres en toute sécurité. La limite L du Plan 2014 vise à maintenir le débit sortant du lac Ontario de sorte que la navigation se fasse sans danger.

Cette limite L est dépassée quand le Conseil applique des déviations dans des périodes où le lac Ontario se situe à des niveaux extrêmes. En 2017 et 2019, une stratégie a été utilisée pour autoriser des débits sortants jusqu’à 5 % supérieurs à la limite L tout en permettant la poursuite de la navigation commerciale. Cette stratégie a permis de relâcher un volume d’eau équivalent (ou supérieur) à ce qui aurait été possible selon la stratégie de débits intermittents de 1993 (mentionnée à la section 3.3.2), avec moins d’impacts directs sur la navigation commerciale.

Lors d’épisodes de crue comme ceux de 2017 et de 2019, le débit sortant très élevé qui est maintenu pour abaisser le niveau du lac Ontario risque d’occasionner des courants dans le Saint-Laurent qui sont suffisamment forts pour rendre la navigation dangereuse et pour augmenter le risque d’accidents. Les débits sortants supérieurs à la limite L en 2017 et 2019 ont produit des courants suffisamment rapides pour contraindre les grands navires commerciaux à limiter leur vitesse de déplacement, à respecter des règles de croisement et de dépassement dans les sections étroites du Saint-Laurent et à s’en remettre à des remorqueurs pour franchir les zones à forts courants (GAGL, 2018). Des représentants de l’industrie du transport maritime ont indiqué que les mesures d’atténuation mises en place par les corporations de la Voie maritime pour gérer les courants forts pendant ces périodes peuvent faire augmenter leurs coûts d’exploitation et la facture des clients, surtout en cas de retard des navires.

Pour appuyer les décisions futures du Conseil en matière de déviation dans des conditions de niveaux d’eau élevés, le Comité GAGL a cherché à recueillir plus d’informations sur les répercussions opérationnelles associées aux débits sortants supérieurs à la limite L en se fondant sur les expériences de 2017 et de 2019. De plus, le Comité a entrepris une évaluation indépendante des impacts économiques possibles, sur le secteur de la navigation et sur l’économie en général, des retards imposés aux navires au début, au milieu et à la fin de la saison de navigation.

4.2.1

Évaluation des pertes de l’industrie dues aux fermetures de la Voie maritime

L’Institute for Water Resources (IWR) du US Army Corps of Engineers a été diligenté pour estimer le coût que les fermetures temporaires de la Voie maritime représentent pour la navigation commerciale. Trois scénarios ont été envisagés, soit : un retard dans l’ouverture de la Voie maritime à la fin de l’hiver ou au début du printemps; une interruption de la navigation en milieu de saison, et une fermeture hâtive de la Voie maritime à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Pour chacun de ces trois scénarios, les chercheurs du projet IWR ont essayé de à déterminer les impacts des fermetures de 7, 14, 21 et 30 jours.

Pour faciliter ce travail, le Comité GAGL avait demandé à la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et à la corporation de développement de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs (Great Lakes St. Lawrence Seaway Development Corporation ) de lui fournir les détails sur les mouvements quotidiens des navires, ce que ces deux organismes n’ont pas fait, car il s’agit de données exclusives. Ils ont plutôt transmis leur propre évaluation des impacts économiques (réalisée par John C. Martin Associates LLC [Martin Associates], en 2020), découlant des interruptions du transport maritime, sur la base de données exclusives au secteur relatives aux mouvements quotidiens des navires et selon une méthodologie exclusive.

Comme le Comité GAGL et les chercheurs de l’IWR n’avaient pas accès aux données sur les mouvements quotidiens des navires, l’IWR a examiné les rapports annuels du trafic de la Voie maritime qui ventilent le tonnage mensuel de marchandises pour le tronçon Montréal-lac Ontario. Ce sont les données les plus complètes qui soient accessibles au public.

Les chercheurs ont examiné les données des trois dernières années des rapports annuels sur le trafic (2016-2018) afin d’estimer le tonnage quotidien moyen pour chaque mois de la saison de navigation. Les chercheurs de l’IWR ont utilisé les mêmes données pour obtenir une ventilation approximative du type de marchandises expédiées dans chaque partie de la saison de navigation et suivant le sens des déplacements (vers l’amont ou vers l’aval). (Le coût du retard variait selon la cargaison et la destination; certaines marchandises pouvaient être retenues sans grandes pertes, tandis que d’autres ne pouvaient pas être retardées.) Il est à noter que cette analyse n’a pas été appliquée au port de Montréal, ni en aval de cette ville. Cela reste une lacune à combler.

Le modèle de système économique régional (RECONS) établi par l’USACE (USACE, 2019) et d’autres outils d’analyse ont permis aux chercheurs d’estimer l’impact financier des retards subis dans le transport de ces cargaisons, selon chaque scénario de fermeture. Ils ont également estimé le nombre d’emplois directement et indirectement touchés.

Une longue fermeture en milieu de saison ou une fermeture hâtive en fin de saison seraient les deux scénarios présentant les conséquences les plus lourdes  en raison du volume de trafic et de la nature du fret transporté (tableau 7) (USACE, 2020). Bien que toute fermeture ait été jugée importante, une ouverture repoussée au-delà de la date idéale a été jugée la moins conséquente, selon tous les scénarios évalués, et cela avant une fermeture relativement brève en milieu de saison.

Tableau 7

1Ouverture retardée de 7 jours
2Ouverture retardée de 14 jours
3Arrêt de 7 jours en milieu de saison
4Fermeture anticipée de 7 jours
5Ouverture retardée de 21 jours
6Arrêt de 14 jours en milieu de saison
7Fermeture anticipée de 14 jours
8Fermeture anticipée de 21 jours
9Ouverture retardée d’un mois
10Arrêt de 21 jours en milieu de saison
11Fermeture anticipée d’un mois
12Arrêt d’un mois en milieu de saison

Classement des scénarios de fermeture temporaire de la Voie maritime, du moins coûteux au plus coûteux

(Source : USACE IWR, 2020)

L’analyse a permis de vérifier que toute suspension de service entraînerait des coûts considérables. Même l’arrêt ayant le moins d’impact — soit une fermeture d’une semaine au début de la saison — coûterait 13 millions de dollars américains à l’industrie et toucherait 81 emplois (tableau 8). Dans chaque scénario de fermeture — à l’ouverture de la saison, à mi-saison et en fin de saison —, le coût augmente de façon exponentielle à mesure qu’augmente la période de suspension à partir d’une semaine. Une suspension de 30 jours en début de saison coûterait 370 millions de dollars américains, selon les estimations de l’IWR.

Tableau 8

RetardFret touché*Perte économique directe**Perte économique totale**
Ouverture retardée
7 jours80 393513
14 jours379 2602262
21 jours1 074 09563173
1 mois2 313 971135370
Fermeture en mi-saison
7 jours445 3172569
14 jours1 335 85176208
21 jours2 671 902151416
1 mois3 817 003216594
Fermeture anticipée
7 jours596 9833392
14 jours1 591 95489245
21 jours2 387 931134368
1 mois3 411 330191526

Impacts liés aux scénarios de navigation commerciale

(Source : USACE IWR, 2020)

La CMI a soumis le rapport de l’IWR à un examen par les pairs qui a permis de constater que les travaux en question donnent une analyse et un aperçu solides des impacts économiques de la fermeture de la Voie maritime, compte tenu des données disponibles. Il a été difficile de comparer le rapport IWR et l’étude distincte de Martin Associates commandée par les corporations de la Voie maritime en raison de la nature exclusive de cette dernière. De même, les corporations de la Voie maritime ont remis en question un certain nombre d’éléments du rapport IWR. Il demeure que les résultats dans les deux cas sont suffisamment semblables pour permettre de penser raisonnablement que les deux méthodologies sont cohérentes. L’examen par les pairs a encouragé une plus grande collaboration avec les représentants de l’industrie pour permettre une contre-vérification des principales hypothèses et interprétations apparaissant dans l’analyse de l’IWR.

Aperçu :

Une partie des données manquantes concernant les répercussions sur la navigation commerciale a été comblée.

4.2.2

Points de vue de l’industrie sur les fermetures de la Voie maritime

Les observations présentées lors d’un atelier sur la navigation commerciale organisé par le Comité GAGL en novembre 2019 reflétaient en grande partie les conclusions de l’étude de l’IWR. Près de 30 représentants de l’industrie de la navigation commerciale ont fait part de leurs réflexions lors de la séance qui a eu lieu à Montréal.

Selon ces derniers, toute interruption de service est financièrement très coûteuse et elle s’accompagne du risque que des clients frustrés passent temporairement ou définitivement à un autre moyen de transport. Ils se sont dit d’accord avec ce que l’IWR a également constaté par la suite, à savoir qu’une ouverture retardée ou une seule fermeture à la mi-saison, planifiée bien à l’avance, bien que toujours inquiétante, aurait relativement moins d’impacts financiers qu’une fermeture anticipée. Selon eux, le volume de trafic en fin de saison est très élevé, car les clients font des stocks de marchandises avant la fermeture de la Voie maritime pour l’hiver, ce qui rend une telle possibilité particulièrement inacceptable aux yeux de l’industrie.

Les représentants ont également dit que les coûts financiers élevés et les perturbations majeures sont associés à des fermetures intermittentes en milieu de saison, une approche utilisée en 1993 et envisagée, mais non entreprise, en 2019. Un tel scénario n’a pas été pris en compte dans l’analyse IWR, car il n’était plus considéré comme une option viable.

Les représentants de l’industrie de la navigation ont fait remarquer que les fermetures de la Voie maritime ne nuisent pas seulement aux entreprises de transport maritime, mais perturbent aussi des chaînes d’approvisionnement entières et ont des effets d’entraînement sur des secteurs d’activités entiers. Les fermetures minent l’image de la Voie maritime en tant qu’axe de transport fiable et sécuritaire, ce qui encourage les clients à envisager de déplacer leur fret par d’autres modes de transport, avec de possibles incidences sur leur avantage concurrentiel. Quand un client est perdu dans ces conditions, il est très difficile de le récupérer.

Les représentants de l’industrie ont également fait part de leurs préoccupations au sujet de la sécurité de la navigation pendant les périodes où le débit dans le Saint-Laurent est extrêmement élevé. Comme nous l’avons vu, la limite L du Plan 2014 limite le débit sortant afin que les cargos puissent naviguer en toute sécurité sur le fleuve. La limite varie selon le niveau d’eau du lac Ontario. Lors des crues extrêmes de 2017 et de 2019, le Conseil a ordonné des déviations prolongées qui ont établi le débit sortant à 10 400 m3/s (367 000 pi3/s), soit à au moins 200 m3/s (7 100 pi3/s) au-dessus de la limite L applicable jusqu’à ce que le lac Ontario tombe en dessous de 75,50 m (247,7 pi). Les navires ont continué de naviguer sur le Saint-Laurent, mais avec des restrictions.

Lors de l’atelier, les représentants de l’industrie du transport maritime ont déclaré que les débits supérieurs de 200 m3/s à la limite L rendent la navigation dangereuse et que le Conseil ne devrait jamais permettre des débits supérieurs à cette limite. Lorsqu’on leur a demandé pourquoi, certains représentants de l’industrie ont reconnu qu’il serait possible de naviguer avec des débits dépassant de plus 200 m3/s (7 100 pi3/s) la limite L. Tous ont cependant indiqué que le risque d’accident catastrophique, comme l’échouement ou le naufrage d’un navire ou un déversement de pétrole, dépassait de loin les avantages procurés par de tels débits.

Les représentants du Comité GAGL ont demandé pourquoi certaines mesures d’atténuation connues utilisées en 2017 n’ont pas été utilisées en 2019 et si d’autres mesures pourraient permettre des débits plus élevés. Ils ont également demandé à l’industrie si certains types de navires pouvaient naviguer dans des courants plus rapides. Les représentants de l’industrie n’ont pas vraiment répondu.

Bien que les corporations de la Voie maritime n’aient fourni aucune estimation officielle du coût des mesures d’atténuation, lors de l’atelier de 2019, le représentant d’une entreprise de transport maritime a déclaré que les restrictions de vitesse pendant la saison de 2019 prolongeaient de deux à trois heures le temps de déplacement dans le cours supérieur du fleuve. En 2019, l’allongement des temps de déplacement et la limitation de la capacité d’emport ont coûté à son entreprise 5 millions de dollars de plus en carburant et en rémunérations additionnelles des équipages. Un représentant d’une autre entreprise a indiqué que, pour son entreprise, le coût se situait entre 1,5 et 2,5 millions de dollars. Plus récemment, les corporations de la Voie maritime ont fourni au Comité GAGL une estimation selon laquelle leurs propres coûts directs d’atténuation s’élevaient à environ 3 millions de dollars.

Aperçu :

D’autres données sont nécessaires sur la valeur et les pertes attribuables aux mesures d’atténuation appliquées à la navigation commerciale.

4.2.3

Autres activités et prochaines étapes

En plus des travaux entrepris directement par le Comité GAGL, les corporations de la Voie maritime ont continué de contribuer à d’autres activités visant à assurer les conditions d’exploitation les plus sécuritaires possible pendant les périodes où le courant est fort dans le Saint-Laurent. Par exemple, une nouvelle modélisation hydraulique commandée par les corporations de la Voie maritime avec l’appui du Service hydrographique du Canada et d’ECCC fournit des renseignements quasiment en temps réel sur les courants problématiques, cela pour aider à assurer la sécurité de la navigation.

Le Comité GAGL est convaincu qu’à l’avenir, les nouvelles données et les nouveaux renseignements obtenus grâce à la collaboration continue avec les représentants de l’industrie de la navigation commerciale appuieront les futures décisions du Conseil en matière de déviation par rapport à la limite L. L’information a été intégrée à l’OAD élaboré par le Comité GAGL afin de permettre éventuellement de déterminer les impacts potentiels des retards ou des suspensions de la navigation en fonction d’autres scénarios. De plus, le Comité GAGL continue de collaborer avec les corporations de la Voie maritime et de chercher des occasions d’améliorer davantage les données et l’information traitées par l’OAD à l’avenir.

4.3

Production d’hydroélectricité : Opérations hivernales

L’exploitation des centrales hydroélectriques le long du Saint-Laurent qui dépendent du débit sortant du lac Ontario peut être affectée par des niveaux d’eau extrêmement élevés ou extrêmement bas. La centrale hydroélectrique Moses-Saunders et le barrage de Long Sault, en aval du lac Saint-Laurent (voir la figure 10 à la section 2.7.3), contrôlent le débit sortant du lac Ontario. L’installation de Moses-Saunders peut être affectée par des débits extrêmement élevés, ce qui abaisse la tête ou hauteur de retenue (soit la différence de hauteur entre le côté amont et le côté aval du barrage) et nuit aux opérations. Les turbines des centrales ont besoin d’une charge nette minimale pour fonctionner, ce qui peut limiter le débit sortant. Si un embâcle ou un resserrement se forme en amont, cela peut réduire le niveau en amont et la hauteur de retenue. Le Conseil peut en tenir compte dans sa stratégie de déviation, et le Comité GAGL a concentré ses efforts de la phase 1 sur la collecte de renseignements supplémentaires afin d’informer les opérations pendant les périodes où la limite I s’applique.

Les effets des débits extrêmes sur les deux installations en aval, soit Beauharnois et Coteau-Les Cèdres, sont moins connus (voir la figure 10 à la section 2.7.3). Hydro-Québec, qui exploite les centrales, a constaté par le passé que le couvert de glace affecte la capacité des chenaux alimentant ces deux centrales et les propriétés de l’écoulement dans le chenal de Coteau. Une analyse du Plan 2014 par le Comité GAGL a recommandé d’étudier davantage les effets des débits élevés sur l’exploitation de ces deux centrales (Comité GAGL, 2021a). Les deux installations d’Hydro-Québec sont au fil de l’eau, ce qui signifie qu’elles n’ont pas la capacité de retenir l’eau dans le lac Saint-François, en amont du barrage, et qu’elles doivent laisser passer toute l’eau qui provient de Moses-Saunders et de Long Sault plus les apports des rivières locales qui se déversent dans le lac Saint-François.

Beauharnois dam

4.3.1

Possibilités de dévier plus radicalement de la limite I

Une fois l’hiver installé, un couvert de glace se forme habituellement dans diverses sections du Saint-Laurent, y compris dans le chenal de Coteau, le canal de Beauharnois et le lac Saint-François en aval du barrage Moses-Saunders, et sur le lac Saint-Laurent en amont (figure 31). Le débit sortant est réduit au moment de l’englacement afin de faciliter la formation d’une couverture lisse et stable; il est haussé une fois que le couvert de glace est solide. Un temps froid persistant permet à une couverture de glace stable de se former rapidement et de persister jusqu’à ce que la débâcle printanière autorise l’application d’un débit hivernal plus élevé et constant. Les températures fluctuantes qui prolongent le temps nécessaire à la formation d’un couvert de glace solide, ou un phénomène de dégel qui perturbe la formation de ce couvert peuvent entraîner une réduction des débits sortants tout au long de l’hiver.

Figure 31

Couvert de glaces du Saint-Laurent, janvier 2018

Les compagnies hydroélectriques et le personnel du Conseil surveillent l’état des glaces par des observations sur le terrain et la télédétection. Leur objectif est de gérer la couverture de glace afin de prévenir les embâcles et les débordements qui en découlent et de maximiser le débit sortant en hiver pendant les périodes où les apports d’eau sont élevés.

La limite J, qui limite les variations de débit d’une semaine à l’autre, aide à stabiliser les glaces dans la rivière. La limite I régit le débit sortant en hiver pour favoriser la formation d’une couverture de glace stable sur la rivière. Pendant les périodes où le niveau du lac est suffisamment élevé pour atteindre ou dépasser les « niveaux déclencheurs » de l’hiver 2014, le Conseil peut envisager de dévier de la limite I pour maximiser le débit sortant.

Les membres du Conseil sont toutefois conscients de la nécessité de prévenir les embâcles. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université Clarkson, commandée par le Comité GAGL, a permis d’étudier le volume d’eau pouvant passer par le barrage à tout moment de l’hiver sans perturber la couverture de glace sur le lac Saint-Laurent (Hung et Huang, 2020). Les recherches de l’Université Clarkson fournissent au Conseil des renseignements supplémentaires sur les déviations par rapport aux limites I et J pendant les mois d’hiver.

L’étude de l’Université Clarkson a également examiné l’effet de la vitesse du vent sur la formation de glace et a recommandé aux organismes de régularisation de tenir compte de l’impact du vent. De plus, les chercheurs ont fourni un moyen d’estimer les niveaux d’eau dans une partie du lac Saint-Laurent afin d’aider les organismes de régularisation à maintenir les niveaux au-dessus du point où les prises d’eau seraient touchées.

4.3.2

Autres activités et prochaines étapes

Les résultats de la recherche de l’Université Clarkson sont actuellement examinés par les représentants des entités responsables de la régularisation qui contribuent au travail du Conseil et les exploitants des centrales hydroélectriques. Les travaux contribueront à la mise à l’essai et à l’évaluation des changements possibles à la limite I au cours de la phase 2 de l’examen accéléré. De plus, le Comité GAGL continue de travailler par l’entremise du Groupe consultatif des opérations du Conseil pour comprendre les enjeux opérationnels critiques liés aux conditions de débit sortant élevé et pour s’assurer qu’ils sont pris en compte dans l’OAD.

4.4

Propriétés riveraines du lac ou du fleuve

Les déviations appliquées par le Conseil en période de crue extrême visent à soulager les particuliers, les entreprises, les installations publiques et les terres le long des rives du lac Ontario et du Saint-Laurent. Les limites du Plan 2014, et en particulier la limite F, qui restreignent le débit sortant de diverses façons, ont également un impact direct sur les rives en amont ou en aval. Il était donc impératif que le Comité GAGL recueille des renseignements supplémentaires détaillés à propos de l’impact des crues sur les intérêts riverains afin que les membres du Conseil comprennent mieux l’effet de leurs décisions de déviation. Ce faisant, le Comité GAGL a également dû tenir compte du fait que les impacts peuvent différer d’un endroit à l’autre avec des niveaux d’eau statiques identiques en raison des conditions locales de vent et de vagues qui font monter les niveaux en certains lieux, mais pas partout.

Le travail de la phase 1 a permis d’obtenir des données relatives aux impacts riverains de nombreuses façons, y compris grâce à des questionnaires adressés aux propriétaires, à la consultation-sensibilisation du personnel municipal et à des modèles prévisionnels améliorés. L’objectif était de corréler l’emplacement et les types d’impacts des inondations et de l’érosion avec les niveaux d’eau pour éclairer les décisions de déviation. Ces données seront également utiles lors de la phase 2 de l’examen accéléré, où elles serviront à réévaluer les hypothèses sur les dommages causés par les inondations qui ont été utilisées dans la création du Plan 2014.

4.4.1

Déclarations détaillées des impacts par les résidents

Les plus de 3 000 réponses aux questionnaires en ligne sur la nature, l’emplacement et le moment des impacts des crues extrêmes de 2017 et de 2019 ont servi de sources de données. La plupart des répondants en 2017 étaient des New-Yorkais (https://www.ijc.org/fr/gagl/questionnaires), tandis que ce sont les résidents de l’Ontario qui ont rempli le plus grand nombre de questionnaires en 2019. Quelques dizaines de propriétaires du Québec seulement ont répondu à l’un ou l’autre de ces questionnaires.

Ces questionnaires, faisant appel à une participation volontaire, ont été administrés par le Comité GAGL; ils étaient accessibles à tous sur le site Web du Comité GAGL. Il ne s’agissait pas d’une tentative d’échantillonnage des impacts sur les berges d’une manière statistiquement représentative, néanmoins, les questionnaires ont fourni beaucoup de renseignements utiles au Comité GAGL sur la nature des impacts subis. Les répondants ont été invités à préciser le nom de leur municipalité et à indiquer l’emplacement où s’étaient fait sentir les impacts de la crue, ce qui a permis au Comité de mieux définir les éventuels points sensibles. (Ces renseignements, comme d’autres réponses à des questions individuelles, demeureront confidentiels et ne seront pas divulgués.)

Environ 90 % des répondants ont dit avoir été inondés en 2017 et 70 % en 2019. Au cours des deux années, ce sont les pelouses et les quais qui ont été les plus touchés. Les structures de protection des berges ont également été endommagées, surtout en 2017, selon les réponses au questionnaire.

Le Comité GAGL a associé les données d’emplacement aux signalements d’impacts de crues sur les propriétés faits par les répondants. Les répondants ont souvent fourni des dates de début de certains impacts, et le Comité GAGL a été en mesure d’établir une corrélation entre ces dates et le niveau d’eau à ces momentslà (figure 32). Cette collection de données a contribué à créer les zones d’impacts de l’OAD.

Figure 32

Impacts en 2019, par semaine

(Source : Comité GAGL)

  • New York (477 inondations signalées par les répondants.)
  • Ontario (690 inondations signalées par les répondants.)
  • Niveau d’eau

Les résultats rendus publics à partir des questionnaires de 2017 et de 2019, regroupés par État/province et par comté (https://www.ijc.org/fr/gagl/questionnaires), peuvent servir à améliorer l’exactitude des modèles d’impacts riverains du Comité GAGL. Les vérifications mises à jour des modèles d’impacts seront présentées dans le rapport de la phase 2 de l’examen accéléré.

Aperçu :

Les données sur les impacts sont à la base de l’OAD; la contribution publique est inestimable.

4.4.2

Données relatives aux impacts sur les municipalités

S’agissant d’intervenir en période de crue, les municipalités sont aux premières lignes, puisqu’elles soutiennent leurs résidents et protègent les infrastructures riveraines publiques. Dans le cadre du travail de la phase 1 visant à recueillir des renseignements supplémentaires à propos des impacts sur les rives, le Comité GAGL a consulté le personnel des municipalités, des offices de protection de la nature et d’autres entités gouvernementales locales au Québec, en Ontario et dans l’État de New York. C’est ainsi qu’ont été retenus les services de Copticom Stratégies et Relations Publiques, au Québec, de Kennedy Consulting, en Ontario, et de l’USACE à Buffalo (New York) pour appuyer le Comité GAGL.

Certains thèmes communs ont été dégagés entre ces deux provinces et cet État. Quelque 70 % des répondants ont dit que leurs municipalités avaient subi des impacts physiques à cause des crues. Les routes, les parcs, les sentiers et les structures de protection des berges ont été les installations les plus touchées. L’érosion des terres publiques a été signalée par de nombreuses entités municipales. Beaucoup ont dit que les résidents avaient été gravement affectés par les crues et que les employés municipaux avaient été débordés. Les fonctionnaires du Québec et de l’Ontario ont fait remarquer que les résidents et les employés s’étaient sentis émotionnellement très ébranlés au plus fort des crues en raison de l’épuisement, du stress et des craintes à l’égard de l’avenir.

Inondation à Toronto (Ontario) au Canada


Pour ce qui est de déterminer le niveau d’eau et la date où les impacts ont été ressentis par certaines installations municipales, les indications variaient selon l’emplacement et la municipalité, ce qui n’est pas surprenant étant donné que l’on parle de milliers de kilomètres de rives. En Ontario, certaines administrations locales ont indiqué à quelles dates et en quels emplacements des impacts riverains importants ont commencé à être ressentis, ce qui a constitué des données précieuses pour l’OAD. Ces données n’ont pas été incluses dans les rapports du Québec ou de l’État de New York, ce qui traduit la difficulté d’obtenir des renseignements propres à un site sur une si grande région géographique.

Aperçu :

Il faudra peut-être plus de détails sur les impacts et les niveaux d’eau critiques dans le cas des infrastructures municipales.

4.4.3

Simulation d’inondations de bâtiments et de terres agricoles

L’inondation de bâtiments est l’un des principaux indicateurs d’impacts pouvant être appliqué dans tout le réseau du lac et du fleuve. Les membres et les associés du Comité GAGL se sont appuyés sur des études techniques et sur la modélisation des crues pour estimer le nombre de bâtiments inondés dans différentes conditions.

Ces travaux ont permis de préciser la gamme des bâtiments riverains susceptibles d’être touchés pour différents niveaux d’eau et régimes de vagues. Ils ont contribué à déterminer un vaste ensemble d’impacts dans la région, en amont et en aval, ainsi que les seuils de niveau d’eau critiques. Ces données ont joué un rôle de premier plan dans la création de l’OAD et elles aideront le Conseil à comprendre les impacts probables dans différentes parties du système quand il envisagera d’appliquer des déviations.

Afin de créer un portrait dynamique des bâtiments exposés aux inondations, le Comité GAGL s’est servi d’un logiciel de SIG pour associer des cartes numériques d’élévation du sol avec des ressources numériques décrivant l’empreinte des bâtiments riverains ou situés non loin des berges. Pour les propriétés situées sur les rives mêmes du lac Ontario et du cours supérieur du fleuve Saint-Laurent, les chercheurs ont défini une condition de référence en sélectionnant toutes les maisons, tous les garages, hangars à bateau, abris et autres bâtiments connexes se trouvant sur les berges, de même que les propriétés plus en recul, mais à de faibles hauteurs par rapport à la ligne des eaux. Pour les propriétés du cours inférieur du Saint-Laurent, le Comité GAGL a commencé par les constructions riveraines suivant la même méthodologie. Les chercheurs ont ensuite utilisé un modèle de simulation des inondations et déterminé quels bâtiments en retrait de la berge seraient inondés. Le Comité GAGL a établi son propre ensemble de données sur l’emplacement et les élévations des constructions de référence à utiliser dans la modélisation. Jusqu’ici, il s’est appuyé sur des données accessibles au public et a procédé à un certain nettoyage des données (correction des erreurs et des incohérences). Les travaux se poursuivent dans ce domaine et des améliorations devraient être apportées lors de la phase 2.

Le concept initial appliqué à la modélisation des crues supposait des niveaux d’eau statiques, ce qui signifie que les vagues et les ondes de tempête n’ont pas été prises en compte. Pour favoriser la validation de cette première étape, le Comité GAGL a également examiné les photos aériennes obliques réalisées lors de la crue de 2017 sur les bords du lac Ontario et lors des crues de 2017 et de 2019 le long du cours inférieur du Saint-Laurent (voir la figure 20 à la section 3.1.2). Il est en train d’élaborer des cartes interactives qui seront mises à la disposition du Conseil à partir de ces prises de vue.

Les rives du lac Ontario ont été l’objet de deux autres projets de modélisation visant à tenir compte des effets des vagues et des ondes de tempête sur le niveau d’eau statique initial, ce qui peut augmenter considérablement le nombre de propriétés riveraines touchées et l’étendue des dommages. Tout d’abord, les chercheurs du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) ont utilisé une trousse de modélisation à haute résolution pour simuler les impacts des inondations et des vagues sur des tronçons de rivage de 1 à 2 km (0,6 à 1,2 mi) de long, dans trois collectivités : la municipalité de Brighton; le Port Darlington dans la municipalité de Clarington, et Stoney Creek dans la ville de Hamilton (Cornett, Ghodoosipour et Provan, 2021).

Figure 33

Illustration des inondations en fonction de différents niveaux d’eau

(Source : Cornett, Ghodoosipour et Provan, 2021)

Le CNRC a été en mesure d’estimer quelles terres, quelles constructions et quelles routes peuvent être inondées dans divers scénarios de niveaux d’eau et de vagues aux trois sites (figure 33). La modélisation du CNRC a illustré les impacts croissants sur les terres à mesure de l’augmentation du niveau d’eau et dans diverses conditions de tempête (Cornett, Ghodoosipour et Provan, 2021). Cependant, même le modèle détaillé utilisé par les chercheurs du CNRC n’a pas permis de résoudre l’impact des petites variations de niveau attribuables à la combinaison des niveaux d’eau statiques et des ondes de tempête. Les résultats ont tout de même été utiles pour fournir des données qui ont aidé à délimiter les zones d’impacts à l’aide de l’OAD et pour illustrer les défis auxquels le Conseil fait face quand il examine les avantages et les impacts possibles associés aux décisions de déviation qui peuvent seulement influencer les niveaux du lac de quelques centimètres (ou pouces).

La deuxième approche de modélisation du lac Ontario, utilisée pour appuyer les efforts du Comité GAGL lors de la phase 1, est celle qu’a suivi le personnel d’ingénierie côtière de l’USACE à Detroit. Celui-ci s’est penché sur l’effet des vagues et des ondes de tempête le long du lac, sur des sections de berges plus longues. À l’instar des chercheurs du CNRC, l’équipe de l’USACE a modélisé la distance sur laquelle l’eau remonte le long de la berge lors des tempêtes. Elle a utilisé un autre modèle riverain présentant des transects perpendiculaires à la rive qui incorporait des bâtiments près du bord (figure 34 et figure 35). L’équipe de l’USACE a ensuite appliqué 150 scénarios de tempêtes violentes pour simuler le déferlement des vagues sur chaque transect. Le résultat indique une représentation statistique du nombre potentiel de bâtiments qui seraient inondés dans chacun des scénarios à partir d’une interprétation des conditions historiques des tempêtes, bien que l’équipe de l’USACE ait dû formuler des hypothèses sur le type de structures de protection du littoral en place, ce qui a introduit un élément d’incertitude supplémentaire.

Dans le cas du cours inférieur du Saint-Laurent, le Comité GAGL a continué d’appliquer un modèle d’écoulement (niveau et débit d’eau) élaboré par ECCC pour le tronçon du Saint-Laurent compris entre le lac Saint-Louis et le lac Saint-Pierre. Comme dans ses les travaux sur les rives du lac Ontario, le Comité GAGL a utilisé des photographies aériennes et d’autres documents récents pour vérifier l’emplacement des bâtiments résidentiels et commerciaux, des routes et des terres agricoles en 2017 et 2019. Cette même information a ensuite été utilisée pour comparer l’étendue des crues avec les résultats du modèle. Ces données relatives à l’utilisation des sols, qui ont été mises à jour, augmentent la précision de la simulation des impacts dans diverses conditions d’écoulement.

Figure 34

Illustration des transects générés sur les rives du lac Ontario

(Source : US Army Corps of Engineers)

Figure 35

Transects englobant des maisons et d’autres constructions

(Source : US Army Corps of Engineers)

Tout comme dans le cas de la modélisation du lac Ontario, le travail sur le cours inférieur du Saint-Laurent fournit des estimations du nombre de bâtiments inondés dans différentes conditions de niveaux d’eau pour application dans l’OAD. Les vagues et les ondes de tempête sont plus faibles dans le cours inférieur du Saint-Laurent que sur le lac Ontario. Néanmoins, le Comité GAGL a ajouté une composante statistique à l’OAD pour refléter la variabilité à court terme (horaire) des niveaux, variabilité due aux vents et aux apports des affluents qui changent rapidement, etc., cela pour mieux refléter les données sur les inondations pour cette région.

En plus de la caractéristique des inondations de bâtiments, la modélisation du cours inférieur du Saint-Laurent intègre le phénomène d’inondation des terres agricoles. La région qui borde le lac Saint-Pierre compte environ 500 exploitations agricoles. Selon des simulations modélisées des niveaux d’eau du lac Saint-Pierre en 2017, quelque 3 300 hectares (8 150 acres) ont été inondés, ce qui représente près de 11 % de la superficie agricole de la région. En 2019, environ 3 600 hectares (8 900 acres), soit 12 % des terres agricoles, ont été inondés (figure 36).

Figure 36

Simulation d’inondations de terres agricoles entourant le lac Saint-Pierre selon les conditions de 2019

  • Municipalités dans le secteur du limnimètre no 2 du lac Saint-Pierre
  • Terres agricoles inondées (conditions de 2019)
  • Terres agricoles

Les inondations printanières de courte durée ne sont pas rares dans cette région et les producteurs locaux savent qu’il faut environ six semaines après une crue afin que les terres soient suffisamment sèches pour être ensemencées. C’est la durée de l’inondation, et non la profondeur maximale des eaux de crue, qui est déterminante dans cette analyse. En 2019, la crue a persisté pendant sept semaines, ce qui a entraîné un retard considérable dans la mise en culture et une perte de productivité.

Les inondations de terres agricoles ont été incluses dans la catégorisation des zones d’impacts du cours inférieur du Saint-Laurent. Bien que le Conseil doive garder à l’esprit que les inondations de longue durée peuvent perturber la mise en culture et retarder considérablement les récoltes, il ne peut pas faire grand-chose pour raccourcir la durée de ce genre de phénomène par ses décisions de déviation.

Aperçu :

La modélisation fournit à l’OAD des données précieuses relatives aux impacts sur les berges.

4.4.4

Autres activités et prochaines étapes

L’impact des crues sur les intérêts riverains sont un facteur essentiel dans les décisions de déviation envisagées par le Conseil. L’information recueillie et la modélisation réalisée au cours de la phase 1 permettent au Conseil de mieux comprendre l’influence de ses décisions sur ce genre d’impact. Le regroupement des signalements d’impacts de 2017 et de 2019 ainsi que la nouvelle modélisation en vue d’améliorer les estimations de l’impact des inondations dans des conditions de niveaux d’eau variables ont constitué des éléments déterminants du travail du Comité GAGL lors de la phase 1 de l’examen accéléré. Cette information est devenue une dimension très importante de l’OAD qui renseigne le Conseil sur les impacts le long du littoral, lesquels augmentent à mesure que le niveau de l’eau augmente. Ces données seront également utiles lors de la phase 2 de l’examen accéléré, puisqu’elles serviront à réévaluer les hypothèses relatives aux dommages causés par les inondations qui ont été utilisées dans la création du Plan 2014. Le Comité GAGL reconnaît l’importance d’évaluer les impacts sur les berges et il travaillera à améliorer continuellement les ensembles de données dont il dispose dans ce domaine.

4.5

Réponses écosystémiques aux décisions de déviation

Ces dernières années, la CMI a conclu (avec l’aval des gouvernements) qu’il fallait tenir compte des écosystèmes du Saint-Laurent et du lac Ontario dans la régularisation du débit sortant (CMI, 2014). Comme nous l’avons vu, on s’est aperçu que le plan de régularisation précédent — qui visait à éliminer l’amplitude naturelle des niveaux d’eau — avait provoqué une dégradation de la diversité des espèces dans les milieux humides riverains et fait en sorte que les milieux humides étaient désormais dominés par les quenouilles (CMI, 2014).

Le Plan 2014 a été rédigé de manière à permettre des variations plus naturelles des niveaux d’eau du lac Ontario et du Saint-Laurent afin d’inverser une partie des dommages causés aux écosystèmes tout en réduisant au minimum l’aggravation possible des dommages occasionnés aux rives. Bien qu’aucune des limites ou lignes directrices du Plan 2014 n’ait été spécifiquement prévue pour protéger les écosystèmes du lac ou du fleuve, le Conseil doit tenir compte des impacts potentiels de ses décisions de déviation.

Depuis sa création, le Comité GAGL accorde une attention toute particulière à l’évolution de la végétation des milieux humides en réponse aux fluctuations des niveaux d’eau. Les milieux humides sont des caractéristiques précieuses du lac Ontario et du Saint-Laurent; ils fournissent un habitat à de nombreuses espèces animales et végétales, ils jouent un rôle non négligeable dans la dynamique des éléments nutritifs et des sédiments et, dans certains cas, ils peuvent agir sur le phénomène d’inondations des rives, car la végétation sert à dissiper l’énergie des vagues. Toutefois, l’indicateur sur les terres humides élaboré dans des études antérieures de la CMI (Wilcox et al., 2005; GEILOFSL, 2006) convient moins à la comparaison des décisions de déviation à court terme du Conseil dans les périodes où les niveaux d’eau sont extrêmement élevés. Durant la phase 1, le Comité GAGL a plutôt axé ses travaux relatifs à l’écosystème sur la région du lac Saint-Laurent, car les décisions de déviation, particulièrement pendant les mois d’hiver, peuvent avoir une influence plus marquée sur les conditions de niveau d’eau et sur la réponse potentielle de l’écosystème, comme le décrit la section 4.5.1 ci-dessous.

4.5.1

Impacts des opérations hivernales sur le biote du lac Saint-Laurent

Le Comité GAGL a appuyé un effort ciblé de l’Institut du fleuve Saint-Laurent qui visait à examiner les effets subis par la flore aquatique du lac Saint-Laurent lors des baisses extrêmes du niveau d’eau en hiver (figure 37). Le niveau du lac Saint-Laurent diminue naturellement avec l’apparition de la glace. D’autres baisses de niveau peuvent se produire quand le débit sortant du barrage, au pied du lac Saint-Laurent, est très élevé. Or, un débit élevé peut être dû à une déviation par rapport à la courbe d’exploitation ou de la limite I, appliquée par le Conseil, limite qui empêche normalement les débits sortants très élevés en hiver afin de protéger le couvert de glace.

Comme le souligne l’étude du River Institute, le lac Saint-Laurent s’est formé lors de l’aménagement du fleuve, à l’occasion de la construction de la Voie maritime. Des terres agricoles et des villages ont été inondés lors de la construction des barrages. De grandes parties du fond sont plates ou accusent une légère pente et, quand le débit sortant augmente, ces zones peuvent être exposées (River Institute, 2020).

Figure 37

Niveau d’étiage du lac Saint-Laurent à la rampe de mise à l’eau du parc Whalen, janvier 2020

Le River Institute a examiné six scénarios de forte augmentation du débit sortant en hiver. Dans le scénario le plus extrême, le niveau d’eau du lac Saint-Laurent diminue rapidement de 2,33 m (7,6 pi) par rapport à ce qu’il est normalement durant la saison de navigation et il laisse 27 % du lit du lac exposé. Les chercheurs ont ensuite examiné l’impact probable de chaque scénario sur les mammifères, les poissons, l’herpétofaune (grenouilles, crapauds, tortues et salamandres) et les invertébrés benthiques (p. ex., les écrevisses et les palourdes).

Les chercheurs ont découvert que, depuis l’aménagement de la Voie maritime, il est sans doute arrivé souvent que des parties du lit du fleuve soient exposées pendant les périodes d’étiage. Les zones les plus vulnérables ont été les baies de la rive nord près d’Ingleside (Ontario) et le long de la rive sud, à l’ouest de Massena (New York). Cependant, les scénarios les plus extrêmes et les plus rapides envisagés par le River Institute pourraient mener à la création de centaines de petites mares non reliées entre elles, dans lesquelles des créatures aquatiques seraient coincées. La plupart de ces bassins se trouveraient à moins de 20 km (12,4 mi) du barrage.

Le rapport préparé par le River Institute fait remarquer qu’une partie de la vie aquatique peut survivre pendant de courtes périodes, mais pas pendant de longues périodes (River Institute, 2020). Les chercheurs expliquent que les populations d’au moins 47 espèces de poissons et de tortues, de trois espèces de grenouilles, d’une espèce de salamandre et de quatre espèces de mammifères aquatiques pourraient être vulnérables dans les scénarios de débit sortant les plus extrêmes, car leurs habitats hivernaux sont concentrés dans des zones susceptibles d’être exposées. Le nombre et la diversité des invertébrés benthiques pourraient également diminuer.

Afin de protéger pleinement toutes les espèces, le River Institute a recommandé que le niveau du lac Saint-Laurent en hiver soit maintenu au-dessus de sa cote la plus basse observée en automne, puisque c’est à l’automne que de nombreuses espèces choisissent leur habitat d’hiver. Si cela s’avérait impossible, l’Institut estime qu’il faudrait abaisser progressivement le niveau, mais le faire dans le laps de temps le plus court possible. Bien que les travaux du River Institute soient considérés comme préliminaires, les résultats ont été intégrés à l’OAD pour aider à éclairer les décisions relatives aux déviations de débit. Le Comité GAGL examine les options futures pour surveiller la réaction des écosystèmes dans le lac Saint-Laurent pendant les périodes d’exploitation des glaces.

4.5.2

Autres activités et prochaines étapes

Le Comité GAGL suit les recherches effectuées par ailleurs, comme celle de l’Université de l’État de New York sur les effets de l’herbivorie du rat musqué et du renforcement des structures sur la biodiversité végétale dans les milieux humides, le long du cours supérieur du Saint-Laurent, en regard de la régularisation du débit et de l’invasion par des quenouilles non-indigènes (Kua et al., 2020). Le Comité examinera également d’autres travaux sur le moment critique, la durée et l’ampleur des changements de débit et de niveau d’eau aux stades de la reproduction des espèces d’oiseaux, de poissons et de tortues dans le cours inférieur du Saint-Laurent.

Au cours de la phase 2 de l’examen accéléré, le Comité GAGL réévaluera l’ensemble des indicateurs écosystémiques en regard des décisions de déviation du Conseil à court terme et de l’évaluation du plan à long terme. Le Comité continuera de se concentrer sur la surveillance et la modélisation des milieux humides riverains du lac Ontario et du cours supérieur du Saint-Laurent, mais il examinera d’autres paramètres écosystémiques pouvant être facilement suivis et modélisés pour appuyer les décisions de déviation du Conseil, et il comparera les solutions de rechange au plan de régularisation.

Aperçu :

Plus de recherches s’imposent à propos des impacts des déviations sur les écosystèmes.

4.6

Navigation de plaisance : données recueillies auprès des marinas

La navigation de plaisance et le tourisme le long des berges peuvent être touchés négativement par les hautes eaux, et ce de plusieurs façons. Il est donc utile de mieux comprendre comment et quand ce genre d’impacts se produisent. Le Comité GAGL s’est concentré sur deux grandes tâches au cours de la phase 1 de l’examen accéléré : 1) l’intégration des conclusions d’un sondage auprès des clubs nautiques et des marinas, à la suite de la crue de 2017; 2) une analyse générale des impacts signalés sur la navigation de plaisance et le tourisme afin d’orienter l’élaboration d’une série d’indicateurs de performance.

4.6.1

Sondage auprès des marinas et clubs nautiques

LURA Consulting a entrepris une étude des impacts de la crue de 2017 sur la navigation de plaisance sur les bords du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (LURA Consulting, 2019a). Le consultant a obtenu des réponses de 106 clubs nautiques et marinas, dont 71 % étaient situés sur le lac Ontario et le reste sur le fleuve Saint-Laurent.

Quatre-vingt-deux pour cent de ces installations ont déclaré des impacts négatifs à la suite de la crue de 2017, l’érosion de berges, la submersion de rampes de mise à l’eau et l’inondation de quais fixes (figure 38) étant les plus courants. Les exploitants ont été invités à indiquer le niveau d’eau auquel ils estimaient ne plus pouvoir fonctionner. D’après les réponses des marinas et des clubs nautiques du lac Ontario, la moyenne était de 75,62 m (248,1 pi). L’information fournie par LURA Consulting a été reprise pour élaborer l’OAD.

Figure 38

Yacht Club de Brockport (N.Y.), avril 2017

4.6.2

Recensement des données disponibles concernant les impacts potentiels sur le tourisme

Une étude de l’USACE a consisté à analyser des reportages parus dans des médias ainsi que d’autres documents publics sur quelque 370 impacts subis par les marinas, les clubs nautiques, les parcs riverains et les sites touristiques du lac Ontario, du côté ontarien et du côté new yorkais (USACE, 2021b). En examinant ces rapports, l’USACE a pu déterminer les dates et les niveaux d’eau au moment où les effets des crues ont été ressentis pour la première fois en 2017 et en 2019 (figure 39). Les données recueillies montrent clairement que le nombre d’impacts augmente considérablement à des niveaux d’eau précis. Le rapport de New York indique l’emplacement de la plupart des marinas, des clubs nautiques et des sites récréatifs touchés. Ces relevés, associés au niveau d’eau au moment où l’impact a été ressenti, fournissent des données à l’OAD qui aideront le Conseil à prendre des décisions de déviation.

Figure 39

Impacts sur la navigation de plaisance et le tourisme dans l’État de New York selon le niveau d’eau

(Source : USACE, 2021b)

  • % des impacts à fleur d’eau
  • % d’impacts sous la surface

4.6.3

Autres activités et prochaines étapes

Les études réalisées pour le rapport de la phase 1 ont permis de documenter de nombreux impacts des crues de 2017 et de 2019-2020, notamment l’incapacité des propriétaires de bateaux de mettre leurs embarcations à l’eau, la submersion de quais et l’endommagement de marinas qui n’ont pas été en mesure d’offrir tous les services aux plaisanciers. Par ailleurs, de nombreuses plages et de nombreux parcs riverains ont dû fermer ou ont été endommagés par des crues.

Il convient de noter que la question des plaisanciers et des marinas du lac Saint-Laurent — susceptibles de subir une baisse notoire des niveaux d’eau quand le débit sortant du lac Ontario est élevé — sont l’objet d’une préoccupation tout à fait distincte. Il est en effet arrivé que les baisses de niveau rendent les quais inutilisables et compliquent l’accès aux bateaux. Une étude plus poussée s’impose pour quantifier les impacts des faibles niveaux d’eau du lac Saint-Laurent.

Le Comité GAGL a intégré à l’OAD l’information provenant des travaux sur la navigation de plaisance et le tourisme. Ces nouvelles informations renseigneront davantage le Conseil quand celui-ci examinera les options de déviation, mais le Comité GAGL est conscient que d’autres travaux s’imposeront lors de la phase 2 afin de compléter ce qui a été appris jusqu’à maintenant.

Aperçu :

Les données sur la navigation de plaisance et le tourisme viennent combler certaines lacunes, mais d’autres demeurent.

4.7

Peuples autochtones

La construction de la Voie maritime du Saint-Laurent et du barrage Moses-Saunders a causé de graves perturbations à Akwesasne et au mode de vie autochtone. D’ailleurs, les activités de la Voie maritime et du barrage continuent d’impacter les terres et les habitants du territoire mohawk d’Akwesasne ainsi que d’autres nations autochtones. Dans le cadre de l’étude internationale de la CMI sur le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent (EILOFSL, 2006), le Groupe de travail d’Akwesasne sur l’environnement a préparé un rapport mettant en lumière des aspects particuliers de la gestion du débit sortant qui ont une incidence sur sa communauté (Akwesasne Task Force on the Environment, 2004). Il y est question d’impacts accrus sur des espèces de poissons et des mammifères qui nécessitent la stabilisation des niveaux d’eau ou le ralentissement du courant. On y souligne que des secteurs où poussent des plantes médicinales traditionnelle ont été inondés, surtout parce que ces végétaux sont essentiels au maintien de la culture mohawk et des relations qu’entretiennent les Mohawks Akwesasronons avec l’ensemble de l’écosystème7. En dehors de ce rapport datant de 2004, l’Étude internationale sur le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent comporte peu de documents au sujet des impacts sur les Premières Nations, Les nations tribales ou la nation métisse plus en amont sur la rive du lac Ontario ou en aval du barrage Beauharnois sur le Saint-Laurent.

4.7.1

Communication avec les peuples autochtones

À la suite de la crue de 2017, le Comité GAGL a dirigé les efforts visant à recueillir plus d’informations et à mieux comprendre les impacts sur les rives associés aux niveaux de crue du lac Ontario et du Saint-Laurent pour la rédaction du rapport du Comité GAGL sur les conditions de la crue de 2017 (GAGL, 2018). Dans le cadre de ce processus, le Comité GAGL a relevé une lacune fondamentale concernant les impacts sur les Premières Nations, les Nations tribales et la Nation métisse le long des rives du lac Ontario et du Saint-Laurent (en aval jusqu’à Trois-Rivières au Québec). Le Comité GAGL respecte et reconnaît l’expérience et le savoir des Premières Nations, des Nations tribales et de la Nation métisse au sujet des niveaux d’eau fluctuants du lac Ontario et du Saint-Laurent, et il a donc lancé un processus pour établir une relation et apprendre à travailler avec les Nations autochtones.

Voici ce que le Comité GAGL a entendu à l’occasion des huit séances qui se sont déroulées jusqu’à maintenant :

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Les nations autochtones ont exprimé une volonté et un intérêt à collaborer avec la CMI et le Comité GAGL, et à leur faire part des connaissances autochtones, comme en témoignent les taux de réponse élevés, le nombre de séances tenues à ce jour, l’anticipation de séances futures, ainsi que la demande de séances supplémentaires et de suivi et de correspondance continue.

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Les fluctuations des niveaux d’eau, la pollution, la perte d’habitat et le déclin des espèces sont sources de préoccupations pour les terres et l’eau à cause des impacts constatés.

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Il a été question d’impacts connexes sur les activités traditionnelles, y compris l’accès restreint aux rives ainsi que les impacts sur la pêche en raison des niveaux d’eau fluctuants et d’une raréfaction des plantes médicinales à cause d’une perte d’habitat et de la pollution.

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Les problèmes de capacité limitent la participation et la capacité de partager de façon appropriée le savoir traditionnel; néanmoins, on constate un intérêt à exercer les droits traditionnels par le biais d’une présence sur le terrain et du financement des activités.

À la suite d’un appel d’offres concurrentiel, le Comité GAGL (par l’entremise de la CMI) a retenu les services d’une firme-conseil ontarienne, People Plan Community, pour consulter les Premières Nations, les Nations tribales et la Nation métisse susceptibles d’être touchées par les fluctuations des niveaux d’eau du lac Ontario et du Saint-Laurent et pour prendre note des impacts relevés, des expériences vécues et des connaissances acquises. Le Comité GAGL cherche à instaurer un dialogue pour en apprendre davantage sur la question et documenter les aspects essentiels qui pourraient être pris en compte dans l’examen accéléré du Plan 2014 à l’avenir. Le Comité GAGL souhaite surtout discuter de la façon dont les fluctuations des niveaux d’eau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, et en particulier les niveaux extrêmes de 2017 et de 2019, ont touché directement les peuples autochtones, y compris dans leurs pratiques traditionnelles et culturelles sur les berges.

People Plan Community a commencé ses travaux en mai 2021 et les poursuivra jusqu’à la fin de mars 2022, après l’achèvement du rapport de la phase 1. En octobre 2021, des activités initiales de sensibilisation avaient été menées auprès des représentants de toutes les Premières Nations, Les Nations tribales et la Nation métisse qui résident sur les rives du lac Ontario et du Saint-Laurent, ainsi que des Nations autochtones possédant des droits issus de traités et des droits autochtones le long des rives. À l’heure où est rédigé ce rapport, huit réunions ont eu lieu, et jusqu’à cinq autres sont prévues (tel qu’indiqué précédemment à la section 2.8).

Aperçu :

Les peuples autochtones possèdent de précieuses connaissances sur les questions relatives à l’eau et aux niveaux d’eau, et ils sont directement touchés par la gestion des débits sortants.

4.7.2

Autres activités et prochaines étapes

Le Comité GAGL considère ces séances de consultation-sensibilisation des Autochtones comme une première étape d’un effort à long terme d’examen de la gestion du débit sortant du lac Ontario. Le Comité ne voulait donc pas être limité par les délais de la phase 1 de l’examen accéléré. Bien que l’information recueillie dans le cadre du processus puisse appuyer les rapports de la phase 1 et contribuer au prototype initial de l’OAD pour les décisions de déviation, la consultation-sensibilisation des Premières Nations, des Nations tribales et de la Nation métisse vise à éclairer l’examen plus vaste du plan de la phase 2.

Le Comité GAGL continuera d’exercer un suivi auprès des Premières Nations, des Nations tribales et de la Nation métisse afin de coordonner les premières séances d’écoute en fonction de l’intérêt et de la disponibilité de chaque collectivité. Le Comité GAGL fera preuve de souplesse et de disponibilité afin de bâtir la confiance, de créer une relation pour répondre aux besoins de chaque collectivité, notamment pour donner plus de temps à ses vis-à-vis, afin d’appuyer un effort à long terme destiné à faire en sorte que les voix autochtones soient entendues lors de l’examen du plan de régularisation et du processus de gestion adaptative.

Aperçu :

La communication avec les peuples autochtones a permis de créer des liens et de recueillir des informations sur les impacts. Il faudra insister sur ce plan lors de la phase 2.

5

Outil d’aide à la décision du Comité GAGL

5.0

Outil d’aide à la décision du Comité GAGL

La phase 1 de l’examen accéléré du Plan 2014 a essentiellement consisté à appuyer le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent dans sa prise de décisions en matière de déviations, en apportant un complément de connaissances nécessaires. Comme les membres du Conseil l’ont eux-mêmes dit au Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL), ils ont besoin de plus d’informations sur ce que peut donner l’application ou la non-application d’une stratégie de déviation. Auparavant, les représentants des entités responsables de la régularisation étaient en mesure de donner au Conseil un aperçu des changements de niveaux d’eau qu’allait apporter chaque déviation proposée, mais les renseignements sur les impacts connexes étaient en grande partie anecdotiques et fondés sur l’expérience opérationnelle antérieure.

Les membres du Conseil ont dit qu’ils veulent avoir une compréhension factuelle des compromis qui accompagnent les déviations : soit l’aide que la modification du débit peut apporter à un intérêt ou à une région par rapport au tort que ce même débit risque d’occasionner à un autre intérêt ou à une autre région. Les membres du Conseil doivent avoir une idée des incertitudes que soulèvent les impacts de la météorologie à court et à long terme sur les niveaux et les débits d’eau qu’ils modifient par leurs décisions.

L’outil d’aide à la décision (OAD) répond à ces besoins en faisant en sorte que le travail du Conseil soit mieux informé, plus systématique et fondé sur des renseignements objectifs et confirmés.

Avantages de l’outil d’aide à la décision

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En fonction des niveaux d’eau prévus, l’outil affichera les répercussions générales de chaque option envisagée. Par exemple, il permettra au Conseil de déterminer combien de propriétés riveraines du Saint-Laurent et du lac Ontario seraient inondées si une déviation particulière était appliquées et quel tort éventuel cette déviation causerait à la navigation commerciale.

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L’outil offre la possibilité aux membres du Conseil de découvrir en détail les impacts pouvant être ressentis par telle ou telle collectivité riveraine du Québec, de l’Ontario ou de l’État de New York, ainsi que du lac Saint-Laurent. Ils peuvent creuser l’information pour mieux comprendre ce qui pourrait se produire dans une collectivité qu’ils connaissent : Combien de propriétés pourraient être inondées? Combien de routes pourraient être submergées? De quelle façon des modes d’utilisation récréatives pourraient devenir inutilisables? Une caractéristique connue sous le nom de « zones d’impacts » aidera les membres du Conseil à comparer les impacts d’une collectivité à l’autre.

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Pour certaines communautés précises, des données descriptives riches et localement contextualisées sont regroupées sous la forme d’un produit cartographique interactif. Pour le moment, un seul exemple est disponible, mais l’on s’attend à en élaborer d’autres à l’avenir.

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Ces indicateurs permettent de suivre l’évolution des impacts au fil du temps, sous l’effet d’une augmentation ou d’une diminution du niveau des eaux. Cette fonction est activée par une fonction d’OAD qui tient compte de l’incertitude associé aux effets des conditions météorologiques.

L’OAD n’est pas une panacée. Il ne peut éliminer l’incertitude relative aux apports d’eau dans l’avenir. À cause de lacunes dans les connaissances et les capacités, il est impossible pour l’OAD ou pour tout autre outil de fournir l’assurance complète que telle ou telle déviation produira tel ou tel résultat (voir la section 5.5 pour en savoir plus sur le risque et l’incertitude).

Le Conseil n’aura encore qu’une influence marginale sur les niveaux d’eau, mais l’outil représente tout de même un intéressant pas en avant, car il permet au Conseil d’agir en se fondant sur de meilleures connaissances qu’auparavant et selon une nouvelle capacité de comprendre les impacts entre les nombreux modes d’utilisation et intérêts concurrents. L’OAD donne maintenant un aperçu des conséquences des inondations extrêmes; au cours de la phase 2 de l’examen accéléré, le Comité GAGL ajoutera également des données sur les impacts des niveaux d’étiage.


Les outils d’aide à la décision sont de plus en plus utilisés dans divers contextes, y compris en gestion des ressources hydriques. L’OAD du lac Ontario et du Saint-Laurent a été modélisé à partir d’un outil que les scientifiques ont créé pour le Groupe d’étude international des Grands Lacs d’amont de la CMI
(https://ijc.org/fr/iuglsb) et qui a mené à un nouveau plan de régularisation du lac Supérieur en 2014.

Le Comité GAGL a mis l’OAD au point avec l’appui de l’Institute for Water Resources (IWR) du US Army Corps of Engineers (USACE) des États-Unis. Le Comité a beaucoup dépendu de l’aide du Conseil, du GCP et d’autres parties prenantes. Les membres du Conseil ont déjà commencé à prendre des décisions fondées sur l’OAD, à titre expérimental, à l’occasion d’une série d’ateliers dirigés par le Comité GAGL afin d’examiner et d’évaluer l’outil, et de formuler des commentaires sur son élaboration en temps réel. Ces exercices devraient se poursuivre tandis que l’OAD deviendra un outil opérationnel à l’appui des décisions de déviation du Conseil.

Aussi utile qu’il puisse être, l’OAD ne recommande pas de déviation au Conseil et ne prend pas de décisions à cet égard. Ces décisions demeurent la responsabilité exclusive des six membres du Conseil.

5.1

Outil d’aide à la décision appliqué aux prévisions d’apports d’eau

Il est utile de savoir quel sera l’impact d’un changement de débit sortant dans la semaine suivante. Cependant, les membres du Conseil doivent craindre qu’un changement inattendu des apports d’eau dans le lac Ontario à l’avenir ne vienne gommer les avantages d’une déviation ou, pire, ne transforme soudainement un avantage en inconvénient.

Depuis quelques années, le Conseil reçoit des prévisions hebdomadaires d’apports d’eau à terme de six mois qui sont coordonnées à l’échelle binationale. Ces prévisions sont fondées sur les apports constatés dans les années 1900 à 2007, ainsi que sur des prévisions de précipitations à court terme. Les apports d’eau « les plus probables » dans les mois suivants sont modélisés de même que les extrêmes « hauts et bas » possibles.

Ces produits sont par nature imprécis. Il n’y a aucun moyen de vraiment connaître les apports d’eau dans le lac Ontario, c’est-à-dire de prévoir avec précision si le prochain été sera pluvieux ou sec, si les taux d’évaporation ne seront pas exceptionnellement élevés à l’automne, si l’hiver sera neigeux ou si une crue printanière aura lieu des semaines plus tôt ou plus tard que d’habitude. L’un ou l’autre de ces facteurs peut causer des hausses ou des baisses relativement soudaines des apports nets du bassin du lac Ontario et modifier considérablement le débit du fleuve Saint-Laurent.

L’OAD répond au problème des conditions hydrologiques incertaines en donnant au Conseil l’occasion de voir comment une option de déviation se présenterait dans divers scénarios d’apports d’eau. Le Conseil peut continuer de consulter les prévisions qu’il a reçues. Mais il peut aussi choisir des prévisions sur six mois en fonction des apports réels pour n’importe quelle année entre 1900 et 2007, ou des apports moyens pour n’importe quelle séquence de ces années. Si le Conseil veut voir des conditions reflétant les apports de 1976, ou les apports moyens à partir de 2000, il peut y arriver d’un simple clic de souris.

Figure 40

Illustration des intrants (en vert) et des extrants (en bleu et en jaune) de la prévision ainsi que des graphiques de comparaison des prévisions de niveau du lac Ontario

Le Conseil peut également envisager des scénarios « plus extrêmes » dans l’OAD, comme une période de six mois de précipitations sur l’ensemble du bassin qui briserait le record établi en 2017, et des apports d’eau dans le lac Érié et la rivière des Outaouais supérieurs aux records de 2019, ou encore une séquence d’apports d’eau sur une période de 500 ans générée par une analyse statistique. Ces options ont été générées par le Groupe de travail sur l’hydroclimat du Comité GAGL dans le cadre d’une étude menée à l’appui de l’examen accéléré (GAGL, 2021b). Rien ne dit que ces scénarios à six mois se concrétiseront. Toutefois, le fait qu’ils soient disponibles donnera aux membres du Bureau au moins une idée de l’impact potentiel d’une déviation dans un large éventail de conditions météorologiques futures possibles.

Une fois qu’une ou plusieurs séquences d’apports d’eau ont été sélectionnées dans l’OAD, le Conseil peut voir sous forme graphique en quoi ses stratégies de déviation pourront modifier les niveaux et débits d’eau dans les six mois suivants. Il est possible de comparer, côte à côte, jusqu’à trois plans de déviation éventuels, chacun donnant lieu à des débits sortants différents. À titre de comparaison, l’outil montre également quels seront les niveaux d’eau si aucune déviation n’est adoptée, et quels seraient les niveaux si la Voie maritime n’avait pas été aménagée. (Cette comparaison est nécessaire parce que l’ordonnance d’approbation de 1956 de la CMI énonce des conditions voulant que l’exploitation des ouvrages du projet n’offre pas moins de protection pour la navigation et les intérêts en aval que ce qui se serait produit en l’absence du projet.)

Pour illustrer la comparaison possible entre les conditions d’apports d’eau, la figure 40 montre les apports d’eau des tributaires du lac Ontario et de la rivière des Outaouais et du Saint-Laurent utilisés pour produire des prévisions de niveau et de débit sortant en certains points-clés du réseau. Les deux graphiques connexes illustrent les prévisions de niveau d’eau du lac Ontario pour les mêmes séquences d’apports d’eau, mais suivant deux stratégies de débit sortant. Les conditions observées sont représentées par la courbe en noir, et les courbes colorées illustrent des prévisions possibles de niveaux d’eau pour une gamme de séquences d’apports d’eau. La courbe en rouge des deux graphiques représente les prévisions à partir de conditions d’apports d’eau semblables à celles observées en 2005. En d’autres termes, suivant ce scénario, les deux graphiques montrent les différences de niveaux d’eau du lac Ontario que donneraient les deux stratégies de déviation.

Les membres du Conseil peuvent comparer différents scénarios d’apports d’eau et différentes stratégies de déviation possibles, et tirer des conclusions sur les résultats possibles dans l’ensemble du réseau du lac et du fleuve d’une façon plus objective et plus systématique. Les membres du Conseil ont une idée de la façon dont les impacts peuvent changer dans diverses conditions hydrologiques et selon différentes décisions de déviation. Cela est rendu possible grâce à une série d’indicateurs facilement consultables qui renseignent sur les impacts des débordements du lac Ontario et des crues du Saint-Laurent d’une façon tout à fait nouvelle, puisque ce genre de données n’avaient pas été regroupés jusqu’ici.

Aperçu :

C’est en testant différents scénarios que l’OAD s’attaque aux incertitudes découlant du manque de prévisions spécialisées et à l’effet des changements climatiques

5.2

Indicateurs : Zones d’impacts et vues d’ensemble

L’OAD donne aux membres du Conseil un moyen dynamique d’estimer le type et la portée des impacts d’un niveau d’eau extrême, de voir comment les impacts peuvent changer au fil du temps ou de voir sous forme graphique comment une déviation proposée peut atténuer ou aggraver certains de ces impacts. L’outil montre en quoi une déviation envisagée peut changer les impacts par rapport à l’absence de déviation.

L’outil ne permet pas d’observer les impacts en temps réel. Il s’appuie plutôt sur une base de données des impacts relevés lors des épisodes de crue de 2017 et de 2019-2020, qui sont susceptibles de se reproduire à n’importe quel niveau d’eau. L’OAD fournit cette information à plus d’un titre. Premièrement, l’outil produit des indicateurs globaux du nombre total d’édifices riverains qui seraient inondés par les eaux de crue pour un niveau d’eau donné du lac Ontario ou pour un certain débit du Saint-Laurent. Cette information a été dérivée des travaux de modélisation novateurs de l’équipe de l’USACE à Detroit ainsi que d’ECCC à Québec et à Burlington. Suivant les suggestions du GCP, l’OAD peut afficher ces estimations sur le domaine bâti en général sous la forme d’une approximation du nombre de personnes susceptibles d’être touchées d’après les données du recensement sur la taille moyenne des ménages.

Il est aussi possible d’aller davantage dans le détail. Les membres du Conseil ont en effet demandé à pouvoir se faire une idée des impacts locaux, une demande qui a été reprise et amplifiée par le GCP. Le Conseil s’est également intéressé à l’ampleur des impacts, au-delà de ceux concernant les bâtiments. En réponse à ces demandes, le Comité GAGL a sélectionné 12 emplacements pour cartographier les impacts localisés (figure 41).

• Sept collectivités sur le lac Ontario,
soit Oswego, Sodus Point et Greece dans l’État de New York, de même que St. Catharines, Toronto, Clarington et Brighton en Ontario.
•Deux collectivités sur le cours supérieur du Saint-Laurent, soit Gananoque/Leeds et Mille-Îles, en Ontario, dans la section des Mille-Îles, et Edwardsburg-Cardinal, en Ontario, près de la tête du lac Saint-Laurent.
• Le lac Saint-Laurent dans son ensemble.
• Deux collectivités sur le cours inférieur du Saint-Laurent, soit Léry-Beauharnois sur le lac Saint-Louis et Maskinongé sur le lac Saint-Pierre au Québec.

Figure 41

Affichage dans l’OAD des emplacements avec zones d’impacts

(Source : Comité GAGL)

  • Limite provinciale
  • Frontière internationale

Les 12 emplacements initiaux ont été choisis parce qu’on les savait sensibles aux niveaux d’eau extrêmes ou qu’ils étaient considérés comme représentatifs de parties ayant des rives plus étendues. Certaines des collectivités sélectionnées sont de petits villages riverains, d’autres sont des subdivisions avec des rangées de maisons riveraines, d’autres sont des quartiers plus urbains et d’autres sont plus ruraux. La liste n’est pas censée être définitive; d’autres zones sensibles aux fluctuations des niveaux d’eau seront ajoutées au fil du temps.

S’appuyant sur des recherches approfondies menées sur les crues extrêmes de 2017 et de 2019, pour la phase 1 de l’examen accéléré, qui sont décrites à la section 4.0, le Comité GAGL a catalogué les types d’impacts constatés dans les 11 collectivités riveraines, soit : inondation des pelouses; mise hors service des fosses septiques privées; inondation des aires de stationnement des marinas ou fermeture forcée de routes ou de parcs, par exemple. Le Comité a ensuite compilé les niveaux d’eau déclarés associés à chacun de ces impacts aux 11 lieux en question. Cela est devenu le cadre d’une fonction d’OAD qui montre en détail au Conseil les impacts prévus à chacun de ces endroits à mesure que les niveaux d’eau augmentent ou diminuent.

Afin de favoriser la comparaison des impacts dans les 11 collectivités, le Comité GAGL a divisé les impacts observés en cinq catégories illustrées par des codes de couleur correspondant à différents niveaux de gravité établis à partir de critères communs. Ainsi, les désagréments et les problèmes relativement mineurs, comme l’inondation des pelouses, ont été classés dans la catégorie des « faibles préoccupations ». Les impacts les plus dommageables, comme l’inondation des sous-sols de quartiers riverains entiers, ont été classés dans la catégorie « extrêmement préoccupants ». Le Comité GAGL a ensuite noté les niveaux d’eau auxquels chaque catégorie d’impact s’est produite dans les résidences riveraines des 11 localités.

On a noté des variations considérables. Les rues et les égouts de certaines collectivités peu élevées sont inondés à des niveaux d’eau qui posent pourtant peu de problèmes ailleurs. D’autres maisons sont situées bien au-dessus du niveau de crue, sur des falaises, mais ces mêmes falaises sont sujettes à une forte érosion quand les niveaux d’eau sont élevés. D’autres collectivités sont exposées aux vents dominants et subissent de plein fouet l’impact des vagues et des ondes de tempête. La variabilité des impacts est évidente pour les différentes fourchettes de niveaux d’eau à chaque emplacement (figure 42). Pour un même niveau d’eau (75,45 m SRIGL85 dans l’exemple), certaines collectivités se retrouveraient touchées par des impacts de catégorie modérée, d’autres par des impacts de catégorie majeure, et une collectivité subirait des impacts extrêmes.

Figure 42

Illustration conceptuelle des différences dans les zones d’impacts de collectivités. Exemple de zones d’impacts certaines collectivités autour du lac Ontario.

  • Faibles
  • Modérés
  • Majeurs
  • Graves
  • Extrêmes

Le Comité GAGL a utilisé cette information pour créer des zones d’impacts pour chacune des 11 collectivités. Ces zones d’impacts sont définies par des niveaux d’eau qui ont des impacts allant de faibles à extrêmes sur les propriétés résidentielles de chacun des sites. Le tableau 9 en fournit un exemple, étant entendu que toutes les zones d’impacts seront raffinées et améliorées à mesure que de nouveaux renseignements seront recueillis dans le cadre du processus de gestion adaptative.

Dans ces zones d’impacts, le Comité GAGL a également recensé des données sur les niveaux d’eau et les impacts relatifs à d’autres modes d’utilisation et intérêts dans chacune de ces 11 collectivités : marinas et clubs nautiques; plaisanciers; parcs, routes et autres infrastructures municipales; réseaux d’eau publics et privés, et terres agricoles, dans le cas de Maskinongé, sur le lac Saint-Pierre.

Le résultat de ce travail laborieux et, il faut l’admettre, compliqué, qui a été effectué selon un calendrier très serré, est une caractéristique dynamique de l’OAD qui montre quelles zones d’impacts existent dans chacune des 11 collectivités quand l’eau atteint un certain niveau.

Tableau 9

Brighton - Zones d’impacts
Propriétés riveraines
ContexteLa municipalité de Brighton (Ontario), qui compte 11 844 habitants (2016), est située sur la rive nord du lac Ontario, tout juste à l’ouest de la baie de Quinte. Le secteur riverain de Brighton compte un grand nombre de propriétés résidentielles/privées. On estime à quelque 1 600 le nombre de bâtiments situés en bordure d’eau ou à proximité, à une élévation inférieure à 78 m. On compte environ 620 constructions à une élévation de moins de 77 m, dont environ 430 sont des édifices résidentiels principaux. À Brighton, le littoral se déroule sur environ 67 km et il comprend un nombre considérable de terres humides riveraines ainsi que la péninsule Presqu’ile.
Situation du lacSeuils (m SRIGL 85) Seuils (pi SRIGL 85)
Extrême> 76,0>249,4Les fondations de nombreuses maisons ont été submergées à des niveaux d’eau statiques; les fondations d’un grand nombre de maisons riveraines ont risqué d’être submergées, et l’on s’attendait à ce que bien des propriétaires signalent l’inondation du premier étage de structures primaires. Les édifices de la rue Harbour ont été inondées, et la seule route d’accès à la péninsule Gosport (un secteur résidentiel) a été submergée. Risque élevé de dommages structuraux causés par les vagues, même lors de petites tempêtes. Les fondations d’environ 250 bâtiments principaux sont à moins de 76,5 m d’élévation. Jusqu’à 620 bâtiments situés à une élévation inférieure à 77 m courent un plus grand risque de subir des impacts en cas de grosses tempêtes.
Grave> 75,8 et ≤76,0>248,7 à ≤249,4Les fondations de certaines résidences ont été submergées à des niveaux d’eau statiques; de nombreuses structures primaires présentent un risque d’inondation au niveau des fondations lors de tempêtes et leur premier étage pourrait être inondé ou il pourrait être impossible d’utiliser des systèmes septiques en de nombreux endroits. Risque généralisé d’inondations causées par les tempêtes dans les zones ouvertes du littoral de Brighton. Une centaine de maisons touchées à ces niveaux en 2017 et 2019 selon la municipalité – pose nécessaire de sacs de sable.
Majeure> 75,5 et ≤75,8>247,7 à ≤248,7Les fondations de quelques maisons ont été submergées à des niveaux d’eau statiques. Risque étendu d’inondations des zones basses critiques en cas de tempête s’abattant sur les secteurs ouverts du littoral de Brighton. Beaucoup de questionnaires font état d’inondation des fondations/vides sanitaires, de bâtiments annexes, de terrasses, de fosses septiques, de puits riverains, de services publics, des accès routiers, et de quais et de pelouses (inondations importantes dans ces derniers cas). Risque de présence d’eau dans les fondations de certaines maisons - pose nécessaire de sacs de sable.
Modérée>75,3 et ≤75,5>247,1 à ≤247,7En certains endroits, immeubles et propriétés ont été inondés lors de tempêtes particulièrement extrêmes. Risque élevé d’inondation en cas de tempête s’abattant
sur les zones ouvertes du littoral. En certains endroits, pour 2017 et 2019, les
réponses au questionnaire du Comité GAGL font état d’inondation des pelouses et d’endommagement des quais/hangars à bateaux riverains et/ou d’une impossibilité
à accéder aux propriétés. Quelques maisons riveraines (<5 %) risquent d’avoir de l’eau à hauteur des fondations lors de tempêtes. Quelques signalements de problèmes de fosses septiques dans les réponses aux questionnaires du Comité GAGL pour 2017
et 2019.
Peu préoccupante ≤75,3≤247,1Niveau maximal classique en été – plus grand risque de tempêtes plus importantes et d’érosion au printemps ou à l’automne. D’après les réponses au questionnaire du Comité GAGL les premiers impacts signalés ont été constatés à partir de 75 m (246 pi) d’élévation. Presque aucune fondation de maison n’a été inondée à des niveaux d’eau statiques; peu ou pas de maisons risquent d’être inondées lors de tempêtes. Presque aucun signalement de problèmes de fosses septiques dans les réponses aux questionnaires du Comité GAGL.

Extrait du relevé des extrants pour la zone d’impacts de Brighton (Ontario)

À noter qu’il s’agit d’une version préliminaire qui continuera d’être modifiée dans le cadre du processus de gestion adaptative (Source : Comité GAGL)

Sur la carte de l’OAD, les zones d’impacts sont codées en couleur. D’un simple coup d’œil, les membres du Conseil peuvent voir quelles collectivités sont susceptibles de subir des impacts « majeurs » en fonction du niveau d’eau, et lesquelles peuvent s’attendre à subir des impacts « graves ». Ils peuvent voir l’incidence sur le degré d’impact d’une stratégie de déviation qui commence ou prend fin, ou l’évolution dans le temps. Le Conseil peut examiner de plus près toutes les collectivités qu’il choisit pour voir en détail quels impacts elles subiraient. L’outil permet au Conseil de juger de la durée des inondations en divers endroits, y compris dans les zones agricoles.

L’OAD offre également une description textuelle, fondée sur les données recueillies au sujet des crues de 2017 et de 2019, du type d’impacts prévus à un site donné pour chaque zone d’impacts. Les récits couvrent non seulement les bâtiments riverains, mais aussi les marinas locales, les parcs, les réseaux d’aqueducs et d’égouts et les infrastructures municipales.

De même, des zones d’impacts ont été créées pour un douzième emplacement, le lac Saint-Laurent, qui est unique sur le plan hydrologique par rapport au reste du réseau parce qu’il fait office de bassin de retenue au barrage Moses-Saunders. Le niveau du lac Saint-Laurent baisse rapidement quand le débit sortant au barrage est augmenté et, inversement, quand le débit diminue, le niveau augmente. Le niveau d’eau du lac Saint-Laurent a des impacts sur la production d’hydroélectricité, la navigation commerciale, la navigation de plaisance, l’écosystème local et les réseaux hydrographiques, et ces éléments sont inclus dans les zones d’impacts du lac Saint-Laurent.

Afin de fournir des renseignements supplémentaires sur chaque collectivité où des zones d’impacts ont été créées, le Comité GAGL a élaboré un prototype de carte interactive, ou carte de récit. Dans ce contexte, une carte de récit est une aide visuelle construite sur un cadre ArcGIS; il s’agit d’une technique que la CMI a utilisée dans d’autres bassins hydrographiques pour fournir des renseignements facilement accessibles.

La carte de récit de Brighton présente les données sur les bâtiments inondés du littoral, mais elle comprend de nombreux autres éléments, dont une description détaillée et des photographies de la collectivité lors d’épisodes de crue passés ainsi que l’emplacement des ressources locales comme les quais, les parcs et les réseaux d’adduction d’eau et d’eaux usées. Le Comité GAGL a exploité les données du recensement pour fournir des renseignements sur la population, comme l’âge et le revenu, qui témoignent de la capacité de chaque collectivité à faire face à des crues extrêmes, en se fondant sur les recommandations du GCP. Le Comité GAGL travaille sur au moins deux autres cartes de récit qui devraient être prêtes sous peu, une pour une collectivité au Québec et une autre pour une collectivité dans l’État de New York. L’objectif est d’élaborer éventuellement des cartes de récit pour chaque emplacement mis en évidence par une zone d’impacts si le Conseil juge qu’elles seraient utiles.

Le Comité GAGL a commencé à rencontrer les représentants des collectivités pour discuter des données existantes et pour les valider. Il continuera son action dans ce sens. Il est possible que certaines zones d’impacts ou que les données sous-jacentes seront modifiées au fil du temps dans le cadre d’un processus de gestion adaptative. Le Comité GAGL prévoit également d’ajouter des zones d’impacts axées sur les collectivités autochtones et sur certains aspects des écosystèmes du lac Ontario et du Saint-Laurent. Le recensement de ces zones d’impacts est donc un travail en cours, mais le Comité GAGL est convaincu que ces premières itérations constituent un bon point de départ pour définir la sensibilité aux niveaux d’eau.

Aperçu :

Davantage de données seront nécessaires pour améliorer et affiner l’OAD.

5.3

Résumé et visualisation des données dans l’Outil d’aide à la décision

L’OAD offre aux membres du Conseil un ensemble de données riches qui apportent de nombreux points sur les mesure décrites ci-dessus. Les données sont présentées sous forme graphique afin de pouvoir être saisies rapidement.

Certains graphiques (figure 43) permettent au Conseil de comparer le rendement des stratégies de déviation pour des séquences d’apports d’eau précises au cours d’une année donnée. Dans la figure, les conditions observées sont indiquées en noir. Le niveau d’eau prévu sans déviation est indiqué en blanc, tandis que les stratégies de déviation 1 et 2 sont, respectivement indiquées par des tirets et par une courbe de couleur marron. Dans tous les cas, les niveaux d’eau seraient suffisamment élevés pour entrer donner lieu à des impacts « graves » compte tenu de la séquence d’apports d’eau choisie. La stratégie de déviation 1 serait très semblable aux conditions de base pour les niveaux du lac Ontario, tandis que la stratégie de déviation 2 augmente légèrement la rapidité à laquelle le niveau du lac diminue.

Figure 43

Illustration graphique comparant les prévisions. Pour une seule séquence d’apports d’eau à partir de différentes stratégies de déviation et pour certaines zones d’impacts.

  • Faible
  • Modéré
  • Majeur
  • Grave
  • Extrême
  • Observé
  • Préprojet
  • Stratégie de déviation 1
  • Stratégie de déviation 2
  • Conditions de base

L’OAD présente également l’impact des déviations envisagées sur les navires commerciaux dans le Saint-Laurent. Pour le moment, les extrants sont exprimés à la fois en tonnage de marchandises dont la livraison est retardée ou perturbée, et en pertes financières en vertu de scénarios de déviation qui forcent l’arrêt de la navigation commerciale. Cette mesure s’appuie sur l’étude de l’Institute for Water Resources qui estime le tonnage de marchandises retardées et les coûts financiers découlant d’un arrêt de la navigation. Les membres du Conseil n’avaient jamais eu accès à ces documents auparavant.

Il s’agit actuellement du seul indicateur de l’OAD permettant d’estimer les impacts en dollars, ce qui rend difficile la comparaison de ces valeurs avec d’autres indicateurs comme le nombre d’immeubles inondés. Toutefois, les données économiques permettent au Conseil de contextualiser les impacts d’une interruption de la navigation commerciale sur une région et de faire un examen objectif des coûts à partir duquel vérifier toute information concernant les impacts qu’il reçoit directement du secteur de la navigation commerciale. À l’avenir, le Comité GAGL cherchera à intégrer les données économiques d’autres secteurs également.

Exemples illustratifs de l’outil d’aide à la décision

Icon 18.png

Estimation du nombre de bâtiments dans l’ensemble du réseau qui pourraient être touchés dans des conditions de vent calme et dans des conditions transitoires

Icon 1.png

Nombre de jours pendant lesquels le niveau d’eau à chacun des 12 emplacements donnera lieu à impacts majeurs, graves ou extrêmes

Icon 17.png

Niveau le plus élevé que l’eau pourrait atteindre après certaines déviations et conditions d’apports d’eau ou séries de changements de niveau d’eau dans les six prochains mois

Icon 8.png

Nombre de bâtiments à chacun des 12 emplacements qui seraient inondés lors d’une crue

Aperçu :

L’OAD, produit des recherches du Comité GAGL, répond au besoin d’informations supplémentaires du Conseil.

5.4

Compromis affichés dans l’outil d’aide à la décision

Il est rare qu’une décision permette d’améliorer les résultats pour chaque intérêt de chaque catégorie. En cas de décision de déviation produisant une combinaison de résultats — certains meilleurs et d’autres pires que ceux qu’aurait donné l’application du Plan 2014 — , le Conseil doit évaluer le bien-fondé de sa décision. C’est l’un des aspects les plus difficiles et parfois, le plus controversé de son travail.

L’OAD contribuera à la prise de décisions en matière de compromis. Une section de l’outil donne une comparaison directe des différents impacts sur les modes d’utilisation et les intérêts qui interviennent le plus souvent dans l’équilibre entre  les répercussions positives et les répercussions négatives d’une déviation proposée. Les propriétés sur les rives du lac Ontario ainsi que des cours supérieur et inférieur du Saint-Laurent (figure 44 et figure 45) en sont un excellent exemple. Comme nous l’avons vu, un abaissement du niveau d’eau qui pourrait atténuer les inondations en bordure du lac Ontario peut aggraver les conditions pour les deux zones riveraines du fleuve Saint-Laurent.

Figure 44

Illustration des compromis à réaliser entre les zones d’impacts des collectivités en fonction du nombre de jours prévus à un niveau d’eau égal ou supérieur à celui de la principale catégorie de niveau d’eau et selon le 80e centile des scénarios de prévision

  • Conditions de base
  • Stratégie de déviation 1
  • Stratégie de déviation 2

Figure 45

Illustration du nombre de bâtiments touchés en amont et en aval

(Inclut une prévision du nombre de constructions touchées et la variation du pourcentage connexe du nombre prévu de bâtiments inondés, comme cela pourrait être illustré dans l’OAD selon différents scénarios de débit sortant dans différentes parties du réseau)

  • Conditions de base
  • Stratégie de déviation 1
  • Stratégie de déviation 2
  • Préprojet

Partant du nombre de bâtiments inondés, l’outil montre l’impact que pourrait avoir une déviation proposée sur les propriétés riveraines en regroupant les données pour les régions riveraines du lac Ontario et des cours supérieur et inférieur du Saint-Laurent. L’outil donne aussi un instantané des impacts par secteur et par bâtiment inondé sur les berges du lac Ontario et du Saint-Laurent, ainsi que du tonnage de marchandises commerciales retardées.

À plusieurs égards, l’outil met en évidence le choix auquel le Conseil fait face quand il envisage de dévier de la limite F (inondation) : Comment répartir équitablement l’impact des crues entre les zones riveraines en amont et en aval. Il informe également les décisions relatives à la limite L (transport maritime) qui peuvent avoir une incidence sur l’industrie de la navigation commerciale, et il vise à aider à la prise de décisions en lien avec la limite I (formation de glace) en mettant l’accent sur les impacts écosystémiques dans le lac Saint-Laurent.

L’OAD fournit au Conseil des données améliorées pour l’aider à comprendre les compromis qui pourraient s’imposer sur le plan des risques à cause des déviations proposées. Il est appelé à se demander si une déviation pourrait être utile maintenant, mais causer des problèmes plus tard. Dans l’affirmative, à quel point ces problèmes pourraient-ils être graves? Où les impacts serontils ressentis le plus longtemps et où serontils de courte durée? Est-ce qu’un grand nombre de personnes dans une partie du réseau profitera un peu des déviations tandis qu’un nombre beaucoup plus faible en souffrira beaucoup ailleurs? Y a-t-il un risque que les avantages d’une décision de régularisation soient annulés par d’autres facteurs, comme des vents et des vagues violents ou un changement brusque des conditions météorologiques?

Les données et l’information ne seront jamais parfaites, mais l’outil permet au Conseil de mieux comparer entre eux les impacts des différentes stratégies de déviation dans l’ensemble du réseau et d’obtenir des réponses à ces questions et à d’autres. Cela n’est possible que si le Conseil a confiance dans l’information et les données présentées. Il est donc impératif que l’outil soit continuellement mis à jour et vérifié et qu’il soit maintenu à jour par un personnel de soutien spécialisé auquel le Conseil fait confiance.

Aperçu :

L’OAD aide le Conseil à mieux comprendre les compromis et à comparer les stratégies de déviation entre elles. Il nécessitera un suivi et des améliorations continues pour demeurer pertinent pour le Conseil.

5.5

L’outil d’aide à la décision face au risque et à l’incertitude

Les décisions que le Conseil doit prendre relativement aux déviations sont caractérisées par le risque et l’incertitude. Le risque est un indicateur de la probabilité et des conséquences d’événements futurs incertains. Il représente la possibilité d’un résultat indésirable (Yoe, 2017). Comme l’illustre la figure 46, le risque est un indicateur de la gravité de l’impact et de la probabilité qu’il se produise.

Figure 46

Évaluation de l’exposition au risque. Risque = gravité des impacts multipliée par la probabilité d’occurrence

(Modifié en fonction du graphique original de TheProjectManagementBlueprint.com, utilisé avec permission, © Mark Warner, TheProjectManagementBlueprint.com)

Dans des conditions extrêmes, quand le Conseil a le pouvoir de dévier du Plan 2014, il doit décider, en temps réel et pendant que divers intérêts et diverses régions subissent des impacts, s’il y a lieu ou non de dévier des limites du Plan. Le Conseil comprend que ces décisions pourraient avoir des impacts sur d’autres intérêts et régions. Ce ne sont pas des décisions faciles, surtout face à un degré élevé d’incertitude quant aux conditions futures et aux résultats réels d’une décision de déviation. Par exemple, en 2017, à mesure que le niveau de l’eau augmentait — comme nous l’avons vu —, le Conseil disposait de peu d’informations sur les résultats qu’il obtiendrait si la limite F était dépassée dans le cours inférieur du fleuve. D’un autre côté, le Conseil n’a pas été en mesure d’évaluer le risque supplémentaire que les tempêtes pourraient avoir sur les propriétés riveraines du lac Ontario quand les niveaux d’eau étaient si hauts.

Figure 47

Effets de l’incertitude sur les impacts et la probabilité des résultats

(Modifié en fonction du graphique original de TheProjectManagementBlueprint.com, utilisé avec permission, © Mark Warner, TheProjectManagementBlueprint.com)

Le Comité GAGL a tenté d’aider le Conseil à mieux comprendre le risque ou la probabilité qu’un mauvais résultat découle d’une décision de déviation. Le Comité a également tenté de réduire l’incertitude entourant les résultats attendus et la probabilité d’occurrence. Cela n’a pas été facile étant donné la grandeur du bassin, la difficulté de recueillir des renseignements dans des conditions extrêmes et le niveau de détail requis pour éclairer une décision de déviation dont le résultat est mesuré en centimètres et en pouces, et non en pieds et en mètres. Toutefois, le Comité GAGL a réalisé des progrès considérables dans l’identification des impacts en amont sur le lac Ontario, sur le cours supérieur du Saint-Laurent, y compris dans le lac Saint-Laurent, et en aval sur le cours inférieur du Saint-Laurent. L’OAD permet au Conseil d’explorer les différences entre les divers résultats des stratégies de déviation dans ces régions géographiques.

Le Comité GAGL a également caractérisé les impacts pour un certain nombre d’intérêts, de sorte que le Conseil peut mieux comprendre qui est touché par les extrêmes, la gravité de ces impacts et si sa stratégie de déviation peut améliorer les conditions. Cela peut aider le Conseil à évaluer le risque de prendre ou de ne pas prendre de mesures, et le risque de transférer les impacts d’un intérêt ou d’une région à l’autre.

L’incertitude relative aux conditions prévues sera toujours un problème pour le Conseil, mais le Comité GAGL continue de chercher les meilleures données scientifiques et il travaillera avec ses partenaires pour trouver des moyens d’améliorer les prévisions à moyen et à long terme. Les changements climatiques ajoutent encore plus d’incertitude. Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/) signale que des changements rapides et généralisés se sont produits dans l’atmosphère, les océans, les régions glaciaires et arctiques et la biosphère, que l’ampleur de ces changements est sans précédent et qu’ils concernent déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes (GIEC, 2021).

Les Grands Lacs ont toujours été et continueront d’être un système dynamique dont le comportement ne pourra qu’être exacerbé par les changements climatiques. Comme prévu, le Comité GAGL intégrera une évaluation des changements climatiques dans son analyse de la phase 2. Entre-temps, il a élaboré des scénarios plus extrêmes dont le Conseil doit tenir compte dans ses évaluations du risque lié aux apports d’eau futurs (Comité GAGL, 2021b). Le Conseil peut ainsi évaluer le risque dans diverses conditions futures afin de réduire au minimum le risque de surprises.

De plus, le Comité GAGL a essayé, avec l’OAD, d’isoler le risque supplémentaire que présentent des facteurs de complication comme le vent, les vagues, les ondes de tempête et les apports des affluents. Les résultats sont présentés à la fois en termes d’eau calme (la partie sur laquelle le Conseil peut exercer une influence), mais aussi en termes de probabilité d’événements pluvieux majeurs et de l’incidence que cela peut avoir ou non sur une décision de déviation.

Il s’agit d’une exigence permanente, car les conditions, les intérêts et la science changent constamment. Le Comité GAGL continuera de déterminer les principaux secteurs de risque qui entourent les décisions relatives aux déviations et les incertitudes qui peuvent avoir une incidence sur ce risque. Le Comité GAGL cherchera également des occasions de réduire cette incertitude grâce à une surveillance, à une évaluation et à une vérification accrues, et il déterminera quelles incertitudes demeureront non résolues dans un avenir prévisible. Il continuera de travailler sur la façon dont le risque et l’incertitude sont affichés par l’OAD et sur les domaines de recherche axés sur la réduction de l’incertitude qui devront être poursuivis lors de la phase 2 et au-delà.

Le risque et l’incertitude sont des composantes fondamentales du mécanisme de gestion adaptative continue. Il faut en tenir compte pour que les décisions puissent être ajustées au fur et à mesure que l’on en apprend davantage ou que les conditions changent. Le Conseil ne prendra jamais aucune décision sans un certain degré de risque et d’incertitude. La gestion adaptative peut permettre de cerner les risques et de réduire le plus possible le niveau d’incertitude grâce à la surveillance, à la modélisation et à la vérification continues. Elle permet aussi de présenter cette information au Conseil pour l’éclairer dans sa prise de décisions en matière de déviation.

Aperçu :

Pour le Conseil, le risque et l’incertitude entourent ses prises de décisions relatives aux déviations. Le Comité GAGL peut aider en cherchant à réduire l’incertitude dans la mesure du possible. C’est là une exigence permanente de la gestion adaptative.

6

Contribution du Groupe consultatif public

6.0

Contribution du Groupe consultatif public

Les 18 membres bénévoles (donc non rémunérés) du Groupe consultatif public (GCP) — nommés par la CMI pour promouvoir la participation du public et la transparence — se sont réunis de façon suivie entre juin 2020 et octobre 2021.

Le GCP a été créé afin que les représentants de groupes directement touchés par les déviations décidées par le Conseil puissent présenter leurs points de vue sur les impacts des niveaux d’eau extrêmes au Comité de gestion adaptative (GAGL) des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Le Comité GAGL et le GCP ont ainsi travaillé ensemble pour comprendre et évaluer les données relatives aux impacts sur le réseau hydrographique, ce qui a contribué à bâtir la confiance envers la CMI. Il était également escompté que les membres des GCP communiqueraient leurs points de vue à leurs commettants, à leurs collègues et à leurs voisins, un objectif qu’ils ont atteint de leur mieux.

Le groupe consultatif s’est vu confié le rôle de fournir des commentaires sur la façon d’évaluer les impacts des niveaux extrêmes et d’aider le Comité GAGL à examiner les critères décisionnels du Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (le Conseil) sur les déviations à appliquer. Le GCP devait également aider à formuler un moyen de présenter cette information au Conseil et à trouver des façons de communiquer avec leurs mandants au sujet de ce qui est fait pour mieux éclairer les décisions de déviation.

Bon nombre des séances du GCP en 2020 ont été consacrées à la mécanique de la régularisation du débit sortant du lac Ontario, ce qui a été l’occasion pour les représentants du Comité GAGL d’expliquer comment et pourquoi les décisions sont prises. Pour les membres du GCP, ce fut l’occasion de présenter leurs priorités et leurs intérêts et d’exprimer leurs préoccupations au sujet des répercussions de ces décisions. Grâce à ces échanges intensifs, le groupe consultatif dans son entier a acquis une bien meilleure compréhension des difficultés liées à la gestion de ce réseau complexe, ce qui implique de tenir compte des différences de coûts, d’impacts subis, de protections nécessaires et d’avantages entre les régions géographiques et les intérêts, ainsi que d’un ensemble de compromis délicats dans le cadre d’une approche de gestion axée sur le risque qui est techniquement très exigeante, pleine d’incertitudes et difficile à communiquer aux parties prenantes.

Le GCP a terminé son travail de 2020 en décrivant ce qu’il avait appris et en cernant d’autres enjeux clés concernant la résilience et les interventions d’urgence, enjeux qui ne relèvent pas du mandat de la CMI, mais qui sont jugés essentiels à la gestion des inondations. Le GCP a également demandé plus de clarté et de transparence en ce qui concerne la gouvernance de la CMI.

6.1

Travail du Groupe consultatif public sur l’outil d’aide à la décision

En 2021, le Groupe consultatif a consacré une grande partie de son temps à l’Outil d’aide à la décision (OAD). Il a aidé le Comité GAGL à fixer les principaux objectifs établis pour cet outil, notamment en veillant à ce que tous les modes d’utilisation et tous les intérêts soient pris en compte et à ce que l’analyse des impacts soit multidimensionnelle et fondée sur des données probantes. Le GCP a reconnu que les compromis devraient être fondés sur la surveillance et sur les résultats du modèle, mais que la présentation de ces compromis ne rendrait pas toujours la décision plus claire pour les membres du Conseil, surtout quand les facteurs de nature à contrer les impacts ne pointent pas dans une direction claire. Toutefois, le GCP a généralement conclu que, grâce à l’OAD, les enjeux et les préoccupations de chacun des intérêts et des régions sont reconnus et évalués.

Il est convenu que l’OAD doit être souple, en ce sens qu’il doit pouvoir être mis à jour facilement, sous la forme d’une intégration de nouvelles données et stratégies. Il doit aussi permettre l’inclusion d’un large éventail de scénarios d’apports d’eau plausibles allant de faibles à élevés. Les risques associés à une décision de déviation quelconque devraient être tout aussi évidents.

Le GCP a également formulé des suggestions sur la création de zones d’impacts et l’élaboration des descriptions des impacts dans chaque zone. Il a fait de nombreuses suggestions visant à faire en sorte que les résultats de l’outil soient plus conviviaux, complets et transparents.

Le GCP a discuté de ces questions avec le Comité GAGL et d’autres. Après des échanges suivis sur la question, certains membres du GCP en sont venus à estimer qu’il n’est pas possible de savoir si des décisions de déviation permettent de parvenir à un équilibre entre les intérêts et les régions. Cela est notamment dû à la nature complexe du réseau (du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent), à l’incertitude inhérente aux prévisions météorologiques, à la façon dont les impacts se traduisent en coûts assumés par les divers intérêts (comme le secteur de la navigation commerciale qui représente une imposante chaîne d’approvisionnement, par rapport aux propriétaires privés et par rapport à la réaction des écosystèmes), et les limites inhérentes à la régularisation de l’eau par rapport à des phénomènes naturels comme les conditions extrêmes d’humidité et de sécheresse.

Pendant que le Comité GAGL travaillait sur l’outil, les membres du GCP ont fait pression sur le Comité GAGL pour qu’il n’alimente pas seulement l’outil à coups d’indicateurs numériques, mais qu’il intègre aussi ce qui correspond, selon son rapport, à une vision plus nuancée et plus axée sur les personnes dans la façon dont les différentes décisions de déviation peuvent influer sur diverses parties du réseau. 

Selon les membres du GCP, les indicateurs des niveaux d’inondation des bâtiments ne sont pas représentatifs de l’ensemble des impacts riverains. Ils ont donc souhaité que l’on tienne compte de la perturbation de la vie et des moyens de subsistance des résidents, ainsi que des indicateurs locaux et systémiques. Le GCP a souligné que l’OAD devrait inclure les impacts sur les infrastructures locales (routes, quais, réseaux d’égout, parcs et éléments du genre) et qu’il fallait trouver une façon d’utiliser l’OAD pour communiquer les impacts plus subtils, mais sensibles des crues extrêmes sur les riverains sous la forme d’une perturbation de la vie quotidienne ou d’un stress physique et émotionnel, ce que les membres du GCP ont jugé difficile à mesurer.

Les membres des GCP ont fait valoir que le public ferait davantage confiance aux décisions du Conseil s’il savait que les préoccupations et les répercussions locales sont intégrées à l’outil. Pour montrer comment cela pourrait se faire, le Comité GAGL a créé un prototype de carte récit pour un quartier riverain de la municipalité de Brighton (Ontario), comme nous l’avons vu à la section 5.2. Le prototype de carte de Brighton a été bien accueilli par le GCP.

6.2

Évaluation du processus de consultation-sensibilisation du public lors de la Phase 1 par le Groupe consultatif public

En 2021, le GCP a consacré la majeure partie de son temps à l’examen de l’OAD, mais il a également été invité à commenter les leçons apprises et à faire part de ses réflexions sur le processus de consultation-sensibilisation du public à plus long terme.

D’un autre côté, le GCP a rencontré certaines difficultés, surtout en ce qui a trait au temps nécessaire pour participer pleinement au processus et à l’énormité du défi que représentait la compréhension des systèmes naturels et humains complexes du bassin versant.

Au cours de ces discussions, le GCP a relevé les avantages ayant découlé du processus :

Icon 19.png

Celui-ci a été l’occasion d’échanger des renseignements et d’informer d’autres membres du GCP ainsi que des membres du Comité GAGL. Les membres du GCP ont pu parler de leurs propres expériences relatives au lac Ontario et au Saint-Laurent ainsi que de leurs propres difficultés à composer avec des niveaux d’eau extrêmement élevés. Ils ont indiqué qu’ils étaient prêts à faire plus que des présentations d’information structurées.

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Les membres du GCP ont établi de bonnes relations avec les autres, surtout au sein d’un groupe diversifié, et ont réglé leurs différends dans un climat de respect mutuel, même s’ils n’ont pas été en mesure de se rencontrer en personne en raison de la pandémie de COVID-19.

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Le processus a permis de renforcer la confiance grâce à des échanges ouverts : le personnel du Conseil a tenu les membres du GCP informés des conditions actuelles et des stratégies de déviation du Conseil.

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Le Comité consultatif a contribué à façonner le travail de consultation-sensibilisation du public par le Comité GAGL ou par le Conseil sous la forme de conseils sur les questionnaires et sur la conception des réunions publiques.

D’un autre côté, le GCP a rencontré certaines difficultés, surtout en ce qui a trait au temps nécessaire pour participer pleinement au processus et à l’énormité du défi que représentait la compréhension des systèmes naturels et humains complexes du bassin versant.

Les membres ont également eu de la difficulté à assumer la fonction de communication avec leurs réseaux respectifs, en partie parce que l’information produite par le Comité GAGL était au stade de l’élaboration et qu’elle n’était donc pas prête à être distribuée au public, et en partie parce que les membres du GCP n’avaient pas la capacité de communiquer des informations dans une région aussi vaste et diversifiée. Certains d’entre eux ont conclu qu’il était irréaliste de s’attendre à ce qu’un groupe relativement restreint de bénévoles gère la consultation-sensibilisation des commettants sur des sujets qui suscitent la controverse dans l’atmosphère actuelle d’un discours public polarisé.

S’agissant de l’avenir de la fonction consultative publique, les membres du GCP verraient d’un bon œil la reconduction de leur groupe pour tirer parti des relations sociales et des connaissances acquises en plus d’un an. Toutefois, le temps devrait être mieux géré par le recours à des sous-groupes de travail et à un matériel éducatif plus concis et plus accessible pour communiquer avec le public. Les membres du GCP ont suggéré que, si le GCP est maintenu pour la phase 2, les membres actuels devraient être invités à rester pour être graduellement remplacés par des nouveaux. Le GCP a recommandé que les nouveaux membres reflètent une plus grande diversité sur le plan du statut socioéconomique, de la race, de l’identité de genre et de l’origine ethnique afin de fournir une vaste gamme d’expériences et de connaissances. Le groupe a fait des suggestions précises pour protéger et éventuellement rémunérer les bénévoles de façon à leur permettre de conserver leur indépendance.

Enfin, le GCP a apprécié le redoublement des efforts de communication et exhorté la CMI, le Conseil et le Comité GAGL à continuer d’améliorer les communications publiques. Il a également suggéré de communiquer dans un langage plus simple et de s’appuyer sur un programme de relations publiques pour ouvrir la communication dans les deux sens avec les collectivités riveraines du Saint-Laurent et du lac Ontario.

Dans un communiqué de décembre 2020, le GCP a formulé des recommandations sur des sujets allant au-delà de sa mission initiale, mais qu’il a jugé impérieux au titre de la gestion des inondations. Selon le GCP, la CMI devrait exhorter les organismes gouvernementaux à créer et à financer de solides plans d’intervention d’urgence susceptibles d’être activés en cas de menace de crues extrêmes, et à encourager le gouvernement à planifier la résilience des rives et la régularisation ainsi qu’à verser des subventions pour aider les propriétaires fonciers, les municipalités et les autres parties prenantes

Aperçu :

Le GCP recommande des changements au processus pour la phase 2 afin de le rendre plus efficace et acceptable pour les nouveaux membres.

6.3

Le Comité GAGL apprécie le travail du Groupe consultatif public

Du point de vue du Comité GAGL, le GCP a représenté ajout de taille au processus d’examen accéléré de la phase 1. Malgré la pandémie, le Comité GAGL a pu faire connaissance des membres du GCP et en apprendre davantage sur les problèmes de leurs milieux respectifs, recueillir leurs commentaires et établir des relations avec eux, bien que virtuelles.

Le Comité GAGL a été très satisfait du degré de participation des membres du GCP, ainsi que de leur dévouement et de leur volonté à découvrir les points de vue de chacun. Le Comité GAGL a également apprécié les commentaires réfléchis reçus au sujet de l’OAD et les conseils sur la façon de répondre aux préoccupations exprimées. Le Comité a aussi apprécié le rôle de coordination joué par la firme de consultants, Consensus Building Institute (CBI), qui regroupe des animateurs experts qui ont exercé une modération neutre et offert un espace approprié pour la discussion et le débat.

Le Comité GAGL reconnaît le fardeau imposé aux membres des GCP, tant en ce qui a trait à l’engagement nécessaire en temps envers un processus somme toute exigeant, que pour communiquer avec leurs réseaux respectifs. Le Comité est d’accord avec l’évaluation du GCP selon laquelle il faut plus de matériel pour l’aider sur ce plan. Cela a été difficile pendant l’examen accéléré de la phase 1 en raison des délais serrés et de la participation du GCP à l’élaboration en temps réel de l’OAD, raisons pour lesquelles les documents de communication n’étaient pas encore disponibles. Néanmoins, le Comité GAGL est profondément reconnaissant du fait que le GCP ait occasionnellement communiqué avec ses mandants et fait passer une information tout à fait valable par l’entremise des médias traditionnels et des médias sociaux, ce qui a aidé à informer les plus grosses collectivités du processus du Comité GAGL et à corriger les problèmes d’information.

Le Comité GAGL a parfois trouvé difficile de maintenir le rythme nécessaire pour tenir le GCP au courant et à jour, mais en même temps, le calendrier semestriel des réunions a permis de faire avancer le processus. À l’occasion, il a eu de la difficulté à gérer les attentes élevées du GCP, surtout face à des demandes spéciales de renseignements précis et relativement à son rôle de comité consultatif du Comité GAGL et non du Conseil.

Le Comité GAGL reconnaît et apprécie les recommandations formulées par le GCP quant à la nécessité de se doter de plans d’intervention d’urgence solides et de planifier en fonction d’une plus grande résilience, et il reconnaît l’importance de ces aspects pour parvenir à réduire les risques de crue et à améliorer les interventions en cas d’inondation. Bien que ces recommandations dépassent largement la portée du Comité GAGL, elles ont été communiquées à la CMI, et le Comité GAGL appuiera la CMI dans son examen de la meilleure façon de les répercuter aux organismes responsables.

Dans l’ensemble, le GCP a apporté un excellent soutien au Comité GAGL et a joué un rôle essentiel dans l’élaboration de l’OAD. Le Comité GAGL espère que la CMI renouvellera le mandat du GCP pour la phase 2 de l’examen accéléré.

Aperçu :

Le GCP s’est avéré extrêmement utile pendant la phase 1 de l’examen accéléré du Plan 2014.

7

Constatations et recommandations de la phase 1 et transition à la phase 2 : Quelles seront les prochaines étapes?

7.0

Constatations et recommandations de la phase 1 et transition à la phase 2 : Quelles seront les prochaines étapes?

L’examen accéléré du Plan 2014 est un bon exemple d’application de la gestion adaptative. Il fait partie d’un processus itératif visant à réduire l’incertitude grâce à des mécanismes de surveillance et à la modélisation du réseau hydrographique, ainsi qu’à l’apprentissage par la pratique. Cette première phase de l’examen accéléré visait à combler certaines lacunes immédiates en matière de données et d’informations nécessaires à l’appui des décisions discrétionnaires de déviation du Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. Cela comprenait la collecte d’informations auprès des personnes directement touchées par les dernières crues et la réalisation d’études techniques destinées à évaluer les impacts sur les différents intérêts et différentes régions. Cette première phase était axée en partie sur les limites de débit du Plan 2014 et sur la façon dont ces limites devraient être prises en compte dans tous les cas où le Conseil est habilité à s’écarter des débits du Plan 2014. Le résumé suivant porte sur les principales constatations de la phase 1 à partir d’un regroupement des observations et des points de vue soulevés dans les sections précédentes du présent rapport.

Bateaux à voile qui naviguent sur le lac Ontario à Toronto (Ontario) au Canada

7.1

Résumé des principales conclusions

Principale conclusion 1 :

Il y a lieu de tenir compte des points de vue et des savoirs traditionnels des peuples autochtones dans le processus de gestion adaptative et dans l’examen continu des plans de régularisation. (Sections 2.8 et 4.7))

Le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) a noté que peu d’informations ont été recueillies auprès des communautés autochtones au sujet des impacts des dernières crues. Le Comité GAGL respecte et reconnaît les droits des communautés autochtones installées en bordure du lac et du fleuve, et il cherche à combler les lacunes constatées dans le cadre d’un effort de gestion adaptative, y compris pour ce qui est des perspectives culturelles et des pratiques traditionnelles. C’est ainsi qu’en 2021, le Comité GAGL a lancé un processus en vue d’en apprendre davantage sur les points de vue des Premières Nations, des Nations tribales et de la Nation métisse le long des rives du lac Ontario et du Saint-Laurent, que celles-ci aient ou non des droits sur des territoires riverains.

Principale conclusion 2 :

Le GCP, qui a joué un rôle utile, recommande des changements au processus pour la phase 2 afin de le rendre plus efficace et plus acceptable pour les nouveaux membres. (Sections 3.2..4 et 6.0)

Le Comité GAGL a jugé que le Groupe consultatif public (GCP) a apporté une contribution de taille au processus d’examen accéléré de la phase 1. Les membres du GCP, qui ont activement participé, se sont montrés dévoués et disposés à apprendre les uns des autres et à écouter les points de vue exprimés. Le Comité GAGL a reçu des commentaires intelligents au sujet de l’Outil d’aide à la décision (OAD) ainsi que des conseils sur la façon de répondre aux préoccupations soulevées.

Le Comité GAGL a parfois trouvé difficile de maintenir le rythme nécessaire pour tenir le GCP au courant et à jour, mais en même temps, les réunions fréquentes ont permis de garder le cap. Le Comité GAGL a parfois eu de la difficulté à gérer les attentes élevées du GCP, surtout dans les cas de demandes spéciales de renseignements précis et relativement au rôle qui lui a été attribué en tant que comité consultatif du Comité GAGL et non du Conseil.

Le Comité GAGL a constaté que le consultant dont les services ont été retenus à contrat a joué un rôle essentiel pour maintenir l’engagement du GCP, et pour assurer la facilitation et la coordination du travail par des experts, ainsi que la modération en toute neutralité et la prestation d’un espace sécuritaire pour la discussion et le débat.

Le GCP et le Comité du PAG ont convenu qu’il faudrait constituer un groupe semblable au GCP pour la phase 2. En outre, le GCP a laissé entendre qu’il conviendrait de mieux gérer le temps en faisant appel à des sous-groupes de travail et en disposant de matériel éducatif plus concis et plus accessible pour communiquer avec le public. Le Comité GAGL et le GCP ont également convenu que tout changement à la composition actuelle devrait se faire par étapes.

Principale conclusion 3 :

Le Conseil fait face à des problèmes complexes, dont les changements climatiques. La mise à l’essai de scénarios est une approche utile pour mieux comprendre les incertitudes. (Section 3.2.2 et 5.1)

Le Comité GAGL et le Conseil ont dégagé un certain nombre de facteurs qui compliquent les décisions de déviation. Le moindre de ces facteurs n’est certainement pas l’incertitude que font planer les futurs apports d’eau. Les prévisions de précipitations au-delà d’un horizon de quelques jours ne sont toujours pas fiables. Pourtant, une période de fortes pluies ou de sécheresse marquée peut facilement effacer les avantages d’une déviation. Les changements climatiques ne font qu’exacerber cette incertitude et accroître la probabilité d’une variabilité encore plus grande des apports d’eau dans l’avenir.

Bien que l’incertitude qui plane sur les conditions prévues demeure un problème pour le Conseil, le Comité GAGL continuera de rechercher les meilleures données scientifiques et travaillera avec ses partenaires pour trouver des façons d’améliorer les prévisions à moyen et à long terme. Entre-temps, le Comité GAGL a élaboré des scénarios d’apports d’eau extrêmes qui ne se limitent pas aux données historiques dont le Conseil peut tenir compte dans son évaluation du risque liés aux apports d’eau.

Principale conclusion 4 :

Le Conseil a besoin de plus d’informations sur les impacts cumulatifs qu’occasionnent les déviations par rapport au Plan de régularisation. Les recherches du Comité GAGL aideront le Conseil à mieux comprendre l’évolution des risques entre les divers intérêts et les différentes régions géographiques. (Sections 3.2.3 et 5.5)

Le Conseil a voulu être davantage certains des risques que les crues extrêmes posaient pour les intérêts et les régions, et en quoi ces risques pouvaient être modifiés par ses décisions de déviation. Il a ainsi recensé certains risques graves liés aux décisions
de déviation :

  • Au cours des crues printanières : De graves inondations dans le cours inférieur du Saint-Laurent peuvent découler d’une augmentation même modeste du débit sortant du lac Ontario.
  • Pendant et après la formation des glaces : Les dommages écologiques dans le lac Saint-Laurent peuvent être causés par des débits sortants hivernaux anormalement élevés, tout comme l’affaiblissement de la couverture de glace du fleuve et les dommages causés par les inondations locales qui en résultent.
  • Pendant la saison de navigation : La fermeture de la Voie maritime, qui a eu des impacts négatifs sur l’industrie du transport maritime et sur ses clients, peut découler de déviations au-dessus de la limite L.

Le Comité GAGL a caractérisé les impacts sur un certain nombre d’intérêts, de sorte que le Conseil : puisse mieux comprendre qui est touché par les extrêmes; avoir une idée de l’ampleur des impacts, et savoir si sa stratégie de déviation peut améliorer les conditions. Cela pourrait l’aider à évaluer le risque associé à telle ou telle de mesure envisagée et le risque de transférer les impacts d’un intérêt ou d’une région à l’autre.

Principale conclusion 5 :

Les nouvelles informations peuvent permettre de modifier les limites et les déviations par rapport à ces dernières. La recherche ouvre des possibilités en termes de déviations dans l’avenir et s’accompagnent d’options de planification à explorer durant la phase 2. (Sections 3.3 et 4.0)

Limite I

La limite I exige que le niveau du lac Saint-Laurent soit maintenu à 71,8 m (235,56 pi) ou plus, tel que mesuré au barrage Long Sault. Cette valeur a été précisée parce qu’on croyait qu’il s’agissait du niveau minimal nécessaire afin de permettre aux prises d’eau des usines de traitement des eaux de fonctionner correctement. Les recherches du Comité GAGL ont révélé que ce minimum n’est peut-être pas un facteur limitatif. En revanche, de nouvelles recherches menées à l’appui du Comité GAGL ont révélé que les bas niveaux du lac Saint-Laurent pourraient mener à l’échouement de créatures aquatiques et ont conclu à la nécessité d’effectuer d’autres recherches. Le Comité GAGL a également déterminé qu’un autre facteur limitatif pourrait être la perte d’efficacité des centrales hydroélectriques quand elles sont exploitées à des une tête (ou hauteur de retenue) très faible à cause du bas niveau du lac Saint-Laurent.

Les recherches du Comité GAGL ont également indiqué qu’il serait possible, pour le Conseil, d’appliquer une déviation visant à augmenter le débit sortant hivernal au-delà de la limite I actuelle à 9 430 m3/s (333 000 pi3/s), quand la couverture de glace est stable dans certaines circonstances et recommande la tenue d’une étude plus approfondie.

 

Limite L 

De façon générale, la limite L permet de fixer un débit sortant maximum à hauteur du barrage Moses-Saunders afin de maintenir des courants sans danger pour la navigation commerciale dans la Voie maritime. Une autre partie de la limite L permet également de s’assurer que le niveau du lac Saint-Laurent demeure suffisamment élevé pour que les navires puissent emprunter les chenaux.

La recherche et le travail de consultation-sensibilisation des parties prenantes menés par le Comité GAGL ont révélé qu’une certaine marge de manœuvre pourrait s’appliquer à cette limite, surtout en été, quand des mesures d’atténuation sont en place. (Cette souplesse est limitée à l’automne, quand les courants sont plus forts et que le niveau du fleuve baisse.) Le Comité GAGL a effectué une évaluation indépendante, objective et non exclusive de la durée, du moment et de l’ampleur des impacts sur le secteur de la navigation commerciale pouvant découler de scénarios de débits extrêmement élevés. Cette recherche a permis de constater que toute fermeture temporaire de la Voie maritime peut entraîner des répercussions marquées et mesurables, la plus redoutable étant une fermeture prolongée en milieu de saison ou une fin hâtive de la saison de navigation, principalement en raison du volume de trafic et de la nature du fret transporté. De plus, le Comité GAGL a constaté que les deux débits maximums associés à la limite L du Plan 2014, de 10 200 m3/s (360 000 pi3/s) et de 10 700 m3/s (378 000 pi3/s), ne reposent sur aucune base empirique et qu’il y a lieu de revoir les hypothèses régissant la détermination de ces derniers.

De plus, le Comité GAGL a consacré plusieurs études au lac Saint-Laurent, qui peut être négativement touché par toute tentative de réduction de débordement du lac Ontario, ce qui est donc essentiel au processus décisionnel du Conseil. Les seuils de faible niveau du lac Saint-Laurent ont été remis en question et un travail supplémentaire de collecte des données s’impose. Le Conseil a souligné l’importance de disposer de renseignements plus détaillés pour l’aider à décider s’il peut dépasser les limites de débit sans danger, et d’établir le risque de prendre ou de ne pas prendre de mesures ainsi que le risque découlant du transfert des impacts d’un intérêt ou d’une région à l’autre.

 

Limite F

L’objectif fondamental de la limite F est de limiter les crues printanières et les inondations possibles, y compris celles causées ou exacerbées par la crue printanière de la rivière des Outaouais, ou par le ruissellement printanier, et d’ « équilibrer » les impacts en amont et en aval. Lors des crues de 2017 et de 2019-2020, le Conseil a constaté qu’il manquait d’informations pour élaborer avec confiance une stratégie de déviation à la limite F.

Le Comité GAGL a trouvé plusieurs ajustements possibles à la limite F ou des façons, pour le Conseil, de réagir à cette limite, mais cela pourra faire l’objet d’une étude et d’une évaluation plus poussées à la faveur de la phase 2. Il serait notamment question d’augmenter pas à pas les niveaux cibles du lac Saint-Louis et/ou d’omettre la tranche inférieure de ces niveaux. Par ailleurs, il serait possible de modifier l’application des cibles en fonction du moment de la crue, de lier les niveaux cibles aux apports du lac Érié ou de la rivière des Outaouais et d’ajouter une composante distincte à la limite F pour tenir plus directement compte du niveau du lac Saint-Pierre. Tous ces éléments devront faire l’objet d’un examen et d’une évaluation plus approfondis avant que le Conseil ne puisse envisager sérieusement de présenter une demande d’option de déviation ou de modification au Plan lui-même, lors de la phase 2.

L’inondation de bâtiments est un des principaux indicateurs d’impacts pouvant être appliqués à la grandeur du fleuve et du lac. Cet indicateur  a permis de déterminer toute une série d’impacts à l’échelle régionale, en amont et en aval, ainsi que les seuils critiques de niveau d’eau susceptibles d’éclairer les décisions de déviation par rapport à la limite F.

À la faveur de diverses études, le Comité GAGL a été en mesure de mieux cerner l’ampleur des impacts sur les intérêts riverains dans différentes conditions et pour différents emplacements, et ainsi de fixer des seuils critiques de niveau d’eau (zones d’impacts), cela pour informer le Conseil au sujet de l’impact de ses décisions relatives aux déviations dans différentes régions géographiques.